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Jean-Claude Buisine
Question N° 14234 au Ministère du budget


Question soumise le 25 décembre 2012

M. Jean-Claude Buisine appelle l'attention de Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique sur la sécurisation juridique de l'éco-conditionnalité des subventions des départements aux communes. Au titre de leur clause de compétence générale et de leur concours à la protection de l'environnement et à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise de l'énergie, de nombreux départements et d'autres collectivités territoriales ont fait le choix stratégique de favoriser la performance énergétique des bâtiments publics. Cet objectif se traduit dans des politiques incitatives en faveur du développement durable. Menant une politique volontariste, le département de la Somme a précisé les conditions d'attribution de ses subventions par des critères de développement durable, dont un critère lié à la maîtrise des consommations énergétiques pour les projets de réhabilitation des bâtiments publics des communes et intercommunalités. La participation du département accompagne les surcoûts financiers générés par les initiatives communales les plus volontaristes et elle est conditionnée au respect d'un objectif de réduction de 30 % de la consommation globale d'énergie avant travaux. Si les normes nationales prévoient cette obligation pour les bâtiments de plus de 1 000 m², le dispositif de la Somme vise à soutenir les communes s'engageant dans les travaux pour toute taille de bâtiments. La libre détermination des critères d'attribution des subventions est un élément fondamental du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ainsi que l'a rappelé récemment le Conseil constitutionnel (QPC n° 2011-146 du 8 juillet 2011, département des Landes). Toutefois, en l'absence de jurisprudence précise, une interprétation stricte de l'article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales relatif à la tutelle technique conduirait à limiter la mise en œuvre de critères d'éco-conditionnalité des subventions aux communes et aux intercommunalités. L'enjeu est de laisser la liberté aux collectivités pionnières d'aller plus loin que la loi et non de limiter leur action. Tout en précisant si l'article L. 1111-5 du CGCT s'oppose effectivement à la mise en œuvre de l'éco-conditionnalité des aides attribuées par les départements aux collectivités locales, il lui demande de bien vouloir détailler les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de sécuriser le cadre juridique des subventions départementales aux communes et aux intercommunalités à l'occasion du prochain acte III de la décentralisation.

Réponse émise le 11 février 2014

Conformément à l'article 72 de la Constitution et aux articles L. 1111-4, L. 1111-5 et L. 3232-1 du code général des collectivités territoriales, l'attribution par un département d'une subvention à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale ne peut avoir pour effet l'établissement ou l'exercice d'une tutelle sur l'entité bénéficiaire. Le Conseil constitutionnel a considéré que la tutelle d'une collectivité sur une autre n'est constituée que si la première dispose du pouvoir de substitution de ses décisions sur celles de la seconde, ou encore si elle dispose du pouvoir de s'opposer à ses décisions ou contrôler l'exercice de ses compétences (Cons. const. , 9 déc. 2010, loi de réforme des collectivités territoriales, n° 2010-618 DC, cons. 22). En matière de subvention, le Conseil constitutionnel a précisé que la possibilité pour un département d'accorder une subvention aux communes pour la gestion de leur service public de distribution de l'eau, dont le taux est différent selon que le service est géré en régie ou délégué, n'est pas constitutif de l'exercice d'une tutelle (Cons. const. , 8 juillet 2011, dpt des Landes, n° 2011-146 QPC). Il confirme ainsi la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, ass. , 12 déc. 2003, dpt des Landes, req. n° 236442). S'agissant plus particulièrement des dispositions de l'article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales, qui proscrivent l'établissement ou l'exercice d'une tutelle d'ordre technique, le Conseil d'Etat a jugé, dans le même arrêt d'assemblée, que seule une délibération qui instituerait une prescription ou une procédure technique méconnaîtrait cette interdiction. De plus, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », « dans les conditions prévues par la loi ». Si le législateur peut assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général (Cons. const. , 8 juill. 2011, dpt des landes, n° 2011-146 QPC, cons. 3e t 4). Il s'ensuit que lorsqu'une loi encadre les modalités d'octroi des subventions attribuées par une collectivité territoriale, les obligations ou les interdictions qu'elle prévoit doivent répondre à des fins d'intérêt général et ne doivent pas restreindre la libre administration de la collectivité concernée au point de méconnaître les articles 72 et 72-2 de la Constitution (Cons. const. , 8 juill. 2011, dpt des landes, n° 2011-146 QPC, cons. 4 et 5). En matière d'éco-conditionnalité, les départements ont ainsi la liberté de fixer, au bénéfice des communes et établissements publics de coopération intercommunale de leur territoire, un régime d'aides financières de nature incitative, dès lors que le dispositif qu'ils instaurent n'a pas pour objet ou pour effet d'entraver la liberté de choix des entités bénéficiaires. Par ailleurs, le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles prévoit des mesures destinées à clarifier l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le cadre notamment de la conférence territoriale de l'action publique. A cet effet, les conventions territoriales d'exercice concerté d'une compétence devront prévoir les objectifs de rationalisation et les modalités de l'action commune. Elles devront déterminer les modalités de la coordination, de la simplification et de la clarification des interventions financières des collectivités territoriales.

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