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Christian Assaf
Question N° 15798 au Ministère du travail


Question soumise le 22 janvier 2013

M. Christian Assaf attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le problème de concurrence déloyale dont sont victimes les entreprises françaises du bâtiment et de travaux publics. Dans un contexte économique particulièrement tendu où les possibilités de chantiers sont en diminution, les entreprises locales doivent souvent faire face à des concurrents étrangers déposant des offres anormalement basses. Ces offres sont souvent rendues possibles par une rémunération plus basse que celle en vigueur dans notre pays, par un faible respect du code du travail, des obligations fiscales et sociales ainsi que par un mépris des droits des travailleurs. Il souhaite connaître les intentions du Gouvernement quant à un renfort rapide des contrôles exercés dans le secteur du bâtiment et à une possible évolution législative visant à endiguer cette forme de dumping social.

Réponse émise le 26 février 2013

Le code du travail encadre strictement les conditions d'intervention en France des entreprises établies hors de France, conformément aux dispositions de la directive européenne 1996/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services transnationale. Il prévoit ainsi quatre cas de détachement. Celui-ci peut s'effectuer dans le cadre de l'exécution d'une prestation de services, d'une mise à disposition de salariés par une entreprise de travail temporaire, d'une mobilité intragroupe, ou de la réalisation d'une opération pour le propre compte de l'entreprise prestataire étrangère. Dans toutes ces situations, l'entreprise prestataire étrangère doit notamment intervenir en France de façon temporaire (en fonction de la durée nécessaire à la réalisation d'une mission définie au préalable) et à la condition d'être régulièrement établie dans son pays d'origine et d'y justifier d'une activité significative. Une entreprise établie hors de France dont l'activité est entièrement orientée en France doit créer un établissement en France et ne peut pas se prévaloir du détachement. En ce qui concerne le droit du travail applicable, les entreprises étrangères intervenant en France au titre du détachement sont tenues de respecter certaines règles françaises (fixées par le code du travail ou les conventions collectives étendues) en matière de conditions de travail et d'emploi. L'article L. 1262-4 du code du travail fixe précisément la liste des matières dans lesquelles le droit français doit être respecté (notamment rémunération, durée du travail, santé et sécurité au travail). Concernant les formalités à accomplir, les entreprises prestataires établies hors de France doivent transmettre une déclaration préalable de détachement à l'inspection du travail du lieu d'exécution de la mission du salarié détaché. Par ailleurs, l'article D. 8222-7 du code du travail prévoit l'obligation pour l'entreprise cliente en France, en sa qualité de donneur d'ordre, de se faire remettre par l'entreprise étrangère un certain nombre de documents préalablement à la conclusion du contrat de prestation de services dès lors qu'il porte sur un montant au moins égal à 3 000 euros. Suivant l'article L. 8222-2 du code du travail, la responsabilité solidaire de cette entreprise pourra être engagée s'il est prouvé qu'elle n'a pas accompli ces formalités et qu'un procès verbal pour travail dissimulé est relevé à l'encontre de l'entreprise ayant détaché des salariés. En matière de sécurité sociale, le règlement communautaire n° 883/2004 du 29 avril 2004 permet, sous certaines conditions, de limiter les changements de législation applicable pour de courtes périodes de détachement, en prévoyant le maintien de la législation de l'Etat d'origine. Ainsi, en application de ce règlement, les entreprises prestataires établies hors de France peuvent continuer à relever du régime de sécurité sociale de leur Etat d'établissement et y verser des cotisations sociales pendant et au titre de la période de détachement de leurs salariés en France. Pour la bonne application de ces règles dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union Européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la Commission européenne a adopté en date du 21 mars 2012 une proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la mise en oeuvre de la directive de 1996. Cette proposition de texte, soutenue par la France, prévoit différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, à préciser les critères du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. S'agissant du volet « répression », le dernier rapport sur l'analyse de la verbalisation du travail illégal en 2011, rédigé par la direction générale du travail, souligne la progression du nombre de contrôles et d'infractions relevés dans le secteur du BTP par les services de contrôle de l'Etat et des organismes de protection sociale depuis cinq ans. En 2011, le secteur du BTP regroupe 41 % des entreprises contrôlées dans les secteurs prioritaires. Le nombre de contrôles dans le BTP s'établit à près de 30 000. L'enquête recense près de 4000 entreprises en infraction liée au travail dissimulé pour le secteur du BTP, soit un taux d'infraction voisin de 14 %. 