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Antoine Herth
Question N° 16964 au Ministère des transports


Question soumise le 29 janvier 2013

M. Antoine Herth attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les attentes des professionnels du transport fluvial. En effet, la voie d'eau et le transport fluvial semblent quelque peu délaissés par la politique gouvernementale en matière de transport. Or la voie d'eau présente des atouts indéniables que ce soit en termes de fiabilité et d'efficacité dans les délais d'acheminement et de livraison, de compétitivité (le prix du transport fluvial est deux à quatre fois moindre que le celui du transport routier), de respect de l'environnement (le transport d'une tonne de marchandise par voie d'eau génère nettement moins de CO2 que par la route ; les plus petites péniches peuvent transporter de 250 à 350 tonnes de marchandise, soit l'équivalent de 10 à 14 camions). Face à ce constat, les bateliers s'interrogent légitimement sur les intentions du Gouvernement, notamment en ce qui concerne les infrastructures. Sur un réseau de près de 8 500 kms, seuls 1 800 kms sont accessibles aux bateaux de plus de 1 500 tonnes. Ainsi, si l'ensemble du territoire est en théorie couvert par des voies navigables, l'essentiel des transports est en pratique réalisé dans des zones géographiques précises et limitées du territoire national. La France investit certes dans certains projets de grande ampleur (comme le canal Seine-Nord), mais ces investissements ne sauraient masquer le retard français en ce domaine et l'indispensable besoin de moderniser ce réseau dans son intégralité. Dans ce contexte, les préoccupations des bateliers portent aussi sur la composition de la flotte. Si pour des raisons économiques évidentes les bateliers choisissent aujourd'hui d'investir de préférence dans des unités au tonnage important (plus de 1 000 tonnes), le besoin en petites unités (notamment les unités « Freycinet » de moins de 400 tonnes) demeure, en raison même de la nature du réseau. Or le parc de ces unités est aujourd'hui vieillissant et la question de leur renouvellement se pose ; de même, l'achat de bateaux de plus grandes tailles pose aussi la question de leur financement, puisqu'ils représentent un investissement important, notamment pour un nouvel arrivant dans la profession. Les bateliers sont, enfin, dans l'attente des suites qui seront réservées à leurs demandes concernant le volet réglementaire du code des transports. Plus précisément, ils demandent que soit inscrit dans ce code, à l'instar de ce qui existe en matière de transport routier, l'obligation, pour les partenaires d'un contrat de transport, de matérialiser par écrit leur accord avant le déplacement du bateau vers le lieu de chargement. Une telle obligation apporterait une réelle protection juridique aux bateliers qui, en l'état actuel du droit, déplacent souvent leur bateau vers un lieu de chargement sur un simple « coup de fil », sans autre garantie que la parole donnée et surtout, sans aucun moyen de faire respecter leurs droits si l'engagement verbal n'est pas tenu. Aussi, au regard de ces enjeux, il souhaiterait connaître la feuille de route que le Gouvernement s'est assigné pour ce mode de transport et quelles actions il compte mettre en œuvre pour concrétiser les objectifs qu'il s'est ainsi donné.

