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Marie Récalde
Question N° 19576 au Ministère de la justice


Question soumise le 26 février 2013

Mme Marie Récalde appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le délai de prescription devant le Conseil des Prud'hommes des procédures visant les expositions des salariés aux produits toxiques. La loi du 17 juin 2008 dite de "modernisation du marché du travail" a unifié les délais de prescription devant les Conseils des prud'hommes, passant de 30 à 5 ans. Ainsi, le point de départ du délai est constitué par la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir. De fait, les actions tendant à l'indemnisation de préjudices d'anxiété menées devant les prud'hommes par les salariés exposés aux produits toxiques tels que l'amiante seront prescrites au 19 juin 2013. Les préjudices d'anxiété que subissent les salariés exposés aux produits toxiques ayant été reconnus à de nombreuses reprises par les juridictions françaises, elle souhaite savoir si et comment le Gouvernement entend instituer une dérogation à ce délai de prescription quinquennale afin que les salariés exposés aux produits toxiques puissent faire reconnaître leur préjudice devant les juridictions compétentes.

Réponse émise le 11 juin 2013

La Garde des sceaux, ministre de la Justice, est particulièrement sensible à la nécessité d'apporter une réponse juste et efficace aux demandes légitimes des victimes du drame de l'amiante. A cet égard, il convient de rappeler que les règles de prescription diffèrent selon que le préjudice allégué résulte ou non d'une atteinte corporelle. Lorsqu'un préjudice tel que le préjudice d'anxiété est la conséquence d'une pathologie déclarée, la prescription de l'action en réparation est de dix ans en application de l'article 2226 du code civil, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, et selon lequel « l'action en responsabilité née à raison d'un évènement ayant entraîné un dommage corporel [...] se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ». Le point de départ de ce délai étant la date de la consolidation du dommage, en pratique l'action de la victime pourra être engagée, dans bien des cas, plus de dix ans après l'apparition de la pathologie. En revanche, lorsqu'une personne exposée à l'amiante subit un préjudice spécifique d'anxiété qui ne résulte d'aucune atteinte à l'intégrité physique, l'action en réparation est soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil et selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Il résulte toutefois également de ces dispositions que la prescription ne court pas contre celui qui n'est pas à même d'agir. Or le juge a un large pouvoir d'appréciation pour mettre en oeuvre ce principe, tant s'agissant des faits nécessaires à l'exercice du droit que s'agissant de leur connaissance par son titulaire. Il doit apprécier, au cas par cas, en fonction des éléments produits aux débats et de la situation individuelle de chacune des victimes, la date à retenir pour faire courir ce délai de prescription en envisageant également les faits qui seraient susceptibles d'interrompre ou de suspendre la prescription, ou d'en reporter le point de départ. Notamment, il résulte des dispositions de l'article 2241 du code civil que la demande en justice, telle que la constitution de partie civile dans le cadre d'une information pénale, interrompt le délai de prescription, même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. Dans ces conditions, on ne peut considérer que l'ensemble des actions en réparation de ce préjudice d'anxiété seront prescrites à compter du 19 juin 2013 sans préjuger des décisions qui pourraient être rendues à l'avenir. S'il n'apparaît donc pas nécessaire de prévoir une nouvelle règle de prescription dérogatoire au bénéfice des victimes de l'amiante, il paraît en revanche essentiel de veiller à l'information des personnes concernées, pour qu'elles soient en mesure de faire valoir leurs droits dans les meilleurs délais. Ce à quoi le gouvernement s'attachera.

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