M. Élie Aboud attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les vives inquiétudes des milieux du cinéma qui voit, jour après jour, l'influence des télévisions grandir dans leur domaine, au point que l'on parle de plus en plus de "cinéma de télévision". En effet, la dépendance s'est installée, au fil des ans, entre ces deux mondes, en raison du financement croissant du premier par le second. Comme toujours lorsqu'il s'agit de ce sujet, la faculté de choisir et d'arbitrer entre les différentes productions peut être rapidement confisquée. Assurément, le cinéma français mérite mieux que cette automutilation de la création. Pour la grande majorité des artistes, le pouvoir de création est tout bonnement atrophié, contingenté par le bon vouloir d'autres puissances. Il convient par conséquent de compléter les modes de financement du cinéma français, si l'on ne veut pas voir les véritables auteurs purement et simplement disparaitre. Il lui demande de bien vouloir lui préciser ses intentions en la matière.
Les chaînes de télévision constituent, d'année en année, la première source de financement du cinéma français. Ainsi, en 2012, leurs apports ont représenté 31,9 % du financement des 209 films d'initiative française agréés, dans l'année, par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Il s'agit de rappeler également que ce constat découle très largement des obligations de financement des chaînes de télévision, qu'elles soient en clair ou payantes, telles que fixées par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986. Il ne fait nul doute que ces dispositions ont permis de maintenir et même de renforcer la vitalité du cinéma français ainsi que sa diversité. Rappelons, en effet, que ces différentes obligations de financement des chaînes de télévision sont assorties d'obligations en faveur de la production indépendantes ou de films de la diversité. Au-delà du poids financier important des chaînes de télévision, leurs choix éditoriaux sont très souvent récompensés par différentes distinctions ou dans le cadre des festivals internationaux. Parmi les exemples récents les plus emblématiques, « La Vie d'Adèle », Palme d'or au dernier Festival de Cannes, a été coproduit par France 2 Cinéma et « The Artist », récompensé notamment par l'Oscar du meilleur film, par France 3 Cinéma. Ce poids important des chaînes de télévision ne doit cependant pas faire oublier qu'un nombre grandissant de films se font sans aucun financement des chaînes de télévision. En 2012, ce fut le cas de 71 films d'initiative française (contre 58 en 2011), soit 34 % des films d'initiative française agréés par le CNC. La création cinématographique est alors financée sans aucun apport et a fortiori aucune influence de la télévision, notamment grâce aux aides publiques, qu'elles proviennent du CNC ou des collectivités territoriales. Ainsi, en 2012, 28 des 71 films d'initiative française non financés par les chaînes de télévision bénéficient de l'avance sur recettes (soit près de 40 % d'entre eux). Au-delà de ces différents constats contrastés, il importe de maintenir et même renforcer notre système de soutien à la production cinématographique par une réflexion régulière sur ses différents modes de fonctionnement et ses équilibres. Tel était l'objectif des « assises pour la diversité du cinéma français » organisées par le CNC, à la demande de la ministre de la culture et de la communication, le 23 janvier dernier. Ce débat a permis de rappeler la pertinence du modèle de financement de notre industrie cinématographique. Il a également confirmé la nécessité de procéder à de nouvelles adaptations de ce système dont la réforme régulière est gage de son efficacité. Dans cette perspective, le CNC a mis en place un groupe de suivi des Assises, réunissant un large panel de personnalités et couvrant l'ensemble des professions intervenant dans le financement du cinéma. Le CNC a chargé René Bonnell d'être rapporteur de ce groupe, dont les travaux en cours portent principalement sur : - les pratiques à développer ou à encadrer pour maintenir la qualité et la diversité de la production cinématographique et soutenir des modèles économiques cohérents avec les risques pris par les différents intervenants de la chaîne de production et de diffusion des films (contrôle des coûts, transparence des recettes, conditions de rentabilité), - le positionnement et l'évolution souhaitable des interventions publiques (réglementation, soutiens financiers) au regard de ces enjeux.
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