1 500 entreprises étrangères ont été contrôlées et près des deux tiers des contrôles ont été effectués dans le secteur du BTP (64 %). Plus de 59 millions d'euros de redressements sociaux ont été effectués, en 2011, dans le secteur du BTP par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et la Mutualité sociale agricole (MSA). Le directeur général du travail et le délégué national à la lutte contre la fraude ont demandé aux préfets, par note en date du 16 juillet 2012, de renforcer la lutte contre toutes les formes de travail illégal ainsi que la mise en oeuvre de nouvelles sanctions administratives. Les préfets sont désormais habilités à ordonner la fermeture temporaire pour une durée maximale de trois mois des établissements concernés par des infractions de travail dissimulé, de prêt de main d'oeuvre, de marchandage ou d'emploi d'étranger sans titre de travail, cette fermeture pouvant être assortie d'une saisie du matériel professionnel et/ou du prononcé d'une exclusion des contrats administratifs pour une durée maximale de six mois. En outre, les autorités susceptibles d'octroyer des aides publiques en matière d'emploi, de formation professionnelle et de culture, outre la possibilité qu'elles avaient de refuser l'octroi de ces aides pour une durée maximale de cinq ans en cas d'infraction de travail illégal, peuvent désormais en demander le remboursement pour les douze derniers mois. Concernant enfin le volet « prévention », plusieurs initiatives ont déjà été engagées avec les partenaires sociaux dans le cadre du protocole sur la prévention du travail illégal et les bonnes pratiques de la sous-traitance dans le BTP, qui a été conclu le 25 octobre 2005 entre les ministères du travail et de l'équipement, et plusieurs organisations professionnelles. Une plaquette d'information destinée à l'ensemble des maîtres d'ouvrage et des entreprises du secteur a fait récemment l'objet d'une mise à jour tenant compte de l'évolution du droit, en concertation avec les organisations professionnelles et les organisations syndicales de travailleurs. Cette plaquette est disponible sur le site du ministère du travail et sur ceux des partenaires concernés. Elle est complétée par un référentiel de « questions-réponses sur la sécurité juridique des contrats de sous-traitance dans le secteur du BTP ». Dans ce contexte, et conformément à l'engagement du Gouvernement pris dans le cadre de la feuille de route adoptée suite à la Grande Conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le Premier ministre a présidé en présence du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le 27 novembre 2012, la commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI) qui a dressé le bilan des actions déjà engagées en 2011 par les services de l'Etat et les organismes de recouvrement des cotisations sociales. Cette commission a également fixé les objectifs prioritaires pour les années à venir. La vigilance des services sera encore renforcée puisque le plan national d'action 2013-2015 a de nouveau retenu le secteur du BTP comme devant être particulièrement ciblé. Ce secteur est concerné bien sûr par l'objectif relatif à la lutte contre le travail dissimulé, mais également par l'objectif spécifique relatif à la lutte contre les fraudes organisées qui s'exercent dans le cadre de la prestation de services transnationale. Les actions de contrôle et les sanctions seront renforcées et s'accompagneront d'actions de prévention associant les partenaires sociaux et les administrations compétentes. Une circulaire interministérielle va demander à chaque préfet de décliner dans chaque département ce plan national sur les objectifs prioritaires dans les secteurs ciblés. Ces initiatives témoignent de la ferme volonté du Gouvernement d'intensifier la mobilisation des services de l'Etat en faveur de cette action prioritaire que constitue la lutte contre le travail illégal.

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