M. Serge Letchimy attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les conséquences socioéconomiques de la pollution des océans par la chlordécone. Frappés de plein fouet par les effets de l'utilisation passée de la chlordécone sur les terres agricoles, les marins pêcheurs de la Martinique vivent actuellement une tragédie d'autant plus forte que ces professionnels n'ont aucune responsabilité dans l'usage du polluant dont ils sont aujourd'hui les victimes. Divers arrêtés préfectoraux ont, depuis septembre 2009, considérablement restreint les possibilités de pêche à l'instar de l'arrêté ayant très récemment imposé l'interdiction de la pêche à la langouste, dans la zones côtière allant du sud de la Trinité au nord du Vauclin. C'est un véritable coup de massue pour les 1 300 marins-pêcheurs concernés comme pour l'ensemble d'une profession déjà exsangue. Vendue entre 25,00 et 30,00 euros le kilo, elle offre aux marins-pêcheurs des gains autrement plus importants que ceux émanant de la vente de poissons (généralement pratiquée à 10,00 euros le kilo) tant et si bien que nombre de professionnels pratiquaient cette pêche de manière exclusive. Si la côte atlantique et la zone directement impactée vont subir de plein fouet cette interdiction, son effet se fait déjà sentir sur la zone caraïbe, où la langouste, saine, est désormais boudée par des consommateurs devenus méfiants. Baisse substantielle voire totale des revenus, cessation d'activité, accroissement de la dette sociale, report de l'effort de pêche vers des zones plus lointaines, atteinte de la ressource côtière, faible consommation des produits de la mer, tel est le constat alarmant dressé tant par les autorités que les professionnels. Les marins de Martinique doivent impérativement diversifier leur activité, se reconvertir ou subir faillite et chômage. Mais plusieurs difficultés se dressent face à des reconversions de cette ampleur qui doivent, en outre, se faire dans l'urgence. Il faut désormais aller pêcher plus loin. Cette perspective implique cependant une utilisation accrue de carburant. Or le prix du carburant est un écueil majeur pour nos professionnels. C'est un poste de dépenses impactant leur chiffre d'affaires à hauteur de 50 %, voire 60 %. Aller pêcher plus loin implique surtout un changement de matériel et de navire que beaucoup de professionnels ne pourront assumer sans soutien public. Or la législation européenne interdit l'obtention de telles aides publiques pour l'acquisition de bateaux neufs. Il lui demande quelles actions le Gouvernement sera susceptible d'entreprendre pour mettre en place une véritable indemnisation des professionnels impactés et aider les collectivités locales, déjà fortement sollicitées dans le cadre du plan chlodécone 2, à faire face à cette situation dramatique pour la filière pêche. Les autorités locales ainsi que les professionnels de la pêche et l'ensemble des Martiniquais ne sauraient comprendre que la filière pêche, à qui l'usage du chlordécone est étranger, ne bénéficie pas des compensations obtenues par la filière banane à la suite de la découverte de l'ampleur des effets de la pollution à la chlordecone.
Le Gouvernement est pleinement conscient de la situation préoccupante du secteur de la pêche en mer et de l'aquaculture résultant de la pollution par la chlordécone dans les Antilles. Il a pris la mesure de l'ampleur de cette situation dès les premiers résultats connus démontrant la pollution de certaines zones de pêche, nécessitant, dans un souci de protection de la santé publique, de prononcer des interdictions de pêche. Depuis 2008, les plans chlordécone mis en place par l'État, avec le soutien des collectivités, s'attachent notamment à accompagner les professions fortement affectées par cette pollution. Du fait de la diffusion progressive de la pollution dans le milieu marin, la problématique maritime a pris une importance grandissante lors de la mise en oeuvre du deuxième plan (période 2011-2013) et constituera un axe important du troisième plan chlordécone (période 2014-2016), en cours de finalisation. Des dispositifs d'aides aux pêcheurs ont ainsi été mis en place dans le cadre du deuxième plan chlordécone, permettant d'octroyer une aide financière dans le courant de l'année 2011 à près de 300 pêcheurs martiniquais pour un montant de 2,2 M€. Un nouveau dispositif d'aides a été mis en place en 2013 suite à l'interdiction de pêche prononcée par arrêté préfectoral du 30 novembre 2012 et ciblant notamment les langoustes. Plus de 460 pêcheurs ont d'ores et déjà été indemnisés pour un montant total de 1,9 M€. Au-delà de ces aides, et face à cette pollution dont les effets perdurent, l'ambition du troisième plan chlordécone est de mettre en place, au niveau local, un plan d'adaptation durable des pêcheurs travaillant habituellement dans ces zones. Ce plan pourra couvrir l'ensemble des volets identifiés (reconversion, diversification, relocalisation, meilleure promotion et valorisation des produits...) en proposant les mesures adaptées à la situation locale, en conformité avec la réglementation communautaire. La Commission européenne, dont les services ont déjà été approchés, sera ainsi associée étroitement à ces travaux.
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