M. Marcel Rogemont attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les conséquences, pour l'éducation nationale, du débat public sur l'égalité des citoyens face au mariage, après la circulaire adressée par le secrétaire général de l'enseignement catholique aux chefs d'établissements d'enseignement privé sous contrat. En France, l'école publique est laïque et la Constitution, elle-même, en fait une priorité nationale : « l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État ». Mais « laïque » ne veut pas dire « unique ». Comme le voulait déjà Condorcet, la République a toujours admis qu'à côté de l'école publique puissent exister des établissements de statut privé, gérés et financés par leurs fondateurs, à condition qu'ils dispensent un enseignement conforme aux règles et programmes républicains. La loi, et en particulier, la loi Debré de 1959, cette loi que beaucoup invoquent, sans la connaître, dans le débat public susvisé, organise la coexistence entre les deux enseignements. Or on ne peut que constater qu'une dérive, accentuée au cours de la cinquième République, s'est produite au détriment de l'école publique, conduisant au détournement, voire à l'ignorance des dispositions légales et réglementaires réglant les relations, notamment financières, entre le public et le privé. C'est pourquoi, comme tous les citoyens de la République, attachés à la laïcité, souhaitant l'application effective des principes régissant l'école publique, il souhaite que des réponses et explications claires et publiques soient apportées, notamment aux questions suivantes. Est-il exact que plus de 500 communes n'auraient pas d'école publique (article L. 212-2 du code de l'éducation : toute commune doit être pourvue au moins d'une école élémentaire) ? Comment et pourquoi cet état de fait est-il possible ? Comment et pourquoi y a-t-il des secteurs sans collège ou lycée public (article L. 421-1 : les collèges, les lycées et les établissements spécialisés sont des établissements publics locaux [...] créés par arrêté du représentant de l'État sur proposition du département, de la région ou de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale) ? Comment et pourquoi des établissements privés ont-ils passé et passent-ils contrat avec l'État, alors qu'ils ne répondent pas à un « besoin scolaire reconnu » (article L. 442-5) ? Est-il exact que ces « contrats » sont signés établissement par établissement et ne doivent faire l'objet d'aucune « consolidation » nationale ? Comment l'enseignement dispensé par ces établissements est-il contrôlé ? Pourquoi n'existe-t-il aucun rapport public sur les contrôles existants (articles L. 442-1 et L. 442-5) ? Est-il exact que ce serait plus de 7 milliards par an qui sont versés par le budget de l'État, c'est-à-dire par les contribuables, aux établissements d'enseignements privés ? Peut-on évaluer les sommes versées par les collectivités locales, et donc toujours par les contribuables, en sus de ces financements d'État ? De même a-t-on une appréciation de la participation des parents au fonctionnement d'établissements privés car il ne faudrait pas que ces participations établissent un avantage concurrentiel qui ferait q'un établissement privé disposerait de plus de moyen qu'un établissement public. En cette période de tensions budgétaires et de nécessaire vigilance sur l'emploi des fonds publics, quels contrôles et enquêtes sont diligentés sur l'usage de ces fonds publics et par quels organismes ? Au moment où le débat public amène un certain nombre de responsables politiques à faire référence à la loi Debré de 1959, il lui demande, in fine, si cette transparence dans les relations de l'État avec l'enseignement privé n'apparaît pas comme un préalable indispensable à tout débat sur la loi Debré.
