M. Philippe Vitel interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sur l'attribution du bénéfice de la campagne double. En effet, le décret du 29 juillet 2010 crée une inégalité des droits. Il lui demande sa position sur l'attribution de ce bénéfice selon les critères des arrêtés du 5 mai 1951, du 11 février 1952 et le décret n° 54-1262 du 24 décembre 1954 pour la Corée et l'Indochine.
Les bénéfices de campagne constituent une bonification d'ancienneté prévue par le code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) et par certains régimes spéciaux de retraite. Ce sont des avantages particuliers accordés, non pas à l'ensemble des anciens combattants, mais uniquement aux ressortissants de ce code et de ces régimes, c'est-à-dire aux militaires ainsi qu'aux fonctionnaires et assimilés. En l'espèce, il ne s'agit pas d'un droit à réparation du fait de la participation à un conflit, ouvert à tous les anciens combattants, comme ce serait le cas dans l'hypothèse d'un droit ressortissant du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Ces bonifications s'ajoutent dans le décompte des trimestres liquidés, à des périodes de services militaires ou assimilées à ces derniers lors d'une demande de liquidation de pension. Les services ainsi effectués sont validés pour 50 % en plus de leur durée pour la demi-campagne, pour le double de la durée des services accomplis pour la campagne simple et pour le triple de leur durée concernant la campagne double. Les dispositions applicables en la matière sont les suivantes : campagne simple ou demi-campagne, selon le degré d'insécurité ; campagne simple pour les services effectués « sur pied de guerre » ; campagne double pour les services en « opérations de guerre ». Les Première et Seconde Guerres mondiales ainsi que les conflits d'Indochine et de Corée ont ouvert droit à des bonifications de campagne propres à chacun de ces conflits selon le lieu et la période des services effectués. Pour ce qui concerne les conflits d'Afrique du Nord, le décret n° 57-195 du 14 février 1957 a permis, à l'origine, d'accorder le bénéfice de la campagne simple pour les services accomplis sur les territoires concernés. Par la suite, la loi du 18 octobre 1999 a substitué à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », qualifiant le conflit en Algérie de « guerre ». Elle a ainsi créé une situation juridique nouvelle. Il en a découlé que les personnes exposées à des situations de combat au cours de la guerre d'Algérie étaient susceptibles de bénéficier de la campagne double. Cela a été confirmé par le Conseil d'État dans sa décision du 17 mars 2010. Le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord accorde ce droit aux militaires d'active et aux appelés pour toute journée durant laquelle ils ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont subi le feu et s'applique aux fonctionnaires et assimilés dont les pensions de retraite ont été liquidées à compter du 19 octobre 1999, date d'entrée en vigueur de la loi. Ces pensions sont révisées à compter de la demande des intéressés déposée postérieurement à la date d'entrée en vigueur du décret du 29 juillet 2010, auprès des services de l'administration qui a procédé à la liquidation de la pension de retraite. Elles n'ouvrent droit à aucun intérêt de retard. Cette mesure ne peut s'appliquer aux pensions liquidées antérieurement au 19 octobre 1999, puisque ce n'est qu'à compter de cette date qu'a été reconnu officiellement l'état de guerre en Algérie, qui seul permet l'attribution de la campagne double. Le décret du 29 juillet 2010 est applicable à compter du 19 octobre 1999, ce qui donne toute son effectivité à la loi du 18 octobre 1999 dans le respect du principe de non-rétroactivité des lois. Par ailleurs, le Conseil d'État, dans son avis du 30 novembre 2006, a estimé que la campagne double ne devait pas être accordée à raison du stationnement de l'intéressé en Afrique du Nord, mais devait l'être au titre des « situations de combat » que le militaire a subies ou auxquelles il a pris part. Aussi a-t-il considéré qu'il revenait aux ministres respectivement chargés des anciens combattants et du budget, de « définir les circonstances de temps et de lieu » des situations de combat ouvrant droit au bénéfice de la bonification de campagne double. Or, il n'existe pas de définition juridique de la situation de combat. En revanche, pour les anciens combattants qui ne peuvent se prévaloir des 90 jours réglementaires de présence en unité combattante, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre prévoit notamment, en son article R. 224, que la carte du combattant est délivrée pour la participation « à des actions de feu ou de combat ». Ainsi il a été décidé que la campagne double serait accordée pour chaque journée « durant laquelle les combattants ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont subi le feu ». Pour toute journée durant laquelle l'intéressé a été exposé à une situation de feu ou de combat, il bénéficie de deux jours de bonification. Il a été opté pour une solution objective, un critère reconnu, clair et opérant. La seule référence à une situation de combat, sans autre précision, aurait été difficile à établir, alors que la notion d'exposition à des actions de feu ou de combat a déjà reçu une définition éprouvée et les archives en portent trace. Le choix de ce critère a permis de rendre effectif plus rapidement le droit acquis à la campagne double. Le décret du 29 juillet 2010 permet donc d'accorder très largement le droit à la campagne double et ne crée pas d'inégalités de droit entre les combattants des différents conflits auxquels la France a participé. Pour autant, dans la mesure où ce texte suscite des contestations quant à sa date d'effet, le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants a décidé un nouvel examen de ce dossier pour déterminer, le cas échéant, les modalités les plus adaptées, au plan juridique comme au plan financier, pour éventuellement corriger le dispositif.
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