Mme Sandrine Mazetier attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur le problème posé par l'application tardive des règles européennes de territorialité de taxation à la TVA dans le pays de consommation pour les entreprises de l'économie numérique. Aux termes de la directive n° 2008/8/CE du 12 février 2008, la TVA grevant les services rendus par voie électronique sera déterminée selon les règles applicables dans l'État de consommation, via un système de « guichet unique ». Toutefois, ces nouvelles règles ne s'appliqueront qu'à compter du 1er janvier 2015 et le versement des recettes ne sera que partiels jusqu'en 2019. En attendant, les prestations de services électroniques rendus par une entreprise établie dans un État membre à une personne non assujettie domiciliée dans un autre État membre sont soumises à la TVA dans l'État du prestataire et selon les règles qui y sont applicables. Pour exemple, lorsque l'entreprise Apple basée au Luxembourg vend un produit culturel pour 1 euro, elle paie 6 centimes d'euros de TVA tandis que son concurrent français versera 16 centimes d'euros pour le même service. Par ailleurs, d'après le rapport Colin et Collin et citant une étude du groupe Greenwich consulting, on évalue à 300 millions d'euros la perte de recettes fiscales engendrée en 2008 pour la France et à près de 600 millions d'euros à l'horizon 2014. En 2013, une étude du même cabinet Greenwich consulting estime que le manque à gagner pour l'État français s'est élevé en 2011 entre 377 millions et 754 millions d'euros sur un montant de 7,5 milliards de produits culturels dématérialisés et certaines prestations de voyage en ligne. Au vu du considérable manque à gagner en termes de recettes fiscales pour l'État, elle demande comment le Gouvernement envisage d'agir pour mieux réguler ces stratégies d'optimisation permettant à certaines grandes entreprises du numérique de contourner la fiscalité nationale en profitant des disparités au sein de l'UE. Elle demande s'il serait possible d'envisager une accélération du calendrier européen permettant une application plus précoce des règles de territorialité pour le prélèvement de la TVA.
Dans le cadre de la priorité que l'Union européenne entend justement donner au développement du numérique, la France souhaite que la dimension fiscale de l'économie numérique soit pleinement prise en compte, ainsi qu'elle l'a fait valoir lors du sommet européen du 22 mai 2013, dont les conclusions reflètent cette préoccupation. Le Conseil européen d'octobre sera consacré à la stratégie numérique, et à cette occasion, les aspects relatifs à la fiscalité du numérique seront étudiés. Un rapport de la Commission européenne est d'ailleurs attendu pour cette occasion. En effet, si les grandes entreprises du numérique profitent des avantages qu'offre le marché intérieur (libre circulation, accès aux réseaux européens, etc.), elles savent également tirer profit de ses faiblesses et de l'absence d'harmonisation fiscale entre les Etats membres de l'Union. En outre, l'activité dématérialisée qu'est le numérique permet aux entreprises de bénéficier des revenus générés par l'activité des internautes (où qu'ils se trouvent), tout en s'établissant et concentrant les activités dont elles tirent leurs revenus dans des pays ou territoires où la fiscalité est avantageuse. Toutefois, l'adoption de la directive 2008/8/CE constitue un progrès significatif dans la lutte contre les distorsions de concurrence les plus notables. A la faveur de la révision de la directive TVA, le Conseil a en effet prévu que les prestations électroniques, de télécommunications et de télé et radiodiffusion seraient désormais taxées au lieu du client, même lorsque ce dernier n'est pas assujetti à la taxe. Afin de faciliter le respect par les opérateurs concernés de leurs obligations déclaratives, un dispositif de « guichet unique » de TVA a été adopté en parallèle : il permet d'éviter à ces opérateurs de devoir s'enregistrer dans tous les Etats membres où ils ont des clients aux seules fins de payer la TVA. Les recettes de TVA tirées de ces services seront ainsi transférées du pays où le prestataire est établi vers le pays où le consommateur se trouve, en faisant application du taux en vigueur dans l'Etat membre du consommateur. Toutefois, l'accord trouvé sur la révision de la directive TVA n'a pu se faire qu'à la condition d'une mise en oeuvre graduée des nouvelles modalités de taxation. Ainsi, cette réforme n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2015 et un mécanisme transitoire a été en outre prévu, afin que l'Etat membre d'établissement puisse conserver une partie de la TVA perçue jusqu'en 2019 (30 % des recettes en 2015 et 2016 ; 15 % en 2017 et 2018 - 0 % à compter du 1er janvier 2019). Alors que la révision de la directive TVA résulte d'un compromis délicat, il parait aujourd'hui difficile d'envisager une anticipation du calendrier prévu. A l'inverse, la France veillera scrupuleusement à ce que le calendrier de mise en oeuvre soit respecté, et ce malgré la persistance de certaines difficultés techniques (notamment sur la détermination exacte de l'Etat de consommation) qui alimentent encore les discussions entre Etats membres.
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