La loi Debré régit l'association d'établissements d'enseignement privés au service public de l'éducation nationale et définit les règles de transparence qu'ils doivent respecter. A la rentrée 2012, il y a 13 461 communes sans école publique et 12 974 sans école ni publique ni privée sur les 36 699 communes en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer. Certes, la loi du 30 octobre 1886 dont les dispositions ont été intégrées dans le code de l'éducation par l'article L. 212-2 a prescrit que toute commune doit être pourvue au moins d'une école élémentaire publique mais précise que toutefois deux ou plusieurs communes peuvent se réunir pour l'établissement et l'entretien d'une école. C'est ainsi que 5 504 communes sans école participent aux 15 393 regroupements pédagogiques intercommunaux recensés à la rentrée 2011. Si les collèges et lycées sont créés par arrêté du représentant de l'Etat, cet acte juridique de création repose obligatoirement sur la proposition du département, de la région ou de l'établissement public de coopération intercommunale, conformément à l'article L. 421-1 du code de l'éducation. Il s'agit donc d'une compétence partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales. Pour passer un contrat avec l'Etat, un établissement scolaire d'enseignement privé doit répondre à certains critères. En particulier, la classe qu'il demande à passer sous contrat doit répondre à un « besoin scolaire reconnu ». Dans une décision du 18 janvier 1985, le Conseil constitutionnel a précisé que ce besoin résulte de la combinaison d'éléments quantitatifs, comme l'évaluation des besoins de formation, et d'éléments qualitatifs, comme le respect du caractère propre des établissements d'enseignement privés et l'existence d'une demande des familles en faveur d'un certain type d'enseignement. En se référant à ces éléments, le préfet du département, signataire du contrat, apprécie ce besoin en liaison avec l'autorité académique et sous le contrôle du juge administratif. Ce dispositif permet de s'assurer qu'aucun contrat ne peut être passé sans qu'un réel besoin scolaire ait été au préalable reconnu. Ce besoin scolaire est apprécié par classe et non par établissement, ce qui permet un contrôle plus précis des demandes de chaque établissement. Toute classe pour laquelle l'établissement demande un contrat doit remplir les conditions requises pour que l'Etat signe le contrat avec l'établissement. Il ne pourra le faire, en toute hypothèse, que si les crédits disponibles, votés par le Parlement, sont suffisants (article L. 442-14 du code de l'éducation). Bien entendu, les systèmes d'information du ministère de l'éducation nationale permettent de distinguer, pour l'ensemble des entités qui dispensent un enseignement, les établissements dont une ou plusieurs classes font l'objet d'un contrat avec l'Etat. Les établissements d'enseignement privés sous contrat sont soumis aux contrôles administratif, financier et pédagogique de l'Etat dans des conditions très voisines de celles qui sont mises en oeuvre dans les écoles publiques et les établissements publics locaux d'enseignement. Le contrôle administratif des établissements d'enseignement privés sous contrat incombe à l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche ainsi qu'aux recteurs et aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale agissant sur délégation de ces derniers, selon les mêmes règles que celles applicables dans l'enseignement public. Les contrôles qui portent sur l'enseignement sont également les mêmes que dans l'enseignement public : l'enseignement doit être dispensé selon les règles et les programmes de l'enseignement public. Comme celles menées dans l'enseignement public, les inspections qui se déroulent dans les établissements d'enseignement privés ne donnent lieu à un rapport public. Dans la loi de finances initiale pour 2013, les crédits votés pour l'ensemble de la mission « enseignement scolaire » s'élèvent à 64 milliards d'euros dont 7 milliards au titre du programme 139 - enseignement privé des premier et second degrés. A la rentrée scolaire de septembre 2012, 7 900 établissements d'enseignement privés comprenaient des classes sous contrat avec l'État ; y étaient scolarisés un peu plus de 2 millions d'élèves, soit 20 % des élèves scolarisés dans l'enseignement public. Les collectivités locales participent aux dépenses de fonctionnement des établissements d'enseignement privés sous contrat sous la forme de contributions forfaitaires versées par élève et par an et calculées selon les mêmes critères que pour les classes correspondantes de l'enseignement public. L'attribution de ces contributions par ces collectivités relève d'un régime juridique clairement établi et peut donc faire l'objet d'un contrôle tant par la chambre régionale des comptes que par le juge administratif. Il en ressort que les fonds mis à la disposition des établissements d'enseignement privés sous contrat par les collectivités publiques obéissent aux mêmes règles de contrôle et d'enquête que tous les crédits provenant de ces mêmes collectivités. S'agissant en particulier de l'Etat, les crédits du programme 139 font l'objet des mêmes comptes-rendus, des mêmes justifications, de la même évaluation de leur utilisation au regard de la politique du Gouvernement que les crédits des autres programmes, étant entendu que l'ensemble de ces analyses est soumis au contrôle de la Cour des comptes et du Parlement, en particulier dans les projets annuels de performance et dans les rapports annuels de performance. Ces documents sont accessibles à tous les citoyens dès qu'ils sont déposés au Parlement, ce qui constitue un des éléments contribuant à la transparence des relations de l'Etat avec l'enseignement privé.
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