M. Jacques Myard appelle l'attention de M. le ministre du redressement productif sur la nécessité d'une politique industrielle. La France connaît malheureusement depuis des années une désindustrialisation et une perte de compétitivité sur les marchés extérieurs qui ont abouti à faire glisser la part de la France dans le commerce international de 5,6 % à 3,4 %. Cette situation est, certes, due à une montée en puissance des charges sur nos entreprises, en raison notamment des 35 heures, de la fiscalité trop lourde sur le patrimoine qui a chassé l'épargne des Français vers l'étranger ; mais elle résulte aussi de l'absence de politique industrielle au niveau français et surtout au niveau européen. À ce titre, le rapport Gallois souligne dans son chapitre 5 le dogmatisme de la direction générale de la concurrence au sein de la Commission européenne, l'absence de réciprocité dans les relations commerciales internationales et la cherté de l'euro, cet euro fort qui selon ses propres termes, "renforce les forts et affaiblit les faibles". Il lui demande, en conséquence, quelle initiative il compte prendre pour imposer à Bruxelles une politique industrielle qui serve nos intérêts, en n'hésitant pas à bousculer le dogmatisme de la Commission.
L'industrie est en recul, tant au niveau européen qu'au niveau national, comme l'illustrent plusieurs données clés prises entre le premier trimestre 2008 et le dernier trimestre 2012 : - la part de l'industrie dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 17,7 % à 17,1 % au niveau européen, et de 12,3 % à 11,3 % au niveau national ; - la production manufacturière a chuté de 12,3 % au niveau européen et de 18 % au niveau national ; - l'emploi industriel a reculé de 9,5 %, tant au niveau européen qu'au niveau national. Dans ces conditions, il est impératif de se doter des instruments appropriés, tant au niveau national qu'au niveau européen, pour redresser notre appareil productif. C'est pourquoi le Gouvernement a présenté le 6 novembre 2012 le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, qui identifie trente-cinq décisions concrètes engagées sur huit leviers de compétitivité. La mesure phare du pacte est l'allègement du coût des entreprises (à hauteur de 20 Mds€ par an), grâce à la mise en place d'un « crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ». Les autres mesures vont de l'amélioration de l'accès au financement à la simplification et la stabilisation de l'environnement réglementaire et fiscal des entreprises, en passant par le soutien à l'innovation, l'amélioration de la trésorerie des entreprises, l'amélioration de la coopération entre les petites entreprises, les grandes entreprises et les partenaires sociaux, et le soutien à l'internationalisation des entreprises. Toutefois, les mesures prises au niveau national doivent se doubler de la mise en place d'une authentique politique industrielle au niveau européen. C'est pourquoi, dès le mois d'octobre 2012, le ministre a initié avec le Luxembourg une lettre commune, signée par 5 autres États membres (Allemagne, Italie, Espagne, Portugal et Roumanie), appelant à l'adoption de mesures à la hauteur de la situation économique, rappelant qu'une économie forte ne pouvait exister sans une industrie forte. Des initiatives ont par la suite été prises par la Commission européenne, qui a notamment adopté en octobre 2012 une communication intitulée « une industrie européenne plus forte au service de la croissance et de la relance économique - mise à jour de la communication sur la politique industrielle », essayant d'identifier les leviers d'action au niveau communautaire. Elle a ouvert la voie à un débat sur la politique industrielle au Conseil compétitivité d'octobre et à des conclusions volontaristes du Conseil compétitivité, adoptées en décembre 2012, qui ont été sensiblement renforcées à l'initiative du ministre, notamment pour prendre en compte l'objectif de la Commission européenne de relèvement de la part de l'industrie dans le PIB européen à 20 % d'ici 2020. En outre, à l'initiative de la France, le Conseil européen doit à son tour se saisir de l'enjeu que représente la politique industrielle, en consacrant des discussions thématiques à la compétitivité industrielle lors de ses sessions de juin 2013 et de février 2014. À l'occasion de la lettre précitée, des différents débats (par exemple sur les aides d'État aux Conseils compétitivité de décembre 2012 et février 2013) et tables rondes de haut niveau (notamment sur l'acier le 12 février 2013), le ministre a eu l'occasion de mettre en avant les priorités suivantes : - la nécessité de fixer un cap clair à la politique industrielle européenne, et pour cela d'adopter au plus haut niveau l'objectif de la part de l'industrie à hauteur de 20 % du PIB d'ici 2020 ; - l'amélioration de la gouvernance de la politique industrielle, passant par le nécessaire renforcement du Conseil compétitivité, qui devrait se réunir plus souvent et disposer d'un droit d'évocation de toutes les politiques pertinentes (politique industrielle et politique des PME, bien sûr, mais aussi les règles du marché intérieur, la politique de la concurrence, la politique commerciale, la politique environnementale, la politique d'innovation et de recherche, la politique de cohésion et des politiques sectorielles comme la politique de l'énergie) ayant un impact sur la compétitivité de l'industrie ; - la réorientation de la recherche davantage vers l'aval, avec un accent tout particulier mis sur les technologies clés génériques, qui irriguent beaucoup de secteurs et dont le potentiel de croissance est très important, et sur lesquelles des conclusions ont été adoptées au Conseil compétitivité d'octobre 2012, avec, à l'initiative de la France, la prise en compte de la nécessité de couvrir la « vallée de la mort » séparant la recherche du développement et de la mise en production industrielle ; - la nécessité d'allier des politiques horizontales, visant à améliorer les conditions-cadres de l'économie, avec des politiques sectorielles, comme cela a été initié en faveur de l'automobile et de l'acier. Le ministre reste très attentif à l'adoption, prévue en juin, du plan d'action de la Commission européenne en faveur de l'acier, et d'autres secteurs doivent pouvoir être explorés pour conduire de telles politiques. Enfin, sur la politique en matière d'aides d'État, le ministre a plusieurs fois indiqué que l'Europe ne devait pas s'imposer des règles plus contraignantes que ses concurrents et il a plaidé pour une simplification du système et un recentrage des contrôles de la Commission sur les cas les plus importants. Des propositions détaillées ont été formulées dans le cadre d'une lettre et d'un non-papier adressés au vice-président Almunia, commissaire à la concurrence, signés avec le ministre allemand de l'économie et de la technologie, M. Philipp Rösler, en amont du Conseil compétitivité de février dernier. Concernant la politique commerciale, le Gouvernement plaide pour la négociation d'accords de libre échange fondés sur des bénéfices mutuels et réciproques permettant de réduire les barrières tarifaires et non tarifaires d'accès aux marchés pour nos entreprises, et rappelle le plein soutien de la France à l'adoption de l'instrument de réciprocité dans l'accès aux marchés publics proposé par la Commission.
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