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Geneviève Gaillard
Question N° 1374 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 24 juillet 2012

Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la nécessité d'encadrer les exportations massives de grumes non transformées à destination des pays émergeants en général, et de la Chine en particulier. La France, qui détient une des plus importantes forêts de feuillus d'Europe, a toujours exporté du bois, notamment des grumes de chêne et de hêtre, à destination de pays comme l'Italie ou l'Espagne. Or, depuis quelques années, ces exportations de volumes stables ont été remplacées par des exportations en direction de pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Vietnam, dont les besoins semblent insatiables. Or notre ressource en bois n'est pas inépuisable. Ces bois reviennent souvent sur les marchés européens sous forme de produits finis à des prix défiant toute concurrence... D'autres pays qui exportaient en direction de l'Asie se sont dotés de mesures de sauvegarde ; c'est le cas de pays comme le Congo, le Gabon, le Cameroun, les États-unis ou la Russie. Elle souligne que cette forte demande asiatique conduit à une hausse des prix de l'ordre de 20 % sur le chêne de qualité courante et de 15 % sur le hêtre, ce qui contribue à grever les marges de la filière du bois et à fragiliser les entreprises de la première et de la seconde transformation dont les approvisionnements et la compétitivité sont menacés. Comble du système, en important le bois certifié PEFC issus de nos forêts, ces pays sont même en mesure de satisfaire à moindre coût les exigences qualitatives des marchés européens ! Elle souhaite savoir si nous continuerons à accepter la disparition programmée de notre industrie du bois, ou si, en collaboration avec le ministère des finances, il choisira de se doter de mécanismes de régulation qui protégeront la filière bois et favoriseront une gestion durable et éclairée de notre patrimoine forestier.

Réponse émise le 25 septembre 2012

Les besoins en bois des pays « émergents » augmentent avec leur croissance économique et démographique et la Chine, en particulier, importe de plus en plus de bois (grumes et sciages) de feuillus tempérés. Alors que les deux premiers fournisseurs de la Chine, Etats-Unis et Russie y exportent de plus en plus majoritairement des sciages, la France, troisième fournisseur en bois de feuillus tempérés exporte très majoritairement des grumes. En 2010, elle a exporté directement vers la Chine, en équivalent bois ronds, cinq fois plus de grumes de chêne (100 000 mètres cubes) que de sciages. L'impact de la demande chinoise sur l'exploitation des essences feuillues en France pourrait, selon certains observateurs, diminuer dans l'avenir sous l'effet d'un essoufflement du secteur de la construction en Chine et d'une croissance des flux de bois de la Russie vers la Chine. Les dernières statistiques douanières montrent néanmoins que le flux de grumes, en particulier de feuillus, de la France vers la Chine continue d'augmenter. Les exportations de grumes de chêne et de hêtre de la France vers le reste du monde se sont en effet accrues régulièrement entre 2009 et 2011, leur valeur passant de 20,4 millions d'€ à 31,6 millions d'€ pour le chêne et de 23,2 millions d'€ à 32,2 millions d'€ pour le hêtre. Pendant cette période, les exportations de grumes de chêne et de hêtre à destination des pays de l'Union Européenne ont peu augmenté et leur part dans la valeur totale exportée est passé de 76 % à 63 %. La part des exportations directes de ces grumes vers la Chine, qui ont doublé en valeur chaque année, a augmenté de manière significative passant de 13 % à 28 % sur la même période. Les effets de la demande chinoise sur la récolte française des grumes de chêne et de hêtre restent modérés. Alors que la ressource est insuffisamment exploitée, la récolte de grumes de feuillus ne cesse pas de baisser malgré les exportations significatives de grumes vers la Chine (près de 10 % de la récolte en 2011). Les effets sur le prix, sensibles parfois au niveau local, restent faibles à l'échelle national : en 2011, le prix des grumes a baissé de 1 % en chêne et augmenté seulement de 0,5 % en hêtre. D'éventuelles mesures visant à limiter l'exportation des produits bruts ou l'importation de produits transformés doivent être compatibles avec les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et relèvent de la compétence de l'Union Européenne. Parmi les mesures visant à limiter l'exportation, les règles de l'OMC n'autorisent que les taxes (article XI du GATT) et les autres types de mesures sont susceptibles de générer des contentieux. Plusieurs pays en développement, membres de l'OMC, ont instauré des mesures de restriction pour se protéger contre une exploitation forestière désordonnée, assimilée à du néocolonialisme, et pour encourager la production de valeur ajoutée locale. Mais ces mesures se sont révélées peu efficaces. Ainsi le Congo, le Gabon ou le Cameroun ont mis en place des taxes à l'exportation des grumes, des quotas accordés aux exportateurs, voire des interdictions d'exporter. Ces mesures ont été, la plupart du temps, contreproductives : le développement d'une industrie de transformation locale par le biais de la réglementation a conduit à une surcapacité de transformation et/ou un épuisement de la ressource ; la baisse des prix (plus élevés sur les marchés internationaux que sur les marchés nationaux) n'a pas permis de développement économique ; les pays concernés ont vu leurs recettes fiscales diminuer, en raison de la diminution des volumes exportables, et ce malgré la hausse des taxes à l'exportation. La Russie a également introduit en 2007 des taxes à l'exportation ; elle s'est engagée depuis à baisser ces droits. En fait, ce sont les exportateurs de bois transformés nord-américains qui ont le plus bénéficié de la vitalité de la demande chinoise en bois, alors que le Canada et les Etats-Unis n'appliquent pas de taxes à l'exportation. Au-delà de ces quelques éléments de contexte, largement analysés par mes services, l'enjeu majeur pour la filière bois française réside avant tout dans sa capacité à promouvoir des solutions industrielles compétitives permettant de gagner des parts de marché domestique ainsi qu'à l'exportation, et de créer des emplois en France. Avec les gains en compétitivité de la première transformation, les scieries françaises de feuillus sont susceptibles de trouver de nouveaux débouchés, y compris vers la Chine qui pourrait s'approvisionner en sciages plutôt qu'en grumes. Le coût de l'approvisionnement des scieries en matière première est bien l'un des facteurs à considérer pour gagner en compétitivité. Comme une baisse du prix du bois récolté aurait pour effet de limiter la mobilisation de la ressource forestière, il apparait essentiel d'offrir un cadre réglementaire permettant de réduire le coût du transport de bois. Par ailleurs, les efforts déployés par l'ONF et les organisations de producteurs pour davantage commercialiser le bois par contrats d'approvisionnement sont encouragés afin d'assurer une meilleure qualité et une garantie des approvisionnements. Pour l'emploi et la santé de la filière, il convient également de développer la seconde transformation sur le territoire français afin de conjuguer proximité de la ressource et proximité du marché final. La préférence pour des produits finis entièrement fabriqués en France passera par une meilleure finition et une meilleure qualité. Elle peut aussi s'appuyer sur une responsabilisation des consommateurs à l'égard de l'emploi et de l'environnement. A cet égard, je salue les efforts déployés par certains fabricants français de parquet pour développer, dans une démarche volontaire, des marques collectives qui ont pour vocation, en plus de maintenir une seconde transformation en France, d'assurer une parfaite traçabilité, des garanties de qualité et un meilleur bilan carbone des produits (les matières premières venant de France ou d'Europe et la fabrication étant strictement limitée au territoire français).

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