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Luce Pane
Question N° 24116 au Ministère de la justice


Question soumise le 16 avril 2013

Mme Luce Pane interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le problème de la prise en charge des mineurs étrangers isolés. Alors que, conformément à la convention internationale des droits de l'enfant signée par la France en 1990, cette question relève de la compétence de l'État, il s'avère que, dans les faits, les départements assurent seuls, via l'aide sociale à l'enfance, la prise en charge de ces jeunes primo-arrivants, faute de la mise en place en amont d'un dispositif susceptible de les accueillir. Ainsi, certains départements, tels la Seine-Maritime, doivent-ils assumer un nombre élevé de mineurs isolés quand bien même ce problème ne relève pas de leurs compétences. Face à des flux migratoires de plus en plus importants et au regard de la situation financière extrêmement dégradée des conseils généraux, une telle situation ne peut perdurer sans qu'une concertation de l'ensemble des acteurs concernés ne soit engagée et que des moyens financiers supplémentaires ne soient mobilisés. En 2004, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'emploi et de la cohésion sociale, confia au préfet de région Bertrand Landrieu une mission sur ce sujet. Dans son rapport, le préfet Landrieu réaffirma la compétence de l'État en la matière et recommanda la création d'un «sas d'accueil, d'évaluation et d'orientation des mineurs, quelles que soient les modalités d'entrée sur le territoire, qui doit être piloté par l'État, compte tenu qu'il convient d'organiser une coordination interministérielle de plusieurs services : police, justice, affaires sociales, affaires étrangères ». Elle rappelle par ailleurs que Michel Mercier, alors garde des sceaux, avait reconnu la réalité du problème au congrès 2011 de l'Assemblée des départements de France (ADF) réuni à Besançon, et s'était engagé dans la foulée à réunir une table ronde sur ce sujet. Force est de constater que les précédents gouvernements, bien que reconnaissant la responsabilité de l'État dans la prise en charge des mineurs isolés, n'ont pas trouvé les solutions permettant d'assurer l'accueil sur notre territoire de ces jeunes. Aussi, lui demande-t-elle de lui préciser de quelle façon le Gouvernement entend faire face à ses obligations.

Réponse émise le 29 octobre 2013

Les mineurs isolés étrangers - et dans certains cas les jeunes majeurs isolés - relèvent de la compétence des départements, comme le précise l'article L.112-3 du code de l'action sociale et des familles, car il s'agit de mineurs « privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ». Cette mission est cependant extrêmement lourde pour ceux qui la supportent. Les flux des arrivées se concentrent en effet sur quelques territoires, et la charge qui en résulte est de plus en plus difficile à assumer pour ces départements. Par ailleurs, les procédures mises en oeuvre à toutes les étapes de l'accueil révèlent de fortes disparités et donc de vraies différences de traitement entre les jeunes. Le ministère de la justice a été investi en décembre 2010 par le Premier ministre de la coordination de l'action de l'Etat en direction de ces jeunes, en lien avec les conseils généraux. Un travail de concertation a été entrepris au niveau national et territorial, et une réflexion sur les aspects financiers de la prise en charge des mineurs isolés étrangers a été engagée dans le sens d'une meilleure répartition de la charge entre les conseils généraux. En lien avec tous les ministres concernés, la garde des sceaux a souhaité approfondir ces travaux afin de parvenir à la définition d'une véritable politique nationale en faveur des mineurs isolés étrangers. Afin de déterminer des solutions pérennes de prise en charge, des discussions se sont tenues entre l'Etat et les départements, représentés par l'Assemblée des départements de France, dans le cadre d'un groupe de travail piloté par le cabinet de la ministre. A l'issue de ces discussions, de nouvelles modalités d'organisation ont été arrêtées et formalisées dans un protocole signé le 31 mai dernier entre le ministère de la justice, le ministère de l'intérieur, le ministère des affaires sociales et de la santé et l'Assemblée des départements de France. La ministre a également adressé, le même jour, aux parquets généraux une circulaire leur permettant de s'insérer efficacement dans le dispositif décrit dans le protocole. Les objectifs poursuivis par ce nouveau dispositif sont les suivants : - limiter les disparités entre les départements, s'agissant des flux d'arrivée des jeunes, - apporter aux jeunes toutes les garanties liées à la nécessaire protection de leur intérêt et au respect de leurs droits, et pour sécuriser leur statut, - homogénéiser les pratiques des départements lors de la période de mise à l'abri, évaluation et orientation des jeunes, cette période étant destinée à s'assurer de leur minorité et de leur situation d'isolement sur le territoire français, qui sont les conditions de leur prise en charge par les conseils généraux dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. A cette fin, il prévoit la mise en oeuvre des mesures suivantes : Une première phase de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation se déroule dans le département où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté, sur la base d'un protocole d'évaluation homogène, élaboré en concertation entre les différents acteurs. L'Etat assure le financement de cette période dans la limite de cinq jours, sur la base d'un remboursement forfaitaire fixé à 250 € par jeune et par jour au conseil général qui fera effectuer les investigations par ses services ou par une structure du secteur associatif à laquelle cette mission est déléguée. Cette prise en charge constitue une réelle avancée puisque l'Etat ne s'était jamais engagé auparavant. Dans un second temps, et dès lors que la minorité et l'isolement du jeune sont établis, le président du conseil général saisit le procureur de la République du lieu où ce mineur a été repéré ou s'est présenté. Le procureur de la République s'appuie sur un dispositif d'orientation nationale pour désigner le conseil général du lieu de placement définitif, auquel il confie le mineur par ordonnance de placement provisoire. Cela n'obère pas la possibilité pour le juge des enfants d'intervenir également. Une cellule nationale est mise en place à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Cette cellule est chargée de suivre le dispositif d'orientation nationale et d'actualiser la grille des placements : elle met à disposition des parquets les informations leur permettant de savoir dans quel département il sera opportun d'orienter le mineur. Enfin, l'Assemblée des départements de France a procédé à une diffusion non seulement du protocole mais aussi de ses annexes (procédure d'évaluation), auprès des conseils généraux.

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