Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jérôme Guedj
Question N° 13687 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 18 décembre 2012

M. Jérôme Guedj attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une lacune de notre droit en matière de lutte contre l'homophobie. En effet, l'article L 212-1 du code de la sécurité intérieure dispose, en son sixième alinéa, que peuvent être dissoutes par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait qui « soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». On le voit, les discriminations à raison de l'orientation sexuelle ne sont pas expressément mentionnées, ce qui pourrait être de nature à permettre à des groupes extrémistes dont l'objet serait d'inciter à la violence contre les personnes homosexuelles, de pouvoir prospérer sans qu'il soit possible de procéder à leur dissolution administrative. Il lui demande quelles évolutions législatives et réglementaires il envisage afin de remédier à cette lacune de notre droit et s'il ne serait pas urgent d'intégrer, à la liste des discriminations justifiant la dissolution, celles relatives à l'orientation sexuelle des individus, en cohérence avec l'article L 225-1 du code pénal.

Réponse émise le 9 avril 2013

Le Conseil constitutionnel a érigé la liberté d'association au rang des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971) ; de même, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protège les libertés d'expression et de réunion (articles 10 et 11). Dans ce cadre, le recours au juge judiciaire, gardien des libertés individuelles (article 66 de la Constitution), est la voie de droit commun pour procéder à la dissolution d'une association. A ce titre, sur la base des articles 3 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, les associations fondées sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs ou qui auraient pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement, peuvent être dissoutes. A titre exceptionnel, un décret du président de la République en conseil des ministres peut prononcer la dissoluttion d'une association. L'article 212-1 du code de la sécurité intérieure, issu de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées, privilégie les motifs tenant à un trouble grave à l'ordre public. Depuis sa publication il y a 77 ans, cette législation a été utilisée à 89 reprises seulement : elle n'est réservée qu'aux cas les plus graves de groupes para-militaires, terroristes ou dont l'idéologie fait courir des dangers aux institutions de la République. La dernière mise en oeuvre concerne le groupe Forsane Alizza. Celui-ci appelait à l'instauration du califat, à l'application de la charia en France et à la résistance contre l'occident. En outre, du fait de son organisation structurée, de l'endoctrinement religieux dispensé à ses membres et de sa pratique d'entrainements au combat au corps à corps et à la prise d'otages, il présentait le caractère d'un groupe de combat tel qu'il est mentionné au 2° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. En incitant les musulmans à s'unir en vue de participer à une guerre civile présentée comme très probable et en préparant ses membres au combat, ce groupement avait pour but d'attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement, telle qu'elle est mentionnée au 3° de l'article L. 212-1 du dit code. Par ailleurs, le code pénal offre un cadre plus approprié à la poursuite d'individus isolés, et non constitués en association ou groupement de fait, provoquant à la haine ou à la violence à l'encontre d'un groupe de personne à raison de leur orientation sexuelle. L'homophobie est réprimée sous l'angle de la discrimination (article 225-2). Elle est érigée en circonstances aggravantes de plusieurs infractions : meurtre (article 221-4), actes de tortures ou de barbarie (article 222-3) et violences (article 222-8) à titre d'exemple. A ce stade, il n'apparaît pas approprié de soumettre au Parlement un projet de loi ayant pour objet d'ajouter les discriminations relatives à l'orientation sexuelle à la liste des causes de dissolution administrative d'association.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion