M. Guy Teissier alerte M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur la taxe kilométrique sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes qui sera due par tout véhicule assujetti, indépendamment de l'usage auquel il sera affecté. En effet, Il en résulte que les trajets routiers effectués au titre des transports de pré et post acheminement par mode massifié (ferroviaire, fluvial, maritime à courte distance) seront taxés au même titre que les trajets routiers de bout en bout. Plus spécifiquement, la taxation des trajets routiers de pré et post acheminement va augmenter le coût des logistiques multimodales - déjà « pénalisées » par les coûts des ruptures de charge inhérents au passage d'un mode de transport à un autre - dans des proportions plus importantes que sur les transports 100 % routiers avec lesquels elles se trouvent en concurrence frontale, ce qui justifie ainsi la nécessité de neutraliser son impact. Alors que la taxe kilométrique sur les poids-lourds était à l'origine présentée comme un moyen d'augmenter les coûts du transport routier afin d'entraîner des reports modaux et d'atteindre les objectifs fixés, elle risque au contraire d'obérer de manière significative la viabilité économique des services multimodaux existants, compromettre l'émergence de nouvelles offres et renforcer la compétitivité des services concurrents 100 % routiers. Les professionnels du secteur concerné font notamment valoir un certain nombre d'éléments : les trajets routiers de pré et post acheminement multimodal - hors opérations de transbordement - pèsent de l'ordre de 40 % à 50 % du coût total du service de porte à porte. Compte tenu de la localisation géographique des terminaux et des sites de transbordement, ces trajets sont majoritairement opérés sur le réseau actuellement gratuit qui sera demain entièrement payant alors que les transports 100 % routiers avec lesquels ils sont en concurrence ne paieront pas de taxe kilométrique ou le peu qu'ils paieront sera amorti par la majeure partie du trajet réalisée sur le réseau routier concédé à péage. Il s'agirait là d'une constante propre aux transports routiers de courte et moyenne distance sur lesquels l'impact de la taxe kilométrique sera proportionnellement plus important que sur les transports routiers opérés sur longue distance. En outre, les services de transport massifié ont des rendements marginaux et la perte de quelques trafics ou de quelques clients produit un effet « papillon » conduisant à compromettre leur viabilité économique jusqu'à entraîner leur suppression pure et simple. Ainsi, la conjugaison de toutes ces réalités justifierait la nécessité d'affranchir du coût de la taxe kilométrique les trajets routiers de pré et de post acheminement via un mécanisme de remboursement réel ou forfaitaire. Au regard de ce qui précède, il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer de quelle manière le Gouvernement entend prendre en considération les vives attentes exprimées par les professionnels du secteur d'activité concerné.
Le principe de l'écotaxe poids lourds a été inscrit dans la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, votée par le Parlement à la quasi-unanimité. La taxe a été créée dans la loi de finances pour 2009, adoptée en décembre 2008 (article 153). Le champ d'application de la taxe et l'encadrement du barème y ont alors été définis. L'écotaxe poids lourds concerne les poids lourds de plus de 3,5 tonnes, immatriculés en France ou à l'étranger. C'est une redevance kilométrique : elle dépend de la distance parcourue sur le réseau taxé. Elle vise, d'une part, à faire contribuer le transport routier de marchandises au coût d'entretien et d'usage des grands axes routiers non soumis à péage et, d'autre part, à inciter à la maitrise de la demande de transport de marchandises et au report de trafic vers des modes de transport plus durables (ferroviaire et fluvial). Le principe de l'écotaxe poids lourds est prévu dans la directive Eurovignette et plusieurs de nos voisins ont déjà mis en place une telle redevance (Allemagne, Autriche, République tchèque, Slovaquie, Suisse...). L'écotaxe poids lourds est pertinente dans son principe. Elle a vocation à contribuer à l'entretien et au développement de nos infrastructures de transport en rapportant 1,15 milliard d'euros par an. L'intégralité de la part revenant à l'État, soit 750 millions d'euros, sera versée à l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF). La part provenant de la circulation sur les routes départementales ou communales, de l'ordre de 150 millions d'euros, sera reversée aux collectivités concernées. Marquant un tournant dans la politique en faveur du développement durable, elle n'est pas une taxe supplémentaire, mais doit remplacer une subvention budgétaire de l'État aujourd'hui allouée à l'entretien et au développement des infrastructures de transport. Le dispositif de l'écotaxe tel que prévu à une incidence faible sur les dessertes de distribution locale. L'application de la taxe a en effet été limitée au réseau routier national et aux principaux axes du réseau routier local, excluant de fait la grande majorité des trajets locaux dans les différents départements, notamment les territoires les plus ruraux. Le réseau local soumis à l'écotaxe poids lourds représente seulement 5 000 km soit 0,5 % du réseau local total. En moyenne, seuls 150 km par département sont taxés. Proportionnelle aux kilomètres parcourus, l'écotaxe est en outre d'autant plus faible que les tournées sont optimisées. Le dispositif envisagé prévoit par ailleurs un montant de l'écotaxe d'autant plus élevé que les distances parcourues pour concourir à la production sont grandes. A l'inverse, elle ne peut que renforcer la compétitivité des produits locaux si le signal est correctement traduit dans les prix. C'est une forme de prime aux circuits courts. Tous les camions de plus de 3,5 tonnes seront concernés, y compris les 250 000 camions étrangers qui font du transit en France, usant ainsi les routes françaises sans contribuer aujourd'hui à leur financement. Le « made in France » ne sera donc pas désavantagé, au contraire. Le précédent Gouvernement a retenu l'option d'un contrat de partenariat public privé afin de procéder au développement et à l'exploitation d'un système de collecte de l'écotaxe. Ce contrat a été signé en octobre 2011 avec la société Ecomouv' et prévoyait une entrée en vigueur du dispositif en juillet 2013. Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement a fait avancer ce dossier dans le cadre contractuel qui lui était imposé. Le Gouvernement s'est notamment attaché à simplifier les modalités de la répercussion de l'écotaxe poids lourds des transporteurs vers les chargeurs, prévue par la loi du 3 août 2009, par l'introduction d'un mécanisme de majoration forfaitaire du prix de la prestation de transport. Le précédent Gouvernement avait en effet retenu un système de répercussion complexe et inapplicable, instauré par un décret publié le 6 mai 2012. Ce décret avait rencontré l'hostilité unanime des transporteurs et des chargeurs. Le mécanisme de majoration forfaitaire du prix de la prestation de transport a été voté par le Parlement dans la loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports du 28 mai 2013. L'entrée en vigueur de l'écotaxe poids lourds, reportée à deux reprises en raison de difficultés techniques, était prévue pour le 1er janvier 2014. Au vu des inquiétudes exprimées au second semestre 2013 et de la nécessité de tenir compte de son impact sur certains secteurs économiques particulièrement fragiles, le Premier ministre a décidé le 29 octobre 2013 la suspension de la mise en place de l'écotaxe pour donner le temps nécessaire d'un dialogue au niveau national et régional. Une mission d'information parlementaire vient d'être mise en place à l'Assemblée nationale. Ouvrant le dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés par le dispositif, elle fera des propositions nécessaires.
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