Réponse émise le 30 juillet 2013

Le développement des modes massifiés, complémentaires à la route, constitue une priorité de la politique nationale des transports de marchandises, qui s'inscrit pleinement dans le cadre défini par l'Union européenne pour la mise en place d'un réseau transeuropéen des transports. Le transport fluvial tire sa compétitivité de son caractère massifié, particulièrement adapté à certaines cargaisons (pondéreux) et aux conteneurs, mais également au transport de matières dangereuses ou à des convois exceptionnels. Il présente de nombreux avantages pour le développement durable : réserves de capacité importantes sur le réseau navigable notamment pour accéder aux grandes agglomérations, fiabilité du temps de transport et sécurité, faibles consommations d'énergie et émissions de gaz à effet de serre à la tonne-kilomètre transportée. Le développement du transport fluvial est un des vecteurs de la transition écologique et énergétique que le Gouvernement souhaite placer au coeur de son action. L'essor du transport fluvial passe notamment par l'amélioration du niveau de service de l'infrastructure et donc par la fiabilisation et la modernisation du réseau des voies navigables, qui nécessite un effort accru d'investissement. Dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance que l'État a fixé à Voies navigables de France (VNF), un programme d'investissement de 840 millions d'euros sur la période 2010-2013 a été établi afin de sécuriser le travail des agents, de moderniser et de rendre plus performantes les infrastructures fluviales en donnant la priorité à la remise en état (notamment les barrages) et la modernisation du réseau à grand gabarit ainsi qu'aux travaux liés au développement du transport fluvial. Outre les travaux conduits directement sous sa maîtrise d'ouvrage, le 19 avril 2013, VNF a désigné un groupement conduit par Vinci attributaire pressenti d'un contrat de partenariat pour le remplacement de 29 barrages manuels sur l'Aisne et la Meuse et la réalisation et l'exploitation des équipements associés. Ce contrat, en intervenant de manière démultipliée sur les deux bassins, permettra d'augmenter le niveau de sécurité des barrages, tant pour les agents d'exploitation que pour les riverains. À plus long terme, le projet stratégique de l'établissement public VNF intitulé « Voies navigables 2013 - relance pour la voie d'eau » s'inscrit dans une perspective à l'horizon de la fin de la décennie actuelle. Il répond aux objectifs de report modal. Il garantit un avenir pour l'ensemble du réseau, et en accroît la performance et le niveau de service par la construction d'une offre globale en répondant aux enjeux de développement durable. Il prévoit en termes d'infrastructure : - Une optimisation des investissements pour un réseau modernisé et sécurisé : Les évolutions de trafic attendues nécessitent de renforcer la fiabilité et la sécurité du réseau. Le projet repose sur les études conduites par l'établissement permettant de définir les niveaux d'investissements sur les réseaux indispensables à l'accroissement des trafics et à la sécurité des agents et usagers. L'établissement poursuit également une politique de développement de l'infrastructure en assurant la maîtrise d'ouvrage de grands projets fluviaux. Le projet de canal Seine-nord Europe, qui fait actuellement l'objet d'une mission de reconfiguration technique confiée à M. Pauvros, député du Nord et maire de Maubeuge, vise ainsi à relier le bassin de la Seine au réseau du Nord-Pas de Calais et, au-delà, du Benelux. Ce projet est lié à la mise au gabarit européen de l'Oise, entre Compiègne et sa confluence avec la Seine, afin d'assurer une cohérence de l'offre de transport. En 2012 et 2013, VNF a également approfondi les études environnementales et hydrauliques en vue de la réalisation du dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité du projet de mise à grand gabarit de la Seine, entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine. - Une adaptation de l'offre de service en réponse aux besoins des usagers et à l'évolution des trafics français et européens : Face au développement des trafics fluviaux (+ 3,5 % en évolution annuelle entre mars 2012 et 2013), le niveau de service du réseau doit être renforcé pour répondre à l'évolution de la demande. L'établissement propose une révision de son offre de service visant à l'accroissement de la disponibilité sur le réseau à vocation de transport de marchandises (24 h sur 24 sur le grand gabarit, 12 heures sur le réseau connexe) et à une adaptation de l'offre sur le réseau touristique répondant à la saisonnalité des trafics. Cette mesure permet d'adapter les niveaux de service aux enjeux de chaque itinéraire fluvial et de répondre aux attentes de toutes les catégories d'usagers. Avec la réforme des voies navigables qui a transféré au 1er janvier 2013 au nouvel établissement public administratif les services de navigation, Voies navigables de France dispose désormais de tous les leviers pour mettre en oeuvre, de manière cohérente sur l'ensemble du réseau, le programme d'investissement que nécessite le réseau dans la perspective d'améliorer d'une part l'offre de service, en priorité sur le réseau à grand gabarit, et d'autre part les conditions de travail des agents. Cette réforme constitue un levier pour combler le retard de compétitivité sur nos voisins du nord avec un opérateur renouvelé, aux missions élargies, disposant de moyens humains et financiers adaptés. En plus d'une politique d'investissement volontariste, le Gouvernement entend promouvoir le transport fluvial en tant que mode de transport économiquement rentable et alternatif à la route, favorisant ainsi un report modal accru vers la voie d'eau. Cette politique comprend plusieurs actions complémentaires. Tout d'abord, une intensification de la politique commerciale et partenariale de VNF au service des usagers et des territoires desservis. Le contrat d'objectifs et de performance que l'État a signé avec l'établissement public vise à dynamiser la politique commerciale de VNF en lien avec