Mme Jeanine Dubié attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les conséquences que peuvent entraîner les politiques de soutien aux agrocarburants. En effet celles-ci contribuent à accaparer, notamment dans les pays du sud, les terres agricoles qui dès lors ne sont plus utilisées pour la production de denrées alimentaires. De nombreuses ONG demandent donc que les objectifs d'incorporation d'énergie renouvelable dans le secteur des transports soient suspendus tant que la recherche ne propose pas d'agrocarburants n'ayant aucune incidence environnementale ou sociale. Elles souhaitent également la fin des subventions et avantages fiscaux qui encouragent le développement de cette filière. Elle lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions en la matière.
Ces dernières années, la volatilité des prix des denrées alimentaires a engendré une crise alimentaire qui a touché des millions de personnes. Dans son rapport sur la volatilité des prix et la sécurité alimentaire daté de juillet 2011 par le HLPE (high level panel of expert, un groupe d'experts de haut niveau), la FAO (food and agricultural organization) impute en premier lieu cette volatilité des prix à la spéculation sur les matières premières. Des bulles spéculatives se sont créées, engendrant les situations de faim que l'on a pu observer dans certains pays en voie de développement. Ces pays ont également une volatilité des prix interne qui ne dépend pas de l'international puisqu'elle se retrouve même lorsque les cours des denrées alimentaires sont stables. Toujours selon ce rapport, l'utilisation de la biomasse à des fins industrielles, telles que les biocarburants par exemple, doit être encadrée, afin de ne pas contribuer d'une part à la volatilité des prix mais aussi d'être écologiquement viable. Les biocarburants produits en France sont historiquement les co-produits des tourteaux de colza utilisés pour nourrir les élevages. Ils sont apparus en 1973 à la suite de l'embargo sur le soja en provenance des États-Unis. La production française de colza, aujourd'hui largement tournée vers la production de biocarburants, permet à notre pays d'être suffisant à hauteur de 60 % en protéines selon les industriels du secteur. Ceci permet aux éleveurs une certaine indépendance en approvisionnement de nourriture animale. Dans les années 80, la surproduction agricole européenne a été visée à maintes reprises par la FAO, au motif qu'elle accentuait la faim dans le monde. La réforme de la politique agricole commune de 1992 a instauré des jachères en France pour limiter cette production. L'exploitation de ces jachères au profit des biocarburants a permis de conserver en France une industrie agricole de premier plan qui emploie aujourd'hui plus de 40 000 personnes. De plus, ces agrocarburants produits en France n'ont pas été produits au détriment de denrées alimentaires. Lors de la conférence environnementale pour la transition écologique qui s'est tenue les 14 et 15 septembre 2012, le Gouvernement a annoncé que l'objectif d'incorporation des biocarburants actuels resterait plafonné à 7 %, et que les objectifs communautaires seraient atteints avec des biocarburants avancés. Pour ce faire, le Gouvernement a décidé en décembre 2013 de relever l'objectif de la filière gazole à 7,7 % en réservant une part de 0,7 % pour les biocarburants avancés. Cela permettra de ne pas mettre en péril une filière indispensable à la transition énergétique et dont les débouchés industriels sont intéressants pour la France. Après l'atteinte de cet objectif dans chacune des filières, les objectifs devraient être relevés progressivement avec le concours renforcé des biocarburants issus de déchets ou de résidus puis avec les biocarburants avancés. Ces filières du futur se développent avec de nouveaux procédés industriels utilisant des sources de biomasse non destinées à l'alimentation humaine ou animale. Ces cultures dédiées n'entreront donc plus en concurrence directe avec les cultures vivrières. La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et la directive 2009/30/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel, et aux gazoles ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, instaurent notamment des critères conformes aux exigences du développement durable dénommés « critères de durabilité ». Seuls les biocarburants et les bioliquides qui respectent ces critères pourront être pris en compte pour l'atteinte des objectifs susmentionnés et déterminer l'admissibilité à une aide financière pour leur consommation : - critères qualitatifs : les biocarburants et les bioliquides ne doivent pas être produits à partir de terres riches en biodiversité (forêts primaires, prairies naturelles...) et de terres présentant un important stock de carbone (zones humides, zones forestières continues...) ; - critères quantitatifs : les biocarburants et les bioliquides doivent permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre (du puits à la roue), d'au moins 35 % par rapport aux énergies fossiles, pourcentage porté à 50 % en 2017. Ces critères de durabilité s'appliquent aux biocarburants consommés dans l'Union européenne indépendamment du fait que les matières premières utilisées ont été cultivées sur ou en dehors du territoire de l'Union européenne et à toutes les filières. Ce régime de durabilité constitue, au niveau mondial, le programme de viabilité le plus complet et le plus à la pointe afin d'éviter les effets secondaires négatifs de la production de biocarburants. A ce jour, l'ensemble de ces mesures a été transposé en France. En ce qui concerne les changements d'affectation des sols indirects (CASI), liés au développement des biocarburants, le Gouvernement soutient fortement la démarche engagée par la Commission européenne pour évaluer les différentes pistes d'actions envisageables pour les limiter et promouvoir les biocarburants avancés qui ne rentrent pas en concurrence directe avec la production alimentaire mondiale, même si la production de biocarburant mobilise actuellement moins de 2 % de la surface mondiale agricole cultivée. Le 17 octobre 2012, la Commission européenne a publié une évaluation des incidences des CASI qui est accompagnée d'une proposition de modification des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE pour prendre en compte ces facteurs. Ce projet vise notamment à : - inclure des facteurs liés aux CASI dans les rapports que doivent soumettre les fournisseurs de carburant et les États membres sur la réduction des émissions associées aux biocarburants et aux bioliquides ; - restreindre jusqu'en 2020 au niveau moyen actuel de consommation, c'est-à-dire 5 %, la quantité de biocarburants et de bioliquides produits à partir de cultures alimentaires pouvant être comptabilisée dans les 10 % d'énergies renouvelables fixés par l'UE à l'horizon 2020 pour le secteur des transports ; - promouvoir les biocarburants de deuxième ou troisième génération produits à partir de matières premières n'entraînant pas de besoins de terres supplémentaires, telles que des algues, de la paille ou divers types de déchets. Par ailleurs, le Gouvernement est impliqué au niveau international et participe à des groupes de travail afin de mieux comprendre l'impact des biocarburants sur l'utilisation des ressources. Il suit notamment les travaux de la FAO, qui a commandé pour 2013 au HLPE un nouveau rapport sur la sécurité alimentaire et la nutrition. La France participe également activement au GBEP (global bioenergy partnership), un forum d'échange sur les problématiques liées à l'utilisation de la biomasse-énergie. Un des sujets de ce groupe est le conflit d'usage qui peut exister entre alimentation et énergie. Enfin, le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt président le Groupe interministériel français sur la sécurité alimentaire, un espace d'échanges regroupant des acteurs d'origine diverse (administrations, ONG, AFD, profession agricole...) dont l'objectif est de renforcer la sécurité alimentaire dans les pays du sud. En ce qui concerne la fiscalité liée aux biocarburants, jusqu'à la fin 2004, le principal outil incitatif mis en place pour atteindre les objectifs d'incorporation de biocarburants dans les carburants traditionnels d'origine fossile était la défiscalisation. En effet, la directive 2003/96/CE relative à la taxation de l'énergie prévoit la possibilité pour les États membres d'appliquer un taux d'accises réduit sur certaines huiles minérales (carburants) qui contiennent des biocarburants et sur les biocarburants. Cette défiscalisation qui ne s'applique qu'aux biocarburants issus des unités de production agréées, dans la limite des quantités agréées permet de compenser le surcoût des biocarburants et d'assurer une traçabilité des produits et de garantir leur qualité. Depuis 2005, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), est l'outil principal pour atteindre les objectifs d'incorporation fixé par le Gouvernement. L'article 16 de la loi de finances pour 2009 a prévu une diminution progressive de la défiscalisation accordée aux biocarburants, maintenant un avantage concurrentiel pour les biocarburants tout en allégeant leur charge sur les finances publiques. Les débats parlementaires ont conduit à infléchir les propositions initiales du Gouvernement, qui visaient à supprimer complètement la défiscalisation en 2012. Après une diminution régulière, les taux de défiscalisation des biocarburants ont été stabilisés à partir de 2011. D'ici fin 2015, la réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), pour les biocarburants de première génération, issus de l'agriculture sera supprimée.
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