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Richard Ferrand
Question N° 2068 au Ministère de la justice


Question soumise le 31 juillet 2012

M. Richard Ferrand attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur les enfants recueillis en France dans le cadre juridique de la kafala judiciaire au Maroc et en Algérie. La kafala est une forme de recueil spécifique dans des états dont la législation ne reconnaît pas l'adoption. De fait, ce type de recueil s'apparente à une adoption simple pour la famille. Mais les enfants sont régulièrement pénalisés devant l'administration française qui connaît mal ce mode de recueil et génère ainsi des inégalités de droit entre les enfants. Par ailleurs, l'article 370-3 du code civil dispose que l'adoption « ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution ». Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire part des mesures qu'elle entend prendre pour obtenir une vraie reconnaissance de la kafala, mettre fin aux inégalités auxquelles ces familles font face et ainsi faire primer l'intérêt supérieur de l'enfant.

Réponse émise le 27 novembre 2012

La kafala est une institution de droit coranique qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une famille musulmane (kafil) afin qu'elle assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. En Algérie comme au Maroc, la kafala, qui peut être adoulaire ou judiciaire, peut concerner des enfants ayant des parents biologiques qui ne peuvent matériellement ou moralement les élever, ou des enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins. Dans ce dernier cas, la kafala procède nécessairement d'une décision judiciaire. La kafala est donc une institution qui a pour objet d'offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre lui et le kafil. Elle ne peut donc être assimilée à une adoption, ce qui a été rappelé par la Cour de cassation à propos de l'adoption simple (Civ 1re, 10 octobre 2006). Afin de garantir le respect de la législation des pays étrangers, la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a introduit dans le code civil des dispositions interdisant le prononcé en France de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce dernier est né et réside habituellement en France. Or, le droit algérien comme le droit marocain prohibent formellement ce mode d'établissement de la filiation. Si la kafala ne peut pas être juridiquement assimilée à une adoption, elle permet toutefois à l'enfant de bénéficier d'une protection en France conformément aux prescriptions de l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui prévoit qu'un enfant privé de son milieu familial doit pouvoir bénéficier d'une protection de remplacement. Ainsi, la kafala judiciaire (ainsi que la kafala adoulaire homologuée par le tribunal), comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Les effets du jugement de kafala diffèrent en fonction du contenu de la décision et de la situation de l'enfant recueilli. Ainsi, dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins pour lesquels seule une kafala judiciaire peut être prononcée, celle-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le kafil étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants ayant encore des parents en état d'exercer leurs prérogatives, la kafala est assimilable en France à une délégation d'autorité parentale totale ou partielle. La kafala est donc reconnue en droit interne, tout en conciliant les impératifs que sont la protection de l'enfant et le respect de sa loi personnelle. Le respect de cet équilibre a conduit la Cour européenne des droits de l'homme, dans sa décision du 4 octobre 2012, à considérer que le droit français était respectueux des conventions internationales et ne portait pas atteinte au droit à une vie familiale normale. Il convient de relever en outre que l'interdiction d'adopter cesse à partir du moment où l'enfant acquiert la nationalité française, ce qui est possible après que l'enfant ait résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. Par ailleurs, le Gouvernement entend examiner les propositions de réforme portées à son attention par le défenseur des droits qui seraient susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil et de vie en France des enfants concernés.

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