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Sophie Dessus
Question N° 15158 au Ministère de l'enseignement supérieur


Question soumise le 8 janvier 2013

Mme Sophie Dessus attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'ouverture récente à Toulon de l'antenne d'une université portugaise privée, qui propose des formations supérieures dans le domaine de la santé. Au-delà des interrogations sur les conditions d'études, se pose la question de la dérégulation de notre système de santé. En effet, délivrant un diplôme étranger (reconnu automatiquement en France si les exigences minimales de formation sont respectées), cette antenne universitaire contourne notre dispositif de régulation et s'affranchit du numerus clausus. C'est pourquoi elle attire des étudiants n'ayant pas franchi le cap du concours de première année, moyennant des frais de scolarité dispendieux (9 500 euros par an pour l'odontologie). Le principe selon lequel toute université membre de l'Union européenne peut valablement mettre en place des formations dans un autre État membre aboutit ainsi à la création d'un monde universitaire à deux vitesses, d'un côté celui du mérite et de l'excellence, de l'autre celui de la sélection par l'argent. Cette évolution va à l'encontre du principe de démocratisation de l'enseignement supérieur, et met à mal notre système éducatif qui permet aux étudiants de toute condition sociale de faire des études supérieures. Elle lui demande quels moyens peuvent être mis en œuvre pour contrecarrer ces initiatives qui remettent en cause l'organisation des formations de santé en France et le principe de l'égalité des chances.

Réponse émise le 12 mars 2013

La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche considère que l'espace européen de l'enseignement supérieur est une chance pour les étudiants, à condition qu'il ne soit pas un espace sans règles. S'agissant de formations de santé, la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles prévoit que chaque Etat membre reconnaît les titres de formation dès lors qu'ils sont conformes à des conditions minimales de formation prévues par cette directive, en leur donnant, en ce qui concerne l'accès aux activités professionnelles et leur exercice, le même effet sur son territoire qu'aux titres de formation qu'il délivre. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que le ministère des affaires sociales et de la santé veillent, dans le cadre de la réforme en cours de la directive précitée, à ce que les conditions minimales de formation exigées soient renforcées, dans la mesure du possible, pour éviter des disparités entre les titres de formation délivrés dans les états de l'union européenne. Le guide de l'utilisateur de la directive précise que celle-ci n'interdit pas la mise en place d'établissements franchisés régis par un accord de franchise avec une institution de formation située dans un autre état membre - qui délivre alors des diplômes de cet état membre -, mais impose toutefois le respect de certaines conditions. En particulier, « (...) il faut que le diplôme "franchisé" soit le même que celui délivré [par l'établissement "principal"] lorsque la formation est suivie entièrement dans l'état membre où est situé l'établissement qui délivre le diplôme et qu'il donne les mêmes droits d'accès à la profession dans l'état membre où est situé l'établissement qui délivre le diplôme. ». Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne saurait formuler une opposition de principe à l'ouverture d'un établissement privé en France, la liberté de l'enseignement supérieur privé étant reconnue par l'article L. 731-1 du code de l'éducation. Il convient en revanche d'accorder la plus grande vigilance au respect des obligations de déclaration préalable prévues à l'article L. 731-9 du code de l'éducation. Dans le cas où les conditions légales d'ouverture d'un établissement privé n'auraient pas été respectées, il n'appartient pas à la ministre en charge de l'enseignement supérieur d'en décider la fermeture, que seule l'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, serait susceptible de prononcer. S'agissant de l'établissement privé Fernando Pessoa France, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche s'est montré attentif à vérifier la conformité au droit portugais des diplômes délivrés par cette antenne de l'université Fernando Pessoa de Porto. Le président de l'agence portugaise d'évaluation et d'accréditation de l'enseignement supérieur a apporté la confirmation que ses services n'avaient accordé aucune accréditation à l'établissement Fernando Pessoa France en vue de délivrer des diplômes portugais pour des études réalisées hors du Portugal, y compris en France. Cela est d'autant plus vrai pour les formations proposées en France qui ne sont pas même dispensées par l'établissement d'origine Fernando Pessoa de Porto (à savoir le doctorat en odontologie, le doctorat en pharmacie, la licence en orthophonie, la licence et le master en anthropologie et études culturelles), ou qui ne le seront plus, tel que le master en sciences politiques et relations internationales, à partir de 2013-2014. Dès lors, les diplômes que l'établissement Fernando Pessoa France envisage de délivrer en odontologie et en pharmacie, comme en orthophonie, ne peuvent en aucun cas bénéficier d'une reconnaissance automatique en France. C'est pourquoi la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a demandé à Mme le recteur de l'académie de Nice d'adresser un signalement au Procureur de la République de Toulon, qui pourrait dès lors retenir à l'encontre de cet établissement la qualification d'escroquerie prévue à l'article 313-1 du code pénal, ou, du moins, celle de pratiques commerciales trompeuses (cf l'article L. 121-1 et le 4° de l'article L. 121-1-1 du code de la consommation).

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