M. Hervé Gaymard appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, à propos des entreprises ayant été condamnées pour avoir transgressé les lois sociales. En effet, dans la plupart des cas, ces employeurs, en n'ayant pas respecté leurs obligations en matière sociale, ont d'une part porté atteinte à l'État et donc l'ensemble de nos concitoyens, mais aussi nuit gravement à leurs employés. Dans ces conditions, et dans la mesure où, au-delà du droit, ils n'ont pas respecté le contrat social qui les engageait à la Nation, il est étonnant de constater que ces dites entreprises soient en mesure de répondre à des appels d'offres publiques. Il souhaite que lui soit précisé dans quelle mesure cette situation paradoxale pourrait trouver une traduction en termes de droit afin que chacun assume ses responsabilités au regard de notre société.
La lutte contre la fraude sous toutes ses formes, et particulièrement contre le travail illégal, est une priorité gouvernementale qui s'est encore illustrée récemment à l'occasion des réunions, présidées par le Premier ministre, de la commission nationale de lutte contre le travail illégal et du comité national de lutte contre la fraude. Cette action s'inscrit dans une dynamique européenne reposant sur la double démarche de lutter contre l'immigration clandestine pour mieux favoriser l'intégration des travailleurs en situation irrégulière. A cet égard, une directive, la directive 2009/52/CE du Parlement et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, a été adoptée afin de réprimer le recours par certains employeurs indélicats à des travailleurs en situation irrégulière. Pour prévenir l'immigration clandestine de travail, il convient de sanctionner les employeurs qui entretiennent cette immigration, et par là favorisent la constitution de réseaux mafieux, entretiennent les individus dans des situations d'exploitation et participent de la distorsion de la concurrence. Outre l'institution d'obligations déclaratives nouvelles, de sanctions administratives et/ou financières proportionnées, de régimes de restitution de subventions, la directive prévoit un ensemble de règles relatives à l'accés aux marchés publics. Ainsi, son article 7 prévoit-il l'exclusion de la participation d'un employeur à une procédure de passation de marché public telle que définie par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans. Ces prescriptions ont été intégrées dans la législation nationale. Ainsi, s'agissant en particulier de l'irrespect, par les entreprises, de leurs obligations en matière sociale, la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a créé de nouvelles sanctions administratives en cas de commission d'infractions en matière de travail illégal, parmi lesquelles des mesures de fermeture administrative, d'exclusion des contrats administratifs pour une durée qui ne peut excéder six mois et de refus et remboursement d'aides publiques. Ces sanctions mises en oeuvre par les préfets peuvent être prononcées en cumul des sanctions pénales. Elles s'ajoutent ainsi aux sanctions prévues aux articles L 8224-1 et suivants du code du travail, prévoyant à titre principal des peines de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. De manière notable, l'article L 8224-3 prévoit la possibilité pour les juridictions pénales de prononcer à l'encontre des entreprises condamnées pour des faits de travail illégal la peine complémentaire d'interdiction des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus. Ainsi les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière sociale peuvent-elles être écartées des appels d'offres publiques en cas de commission d'infractions constitutives de travail illégal. De tels dispositifs, laissés à l'appréciation du préfet s'agissant des sanctions administratives, et à celle des juges s'agissant des sanctions pénales, ne sauraient cependant être appliqués de manière automatique, compte tenu du principe constitutionnel d'individualisation des peines prohibant l'automaticité du prononcé des sanctions.
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