Mme Annick Girardin interroge M. le ministre de l'intérieur sur la question des contrôles d'identité. L'existence de contrôles au faciès en France a été établie par différents rapports dont notamment une étude scientifique publiée en 2009 et menée par des chercheurs du CNRS et d'Open society justice initiative, « Police et minorités visibles : les contrôles d'identité à Paris »(Jobard, Levy 2009) ainsi qu'un rapport publié par Human rights watch en janvier 2012, « La base de l'humiliation : les contrôles d'identité abusifs en France ». Ces travaux font également état des conséquences très néfastes des contrôles au faciès sur la relation police-citoyens et surtout de leur caractère humiliant pour les personnes qui en sont victimes. Le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (l'ECRI), la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS, intégrée depuis au Défenseur des droits [DDD]), et la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) ont d'ailleurs alerté les autorités françaises sur cette pratique inacceptable. Au regard des récents débats sur les récépissés de contrôles, sur l'engagement n° 30 du Président de mettre en place « une procédure respectueuse des citoyens » afin de « lutter contre le délit de faciès » et le récent rapport du DDD recommandant l'expérimentation du récépissé du contrôle, elle souhaiterait avoir plus d'information sur l'utilisation par les polices et les gendarmes de leurs pouvoirs de contrôle : combien de contrôles d'identité ont eu lieu dans le département (nom du département) du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, si ces contrôles ont donné lieu à une procédure administrative ou judiciaire ou non. Elle souhaiterait également connaître combien de contrôles ont donné lieu à des suites (amendes, interpellations, avertissements, etc.) et la façon dont ce taux de « réussite » est mesuré.
Les contrôles d'identité sont effectués dans le cadre des articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale et sous le contrôle de l'autorité judiciaire, avec pour objectifs la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions à la loi pénale. Ils ne peuvent intervenir, à l'initiative des forces de l'ordre ou sur réquisition du procureur de la République, que dans des cas limitativement définis. A ce cadre légal s'ajoutent les règles déontologiques auxquelles sont tenus les policiers et les gendarmes et qui imposent un respect absolu des personnes. Dans les faits cependant, des interrogations se sont développées dans le débat public sur les contrôles d'identité. Les contrôles d'identité sont essentiels à l'activité des forces de l'ordre et déterminants dans la lutte contre la délinquance, mais ils ne sauraient être ni abusivement répétés à l'égard des mêmes personnes, ni multipliés sans discernement dans tel ou tel quartier. Le Président de la République s'est ainsi engagé à lutter contre les contrôles d'identité discriminatoires par une procédure respectueuse des citoyens. Le Gouvernement, et en premier lieu le ministre de l'intérieur, a mené un travail approfondi afin de définir les moyens les plus adéquats pour parvenir à cet objectif. Après de nombreux échanges, il est apparu que la proposition tendant à la délivrance d'un récépissé ne constituait pas la meilleure solution et qu'elle présentait elle-même beaucoup de lourdeurs procédurales et d'inconvénients. Elle est d'ailleurs peu développée à l'étranger. Cette proposition reviendrait à mettre en place un système excessivement bureaucratique, lourd à gérer et dont la mise en oeuvre concrète compliquerait, de manière déraisonnable, le travail des policiers et des gendarmes sur le terrain. Elle serait de surcroît porteuse de difficultés juridiques, notamment quant à la constitution de fichiers. D'autres choix ont été faits. Un nouveau code de déontologie, commun à la police et à la gendarmerie nationale, sera prochainement publié et permettra de moderniser et de compléter les règles déontologiques qui s'appliquent déjà aux forces de l'ordre, y compris s'agissant du déroulement des contrôles d'identité légitimement mis en oeuvre et du déroulement des palpations de sécurité, qui ne doivent être ni systématiques ni humiliantes. Le principe de l'identification des policiers en intervention figurera également dans le prochain code de déontologie et sera mis en oeuvre dans les mois qui viennent. D'autres progrès sont possibles, par exemple concernant le suivi du nombre de contrôles d'identité réalisés par les forces de l'ordre. A ce jour en effet, il n'existe pas de système statistique, centralisé ou local, permettant de les comptabiliser. Mettre en place un tel dispositif nécessiterait de trouver des réponses, inévitablement coûteuses, à des difficultés pratiques ; sachant de surcroît que les contrôles d'identité recouvrent des réalités extrêmement diverses, en fonction des différents cadres juridiques mis en oeuvre. Aucun de nos principaux partenaires européens ne procède d'ailleurs à une telle comptabilisation. Pour autant, le ministre de l'intérieur est désireux d'accroître la transparence en la matière. Des travaux ont ainsi été engagés pour tenter de définir une méthodologie qui permettrait de comptabiliser les contrôles d'identité réalisés sur réquisition du procureur de la République. En tout état de cause, le ministre de l'intérieur attache la plus haute importance à ces questions. Au-delà des enjeux d'éthique et de déontologie, le ministre estime en effet essentiel d'améliorer les relations entre la police et la gendarmerie et la population, notamment à l'occasion des patrouilles ou des interventions sur la voie publique, pour renforcer le lien de confiance et le respect mutuel. Car si l'ordre républicain doit prévaloir partout, il doit être garanti dans le strict respect des libertés publiques et de la déontologie. Des forces de l'ordre exemplaires sont en effet mieux respectées, plus efficaces. Il en va de leur légitimité et de leur autorité vis-à-vis de la population. Ces enjeux sont essentiels, la force publique étant au service de nos concitoyens et la légitimité de son action étant un élément central de la cohésion sociale.
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