Mme Nathalie Appéré attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le livret de famille bilingue français-breton. Les collectivités locales possèdent déjà la capacité de mener des actions concrètes figurant dans la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Toutefois plusieurs collectivités bretonnes ont eu l'occasion d'interroger le procureur de la République sur la possibilité de délivrer des livrets de famille bilingues, les maires agissant ici non pas en tant que représentants de collectivités territoriales désireuses de promouvoir une langue, mais en tant qu'officiers d'état civil par délégation de l'État. La réponse a été systématiquement négative, se fondant sur l'interprétation qui peut être faite de la Constitution et des principes d'unicité et d'indivisibilité de la République. Les initiatives concrètes prises par les collectivités locales dans le but de promouvoir une langue régionale se heurtent donc elles aussi à cet obstacle. Elle souhaite connaître la position du Gouvernement quant aux instructions nouvelles qui pourraient être données aux Procureurs, quant à la volonté de permettre aux collectivités d'encourager les initiatives de promotion et quant à la ratification de la Charte européenne des langues régionales, qui permettrait de lever l'ambiguïté en dotant juridiquement d'un statut les langues de France.
Le refus du procureur de la République de donner des instructions afin qu'il soit procédé à la mise à jour des « livrets de famille » bilingues français-breton ne saurait être assimilé à un procédé visant à limiter ou empêcher l'usage des langues régionales dès lors qu'il repose sur le principe solennellement affirmé en France d'unicité de la langue officielle. Le principe selon lequel « la langue de la République est le français » est inscrit à l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 depuis la loi n° 92-554 du 25 juin 1992. Ce principe ne saurait toutefois remettre en cause la liberté de tout citoyen de « parler, écrire et imprimer librement » garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni occulter l'apport culturel indéniable, consacré à l'article 75-1 de la Constitution, que constituent les langues régionales. Il résulte de la conciliation de ces principes, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-412 du 15 juin 1999 relativee à la charte européenne des langues régionales ou minoritaires que, « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage ; que l'article 2 de la Constitution n'interdit pas l'utilisation de traductions » (cons. 8), lesquelles s'entendent exclusivement de traductions autonomes de textes français, dépourvues de valeur officielle, telles que celles prévues par l'article 10 de la charte pour les textes officiels des collectivités locales, et par son article 9, paragraphe 3, pour les textes législatifs nationaux afin de faciliter l'accès à la justice. La Constitution permet ainsi de ménager un équilibre, distinguant les personnes publiques et services publics qui doivent employer le français, des particuliers qui ont, entre eux, le libre choix des termes. Les livrets de famille étant constitués d'actes de l'état civil, qui sont des documents publics, doivent être rédigés en français. Par ailleurs, le modèle du livret de famille est fixé par arrêté et est identique sur l'ensemble du territoire national quant à son nombre de pages, son contenu et sa présentation. Rien ne s'opposerait toutefois à la délivrance par les mairies, en sus du livret de famille officiel, d'un autre livret de famille, dès lors que sa charge ne serait pas supportée par l'Etat.
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