Mme Colette Capdevielle interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet des expertises psychiatriques réalisées dans le cadre pénal et plus particulièrement en matière criminelle. Compte tenu de l'augmentation du nombre de ces expertises, de la diminution du nombre d'experts inscrits sur les listes, de l'importance accordée à ces actes par les juridictions, il apparaît que l'instauration du principe de la dualité d'experts pour les expertises pénales de procédure criminelle, la mise à disposition du dossier judiciaire de la personne examinée, ainsi que la transmission de l'intégralité de son dossier médical et pénitentiaire contribueraient à faciliter et améliorer le travail des professionnels. À ce titre, elle souhaite qu'elle puisse lui apporter un éclairage sur ses intentions dans l'accompagnement d'une expertise essentielle à l'exercice de la justice pénale.
L'article 712-21 du code de procédure pénale prévoit que les mesures mentionnées aux articles 712-5, 712-6 et 712-7 (réduction de peine entraînant la libération immédiate du condamné, permission de sortir, placement à l'extérieur, fractionnement et suspension de peine, placement sous surveillance électronique, libération conditionnelle, relèvement de la période de sûreté), à l'exception des réductions de peines n'entraînant pas de libération immédiate et des autorisations de sortie sous escorte, ne peuvent être accordées, sans une expertise psychiatrique, à une personne condamnée pour une infraction mentionnée à l'article 706-47 du code de procédure pénale (CPP), à savoir les crimes ou délits sexuels ou violents commis contre des mineurs. Cette expertise doit être réalisée par deux experts lorsque la personne a été condamnée pour le meurtre, l'assassinat ou le viol d'un mineur de quinze ans. Elle doit l'être par trois experts inscrits sur la liste des experts agréés près la Cour de cassation, lorsqu'une peine de sûreté incompressible a été décidée par la cour d'assises à l'encontre d'une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité. Le champ des infractions pour lesquelles une expertise psychiatrique est obligatoire avant de pouvoir bénéficier de l'une des mesures prévues aux articles 712-5, 712-6 et 712-7 n'a cessé de s'étendre ces dernières années. En effet, cette expertise, qui était initialement obligatoire uniquement pour les infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, est imposée depuis la loi du 10 août 2007 pour toutes les infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru. Dans le même temps, les lois des 12 décembre 2005, 5 mars 2007 et 9 juillet 2010 ont étendu le champ d'application du suivi socio-judiciaire à d'autres infractions de sorte que désormais une expertise psychiatrique est obligatoire préalablement notamment à l'octroi d'un aménagement de peine ou de permissions de sortir pour toutes personnes condamnées notamment pour des faits de vols à main armée, dégradations aggravées, de violences ou de menaces commises dans un contexte familial. Afin d'éviter de recourir à des expertises inutiles, les articles 712-21 et D. 49-23 du code de procédure pénale prévoient toutefois certains cas dans lesquels le juge ou le tribunal de l'application des peines peut, avec l'accord du procureur de la République, dire par ordonnance ou jugement motivé, qu'il n'y a pas lieu de diligenter une nouvelle expertise psychiatrique préalablement à une décision d'aménagement de la peine. Il en est ainsi : - lorsque figure au dossier du condamné une expertise datant de moins de deux ans y compris si celle-ci a été réalisée avant la condamnation ; - lorsque les circonstances de l'infraction et la personnalité de son auteur le justifient ; cette dispense n'est toutefois possible que pour certaines des infractions prévues à l'article 712-21 ; - en cas de demande de suspension de peine pour raisons médicales en urgence. Les lois du 12 décembre 2005 et du 25 février 2008 instituant les mesures de sûreté ont également prévu qu'il soit recouru à une expertise psychiatrique préalablement à leur prononcé. Alors que la loi a multiplié les cas d'expertises médicales obligatoires, les juges de l'application des peines déplorent le nombre insuffisant d'experts en matière psychologique et psychiatrique. Cette situation conduit à un allongement des procédures relatives à l'octroi d'une permission de sortir ou d'un aménagement de peine. Afin de remédier à cette difficulté, la loi de programmation relative à l'exécution des peines a prévu, à l'article 730-2 du code de procédure pénale, la possibilité de recourir à un psychiatre et à un psychologue, plutôt qu'à deux experts psychiatres, pour les expertises préalables à la libération conditionnelle des personnes condamnées à un crime pour lequel le placement en rétention de sûreté est possible. Elle a également prévu que trois mesures incitatives devront être prises afin qu'un nombre croissant de médecins psychiatres s'inscrivent sur les listes d'experts : - une indemnité pour perte de ressources d'un montant de 300 euros versée, en complément du tarif de l'expertise elle-même, lorsque celle-ci sera conduite par un psychiatre libéral ; - l'instauration d'un système de bourse afin d'attirer les internes en médecine psychiatrique vers l'activité d'expertise judiciaire ; l'article L.632-7 du code de l'éducation prévoit qu'en contrepartie d'une bourse, les étudiants signeront un contrat d'engagement relatif à la prise en charge psychiatrique de personnes sur décision de justice leur imposant de suivre une formation en sciences criminelles, en psychiatrie légale ou en psychologie légale et de s'inscrire, une fois leurs études terminées, pour une durée minimale de deux ans sur une liste d'experts judiciaires près les cours d'appel dont le nombre d'experts est insuffisant ; - un tutorat destiné à encourager, former et accompagner les psychiatres qui se lancent dans l'expertise judiciaire. L'article 10 de cette loi modifie enfin les dispositions de l'article L.6152-4 du code de la santé public prévoyant que l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précise les conditions dans lesquelles les médecins des établissements publics de santé peuvent consacrer une partie de leur temps de service à la réalisation d'expertises ordonnées par un magistrat en application du code de procédure pénale. En l'état toutefois ces dispositions ne sont pas applicables en l'attente de décrets d'application. Partant du constat que la multiplication des cas d'expertises psychiatriques obligatoires du fait de la loi constitue un frein au développement des aménagements de peine, meilleur outil de prévention de la récidive, le Gouvernement a souhaité travailler sur un projet de loi axé sur une meilleure personnalisation de l'exécution des peines. Ce projet de loi qui sera prochainement soumis au Parlement proposera notamment de simplifier et d'alléger les conditions préalables au prononcé des mesures d'aménagement de peine exigeant la réalisation préalable d'expertises et d'évaluations en restreignant les cas dans lesquels celles-ci sont obligatoires tout en permettant aux juridictions de l'application des peines d'y procéder à chaque fois que nécessaire. Cette modification contribuera à favoriser les aménagements de peine.
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