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Philippe Goujon
Question N° 14368 au Ministère de l'économie


Question soumise le 25 décembre 2012

M. Philippe Goujon appelle l'attention de M. le ministre du redressement productif sur les difficultés que rencontrent les professionnels français du commerce et de la réparation du cycle en raison de la réduction du délai de paiement des fournisseurs à 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d'émission de la facture, en vertu de l'article L. 441-6 du code de commerce modifié par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008. Bien que cette disposition législative réponde à la demande de nombreux fournisseurs, elle présente des effets négatifs dans le secteur du cycle, introduisant un handicap concurrentiel pour l'économie française. Les magasins de vente et de réparation de vélos qui se fournissent auprès de fabricants de cycles français durant l'hiver pour constituer leurs stocks mis en vente dès le printemps n'ont pas suffisamment de trésorerie pour payer ces commandes aux fournisseurs français dans le délai légal. Aussi annulent-ils actuellement nombre de commandes, préférant se fournir à l'étranger, car les fournisseurs étrangers accordent des délais plus longs de paiement, notamment en vertu de la convention de Vienne du 11 avril 1980 relative aux relations commerciales transfrontières. Ainsi le constructeur de cycles Lapierre, basé à Dijon, a-t-il remarqué de nombreuses annulations de commandes reportées vers des fournisseurs étrangers. Aussi il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour répondre à la demande de ces professionnels du cycle, et notamment si une modification des délais de paiement dans le cadre du crédit fournisseur, comme le permettrait la directive européenne n° 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales pourrait être rapidement adoptée.

Réponse émise le 14 juin 2016

La directive no 2011/7/UE du 16 février 2011 relative à la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, devant être transposée intégralement dans l'ensemble des pays européens au 16 mars 2013, prévoit dans son article 3.5 un plafonnement des délais de paiement à 60 jours civils et autorise le dépassement de ce plafond par contrat dès lors que le délai fixé ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. Toutefois, la France n'a pas transposé la disposition de la directive no 2011/7/UE ouvrant droit au déplafonnement contractuel des délais de paiement pour ne pas remettre en cause le principe même de la réforme instaurée par la loi de modernisation de l'économie (LME). Ce principe, favorable aux créanciers, n'a pas été contesté par la Commission européenne. La loi de modernisation de l'économie avait prévu la possibilité pour certains secteurs particuliers de déroger, de manière temporaire, à cette règle de principe. Un accord dérogatoire avait pour effet de donner aux entreprises concernées la possibilité d'obtenir, dans leurs relations avec leurs fournisseurs, des délais de paiement plus favorables que le délai légal de 60 jours nets ou 45 jours fin de mois pendant la durée de validité de l'accord. Un décret pouvait ainsi autoriser un accord interprofessionnel à différer l'application du délai légal de paiement dans le secteur économique concerné à condition que des « raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur » justifient un tel report. Le décret no 2009-1266 du 20 octobre 2009 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur des articles de sport a homologué l'accord dérogatoire présenté par les fédérations professionnelles du secteur des articles de sport, qui s'appliquait aux activités de glisse sur eau, neige et air, aux activités de roulement (cycle), ainsi qu'à d'autres activités de plein air ou d'intérieur. Cette dérogation a pris fin au 31 décembre 2011. Tenant compte de la difficile sortie de ces accords dérogatoires pour les entreprises relevant de secteurs très saisonniers, l'article 121 III de la loi no 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives a permis aux professionnels de négocier, jusqu'au 1er octobre 2012, de nouveaux accords dérogatoires pour une durée maximale de trois ans, sous réserve de respecter trois conditions cumulatives. Le secteur doit avoir été couvert par un accord dérogatoire au sens de l'article 21 III de la LME. Le nouvel accord doit concerner des produits ou services comportant un caractère saisonnier particulièrement marqué. Enfin, ce nouvel accord ne doit pas prévoir des délais de paiement supérieurs au dernier plafond prévu par l'accord dérogatoire conclu sous l'empire de la LME. Le secteur de la location de cycles avait initialement été intégré à l'accord conclu par les représentants du secteur du commerce des articles de sports. Toutefois, dans son avis no 13-A-01 du 17 janvier 2013, l'autorité de la concurrence a constaté que les ventes de cycles sont réparties sur l'ensemble de l'année de façon homogène. Cette activité a donc été exclue du champ de l'accord préalablement à son homologation. La Cour des comptes, dans son rapport public thématique sur l'État et le financement de l'économie, publié en juillet 2012 estime que la loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a permis une amélioration conjoncturelle des délais de paiement. Ainsi, l'observatoire des délais de paiement, dans ses rapports 2012 et 2013, préconise d'exclure toute mesure supplémentaire visant à assouplir (prolongation ou multiplication d'accords dérogatoires) ou à restreindre les principes généraux établis par l'article L. 441-6 du code de commerce. Le souhait du Gouvernement, comme des professionnels membres de l'observatoire des délais de paiement, est d'éviter toutes nouvelles dérogations sectorielles à la réglementation relative aux délais de paiement afin de lutter contre l'allongement des délais de paiement. De plus, la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a doté l'administration d'un pouvoir de sanctions renforcé. Il s'agit de mieux sanctionner les retards de paiement par la mise en œuvre par l'administration de sanctions administratives, en remplacement des sanctions civiles et pénales auparavant en vigueur. Le dispositif prévu permettra aux services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, après constat par procès-verbal des agents habilités, d'un manquement aux règles relatives aux délais de paiement, de prononcer une amende administrative, dont le montant maximum sera de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € pour une personne morale. La procédure préalable au prononcé des amendes sera contradictoire et permettra à l'entreprise concernée de présenter ses observations. Les sanctions prononcées seront soumises au contrôle du juge administratif. L'objectif est ainsi d'améliorer la réactivité et l'efficacité de l'action des pouvoirs publics, et de lutter contre les délais cachés qui sont régulièrement dénoncés. Par exemple, les pratiques consistant à modifier le mode de computation des délais de paiement ou à en retarder le point de départ seront désormais sanctionnées d'une amende administrative. Enfin, un nouveau pouvoir d'injonction est également conféré à l'administration. Prévue à l'article L. 465-1 du code de commerce, l'injonction est une mesure de police administrative préventive, lorsqu'elle a pour objet d'éviter qu'un trouble à l'ordre public ne se produise, ou corrective, lorsqu'elle impose un comportement à un administré, en vue de le contraindre à se conformer à ses obligations, à cesser tout agissement illicite ou à supprimer toute clause illicite.

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