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Christian Paul
Question N° 23896 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 16 avril 2013

M. Christian Paul attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait que, pour la Patrie de Diderot et d'Alembert, une encyclopédie collaborative constitue un bien commun, et donc un capital précieux. Or, dans un communiqué du 6 avril 2013 publié sur Internet, l'association Wikimedia France a fait état de pressions exercées par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) sur son président pour obtenir la suppression d'un article concernant la station hertzienne militaire de Pierre-sur-Haute, publié dans la version française de l'encyclopédie collaborative Wikipédia. La démarche de la DCRI a été considérée comme une tentative de censure et a provoqué un large écho international. Cette action de la DCRI soulève plusieurs questions. La DCRI a, tout d'abord, demandé le retrait d'un article dont le contenu se borne à agréger des informations publiques, la principale source étant un reportage sur la station diffusé par la chaîne locale « Télévision Loire 7 », toujours disponible en ligne. Il lui demande donc quelles parties de l'article de Wikipédia justifieraient la démarche de la DCRI. La DCRI aurait, ensuite, le 4 avril 2013, convoqué et menacé d'un placement en garde à vue et d'une mise en examen M. Rémi Mathis. Cette manière de procéder est étonnante : l'association Wikimedia France n'est pas l'hébergeur de l'encyclopédie Wikipedia. Son hébergeur, et seul responsable juridique, est l'association américaine « Wikimedia foundation ». Le président de Wikimedia France n'est pas, par ailleurs, co-auteur de l'article incriminé. Il lui demande donc sur quelles bases légales la DCRI a agi, et si le cadre légal doit être précisé à l'avenir. Il s'inquiète, enfin, que des procédures similaires soient engagées contre d'autres bénévoles participant à d'autres projets collaboratifs en ligne, sous le seul prétexte qu'ils en sont contributeurs. Si M. Christian Paul comprend parfaitement que les services de sécurité doivent disposer des moyens de lutter efficacement contre les différentes menaces pesant sur notre pays, il lui demande cependant quelles mesures il compte prendre pour protéger nos concitoyens de ce type d'abus et, plus largement, la liberté d'expression sur internet.

Réponse émise le 1er octobre 2013

En juin 2010, la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) était alertée par le ministère de la défense de l'existence sur le site Wikipédia d'un article compromettant des informations, relatives à la chaîne de transmission de l'ordre de mise à feu nucléaire, classifiées Confidentiel Défense et Secret Défense. Avisé, le parquet du tribunal de grande instance de Paris demandait à la DCRI de mener une enquête préliminaire pour atteinte au secret de la défense nationale (articles 413-9, 413-11 et 414-7 du code pénal). En novembre 2010, le vice-président de l'association Wikimédia France était entendu et affirmait que seule la Wikemedia Foundation, Inc. , aux Etats-Unis, pouvait retirer l'article litigieux et identifier son auteur. Une demande d'entraide pénale internationale était donc présentée aux autorités américaines. Ces dernières l'ont toutefois rejetée, au motif que le délai légal de conservation des données était dépassé. Le parquet demandait alors à la DCRI de mettre un terme à son enquête. En janvier 2013, le ministère de la défense informait la DCRI d'une nouvelle mise en ligne d'éléments compromettant des données classifiées, s'ajoutant à celles déjà accessibles sur Wikipédia. Avisé, le parquet du tribunal de grande instance de Paris ordonnait à la DCRI une nouvelle enquête préliminaire pour atteinte au secret de la défense nationale. (articles 413-9, 413-11 et 414-7 du code pénal). Le ministère de la défense faisait valoir que la publication de ces informations, classifiées, causait un préjudice important à la défense nationale. Entendu par la DCRI en février, le président de l'association Wikimédia France affirmait que, bien que possédant les droits d'administrateur du site Wikipédia, il ne prendrait pas la responsabilité de supprimer des données diffusées par la Wikemedia Foundation, Inc. Les dirigeants de cette fondation aux Etats-Unis étaient contactés à plusieurs reprises par la DCRI pour les alerter de cette publication d'informations classifiées et violant le droit français relatif au secret de la défense nationale. Devant le refus des dirigeants de cette fondation de retirer toute information en ligne, le président de l'association Wikimédia France, administrateur de Wikipédia, qui risquait une mesure de garde à vue pour complicité de compromission du secret de la défense nationale, était une nouvelle fois convoqué en avril par la DCRI. L'intéressé consentait à supprimer l'article. Deux encarts étaient ensuite postés par ses soins sur le site Wikipédia pour faire savoir aux internautes que l'article avait été supprimé à la demande des autorités françaises en raison des données classifiées qu'il contenait. Une mise en garde signalait que toute nouvelle diffusion de cet article engagerait la responsabilité pénale de l'administrateur qui y procéderait. Rien dans cette affaire ne saurait s'apparenter à une quelconque atteinte à la liberté d'expression ou à la liberté de la presse, particulièrement protégées en France par le droit national et par le droit européen. Le droit, en l'occurrence le code pénal, a été appliqué. Cependant, au-delà de cette situation particulière, il faut aujourd'hui faire face au déploiement des nouvelles technologies et repenser le cadre de nouveaux équilibres entre l'exigence absolue de respect de la liberté d'information et l'exigence tout aussi absolue de sauvegarde de la sécurité des intérêts fondamentaux de la nation. A cet effet, un groupe de travail interministériel, présidé par un haut magistrat et associant les ministres des finances, de la justice, de l'intérieur et de l'économie numérique, rendra ses conclusions à la fin du mois de novembre 2013. Il convient de plus d'ajouter que les vérifications entreprises n'ont pas permis de déceler la mise en ligne par Wikipédia d'informations aussi détaillées sur les bases américaines que celles présentes sur les bases militaires françaises. Or, bien qu'elle soit de droit américain, il est légitime que la fondation Wikimedia respecte les lois et règlements et intérêts fondamentaux de l'ensemble des espaces culturels couverts par le beau projet universel qu'est Wikipédia.

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