les acteurs économiques et territoriaux, de renforcer la dynamique des espaces portuaires présents sur le domaine public fluvial confié à VNF. Des contrats avec les grands ports maritimes et avec les grandes filières économiques (matériaux de construction, produits agricoles, chimie industrielle...) sont élaborés pour favoriser le recours à la voie d'eau. La Commission européenne vient en outre de valider le plan d'aide au report modal (PARM) de VNF permettant de subventionner des investissements visant à développer et à promouvoir l'utilisation du transport fluvial, notamment dans des filières nouvelles. Parallèlement, la desserte fluviale des ports maritimes constitue un défi à relever. La poursuite du fort développement du transport de conteneurs nécessitera l'aménagement de dessertes efficaces, à l'instar des ports hanséatiques, permettant un report modal optimal. Conscients des enjeux de la desserte de leur hinterland, les ports de Marseille et du Havre, en particulier, engagent actuellement des projets visant à améliorer l'interface port-fleuve. En outre, le Gouvernement oeuvre pour assurer une égalité de traitement entre les différents modes en particulier lors du passage portuaire. Cela passe par une meilleure fluidification et dématérialisation des procédures, de meilleures conditions d'accès et de traitement des convois fluviaux dans les ports maritimes. En matière économique, la mutualisation des terminal handling charges (THC), en permettant que le coût du traitement d'un conteneur soit le même quel que soit son mode d'acheminement au port, constitue une des voies de dynamisation du transport fluvial dans les ports maritimes, alors qu'aujourd'hui, dans les ports français, l'acheminement fluvial est défavorisé par le surcoût de manutention qu'il induit. Enfin, la politique menée par le Gouvernement soutient la structuration et la visibilité du secteur du transport fluvial pour le rendre attractif. Dans ce domaine, le Gouvernement salue le rapprochement du comité des armateurs fluviaux et de la chambre nationale de la batellerie artisanale en une association « transporteurs fluviaux de France » qui a pour vocation de représenter les transporteurs fluviaux auprès des autorités, des chargeurs et du grand public et ainsi rendre le secteur plus visible, cohérent et attractif. Outre les travaux de développement et de modernisation des voies navigables, l'atteinte des objectifs du Gouvernement en matière de développement du transport fluvial nécessite que soient poursuivis les efforts déjà entrepris pour la professionnalisation de la profession, la flotte et la compétitivité des entreprises. Les politiques menées par les pouvoirs publics viseront donc : - à professionnaliser les bateliers pour leur permettre de s'insérer dans une chaîne multimodale complexe et donner de l'attractivité aux métiers du fluvial : dans cette optique, un bac professionnel « profession fluviale » sera mis en place à la rentrée 2013 ; - à aider au renouvellement et à la modernisation de la flotte française en vue de l'adapter aux besoins des chargeurs mais également en respectant les enjeux environnementaux. Ainsi, un plan d'aide à la modernisation de la flotte fluviale a été mis en oeuvre par le Gouvernement sous l'égide de VNF, pour la période 2008-2012. Pour la période 2013-2017, un plan est en cours de notification à la Commission européenne visant à favoriser l'achat de bateaux ou moteurs répondant à des standards environnementaux stricts. VNF développe également, avec ses partenaires, des outils à destination des professionnels du transport fluvial. L'association « entreprendre pour le fluvial » a mis en place « fluvial initiative », premier fonds de prêt d'honneur dédié à la batellerie. Le Gouvernement souhaite également mettre l'accent sur la compétitivité des entreprises de transport fluvial par plusieurs types d'actions : - en continuant de favoriser la création ou le développement des entreprises par des aides financières, mais aussi par la réduction des charges fiscales (exonération de la taxe sur le carburant utilisé pour le transport fluvial, exonération des plus-values de cession si le batelier investit dans un bateau de commerce plus jeune ou plus grand) ; - en oeuvrant en faveur d'une régulation de l'économie du secteur pour permettre des relations commerciales équilibrées entre ses acteurs. Dans ce domaine, le Gouvernement a relancé la négociation des contrats types de transport fluvial au voyage. Ainsi, les représentants des transporteurs, commissionnaires de transports et chargeurs ont commencé à négocier les termes de ces contrats supplétifs qui s'appliquent en l'absence de contrat écrit entre les parties. La majorité des contrats de transport fluvial étant à l'heure actuelle oraux, la négociation de ces contrats types est particulièrement importante pour les relations commerciales. Cette refonte des contrats-types s'accompagnera de nouvelles mesures réglementaires protectrices qui fixeront des règles et des sanctions applicables dans le cadre des relations commerciales. Le Gouvernement s'engage à réaliser un état de la réglementation en vigueur s'appliquant aux relations commerciales dans le transport fluvial pour pouvoir identifier les domaines dans lesquels des textes doivent venir compléter ou modifier le corpus existant, notamment en s'inspirant des règles en vigueur dans le transport routier. Dans ce cadre, la nécessité de formaliser un contrat écrit avant le départ du bateau pour son lieu de chargement sera expertisée avec grande attention. Enfin, conformément à la loi du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France, le Gouvernement a lancé des travaux afin de réaliser un rapport sur les prix et les marges dans le domaine du transport fluvial, à destination du Parlement. Ce rapport constituera une première analyse des prix pratiqués afin d'en tirer des pistes d'actions pour améliorer l'observation d'un marché mal connu et ainsi pouvoir en tirer des enseignements pour développer la compétitivité des entreprises.

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