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Jean-Jacques Urvoas
Question N° 14236 au Ministère du travail


Question soumise le 25 décembre 2012

M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la situation critique de l'industrie du bâtiment dans le Finistère. Après quatre années de crise et de baisse générale de prix sur les marchés publics et privés, de nombreuses entreprises ont déposé le bilan alors que d'autres sont confrontées à d'énormes difficultés de trésorerie. Depuis 2008, ce ne sont pas moins de 2 300 postes qui ont été supprimés dans cette branche sur le département du Finistère et les prévisions font état de la disparition de 500 à 700 emplois supplémentaires d'ici fin 2013. La situation est encore aggravée par l'arrivée en masse sur les chantiers de travailleurs de pays de l'est dont les rémunérations sont inférieures de près de 50 % à celles que les entreprises locales doivent pratiquer, ce qui remet en cause l'ensemble des acquis sociaux dans le secteur du bâtiment. Afin d'encadrer les dérives ainsi observées, la fédération française du bâtiment (FFB) formule les propositions suivantes : vérifier dans les appels d'offre la provenance des personnels des entreprises ; rendre obligatoire le contrôle des règles sur le détachement des salariés et des obligations en matière de salaire, d'horaires de travail et de congés payés ; réclamer la carte d'identité des salariés du BTP délivrée par les caisses de congés payés. De même, dans le but d'enrayer cette spirale infernale des prix bas, il pourrait s'avérer judicieux de rendre obligatoire l'envoi du rapport d'analyse des offres à toutes les entreprises ayant répondu à une consultation avec les noms des membres de la commission d'appel d'offre. Il l'interroge sur la position du Gouvernement sur ces différentes préconisations.

Réponse émise le 21 mai 2013

L'attention du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a été appelée concernant les conditions d'intervention sur le territoire national, et notamment dans le département du Finistère, d'entreprises prestataires de services établies dans les pays d'Europe de l'Est. Ces entreprises s'affranchissent des règles en proposant leurs services à des coûts horaires très inférieurs à ceux pratiqués en France, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), ce qui engendre une concurrence déloyale préjudiciable aux entreprises locales. Dans ce contexte, afin d'encadrer les conditions d'intervention en France de ces entreprises et de mettre fin aux dérives constatées, la fédération française du bâtiment (FFB) a formulé des propositions sur lesquelles l'avis du gouvernement est sollicité. En premier lieu, la FFB propose de vérifier dans les appels d'offre la provenance des personnels des entreprises. Le principe de libre prestation de services garanti par les traités européens permet à toute entreprise établie hors de France d'intervenir en France avec ses propres salariés pour l'exécution d'un contrat de prestation de services, et donc de se porter candidate pour répondre à un appel d'offre émis en France. Mais afin de concilier la libre prestation de services avec l'impératif de protection des travailleurs dans un climat de concurrence loyale, le code du travail encadre précisément les conditions d'intervention en France des entreprises établies hors de France, conformément aux dispositions de la directive européenne 1996/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. L'entreprise prestataire étrangère doit notamment intervenir en France de façon temporaire (en fonction de la durée nécessaire à la réalisation d'une mission définie au préalable) et à la condition d'être régulièrement établie dans son pays d'origine et d'y justifier d'une activité significative. Une entreprise établie hors de France dont l'activité est entièrement orientée en France doit créer un établissement en France et ne peut pas se prévaloir du détachement. En ce qui concerne le droit du travail applicable, les entreprises étrangères intervenant en France au titre du détachement sont tenues de respecter les règles françaises (fixées par le code du travail ou les conventions collectives étendues) en matière de conditions de travail et d'emploi, notamment la rémunération, la durée du travail, la santé et les règles de sécurité au travail. En second lieu, la FFB souhaite rendre obligatoire le contrôle des règles sur le détachement des salariés et des obligations en matière de salaires, d'horaires de travail et de congés payés. Il doit être signalé qu'en termes de contrôle, le secteur du BTP est resté en 2011, dernière année des statistiques disponibles, le secteur le plus contrôlé (avec 41 % des contrôles) et le plus verbalisé (avec un taux d'infraction voisin de 15 %). Par ailleurs, le gouvernement est particulièrement attentif à ce que la mobilisation des services soit encore renforcée, tant dans ses aspects préventif que répressif. A cet égard la commission nationale de lutte contre le travail illégal réunie le 27 novembre 2012 a dressé le bilan des actions déjà engagées par les services de l'Etat et les organismes de recouvrement des cotisations sociales et fixé les axes prioritaires du plan national d'action pour les années 2013 à 2015. Ce plan retient parmi cinq objectifs prioritaires le renforcement de la lutte contre les fraudes au détachement dans le cadre de prestations de services transnationales, notamment dans le secteur du BTP. En outre, pour la bonne application des règles du détachement dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union européenne et compte tenu des pratiques de contournement du droit constatées (exemple des entreprises « boîtes aux lettres »), la Commission européenne a adopté en date du 21 mars 2012 une proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la mise en oeuvre de la directive de 1996. Cette proposition de texte prévoit différentes mesures, dont certaines visent plus particulièrement à renforcer l'efficacité et l'effectivité du contrôle du respect des règles du détachement, à travers notamment l'intensification de la coopération entre Etats membres et la mise en place d'une procédure spécifique d'exécution des sanctions prononcées dans un cadre transnational. Dans le cadre des négociations entre les Etats membres relatives à ce projet, le gouvernement est extrêmement vigilant à sensibiliser l'ensemble des partenaires européens à la nécessité de mettre en place des mécanismes permettant de lutter efficacement contre les fraudes et les abus. En troisième lieu, la FFB propose de réclamer la carte d'identité des salariés du BTP délivrée par les caisses de congés payés. Il doit être précisé que les entreprises prestataires établies dans l'Union européenne doivent être affiliées à la caisse française de congés payés, à moins de justifier que les salariés détachés en France bénéficient dans leur état d'origine des mêmes droits dans des conditions au moins équivalentes à celles prévues par le code du travail. Les entreprises prestataires établies hors de France qui interviennent en France sur des chantiers ne sont donc pas toutes nécessairement affiliées en France à la caisse des congés payés. Celles qui sont affiliées en France peuvent demander la délivrance de cartes d'identité des salariés du BTP pour leurs salariés détachés sans y être pour autant obligées. En effet, cette carte personnalisée, créée à l'initiative de l'union des caisses de France congés payés et intempéries (UCF-CI) afin de favoriser la lutte contre le travail illégal dans le BTP, repose sur un engagement purement volontaire de l'employeur. Il n'apparaît ainsi pas cohérent de considérer la détention de cette carte comme élément attestant du respect des règles en matière d'affiliation aux caisses de congés payés du bâtiment. Un salarié détaché peut être régulièrement affilié en France sans être pour autant détenteur de cette carte. C'est pourquoi il n'est pas actuellement envisagé de rendre obligatoire la production de cette carte par les entreprises prestataires étrangères pour attester du respect des règles en matière d'affiliation à la caisse des congés payés du bâtiment.

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