M. Gilbert Collard attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les dysfonctionnements des logiciels Louvois et Chorus. Ces progiciels de gestion de paie entraînent des retards de paiement de plusieurs mois, tant pour les personnels des Armées que pour leurs fournisseurs. C'est ainsi que des soldats en opérations extérieures se sont retrouvés interdits bancaires. De même, des PME prestataires de services des armées ont été contraintes de déposer leur bilan. Dans ce dernier cas, les licenciements déboucheraient sur la perte de plus de 3 000 emplois. Il souhaiterait savoir si le ministère corrobore ce chiffre avancé par les syndicats professionnels concernés. Il souhaiterait également connaître les difficultés encore rencontrées, ainsi que les mesures prises pour les résorber. Enfin, il lui demande les crédits réservés afin d'indemniser les militaires ainsi que les entrepreneurs pour les préjudices subis, ainsi que le nombre de litiges actuellement pendants devant les juridictions commerciales et administratives du fait des retards antérieurs.
Dans le cadre d'une réforme de la fonction ressources humaines (RH) du ministère de la défense, a été mis en service, au mois d'octobre 2011, le logiciel Louvois (LOgiciel Unique à VOcation Interarmées de la Solde), un calculateur de rémunération « raccordé » aux systèmes d'information des ressources humaines (SIRH) des armées, dans lesquels se trouvent les données nécessaires au calcul de la solde. Ce logiciel, qui avait initialement vocation à calculer la solde des militaires des armées, des services interarmées et de la gendarmerie, vise à remplacer les chaînes autonomes de traitement de la solde pour économiser les effectifs exigés par la révision générale des politiques publiques. Ce projet de grande ampleur s'est inscrit dans une démarche complexe et risquée. Complexe, parce que le calcul de la solde des militaires obéit à des règles particulières, nombreuses, parfois anciennes, qui correspondent à la grande diversité de leurs compétences, de leurs situations et des missions qui leur sont confiées ; risquée, parce qu'elle touchait à la rémunération et que, dans ce domaine, tout retard ou toute anomalie prend tout de suite, légitimement, des proportions importantes. En dépit de ces éléments qui ne pouvaient être ignorés, la méthode adoptée par le précédent Gouvernement pour le déploiement du logiciel Louvois est identique à celle appliquée à la conception et l'ouverture à marche forcée des bases de défense (BdD). Cette politique de la précipitation, dispensée d'évaluations préalables et d'études d'impact, a eu pour conséquence, lors de la brutale bascule informatique des soldes, l'émergence de difficultés majeures de fonctionnement et le mécontentement légitime du personnel directement affecté. Là encore, le précédent Gouvernement, qui n'avait pas pris toute la mesure des risques et de la complexité de ce projet, a alors tardé à réagir lorsque les premières difficultés sont apparues. Conscient de ces graves dysfonctionnements et les jugeant inacceptables, le ministre de la défense a estimé que le système devait être stabilisé sans délai et les difficultés sérieusement prises en compte. Il a demandé un état des lieux précis des dossiers encore en souffrance, afin que tous les moyens nécessaires à leur régularisation soient mis en oeuvre. Dans cette même dynamique, il a présenté, le 25 septembre dernier, au centre expert RH soldes de l'armée de terre de Nancy (CERHS), un plan d'action opérationnel le jour-même, se concrétisant par : - le renforcement des effectifs du CERH-S pour lui permettre de traiter de façon satisfaisante toutes les demandes dans un délai raisonnable ; - la mise en place, depuis le 1er octobre dernier, d'un numéro vert accessible aux militaires et à leurs familles afin de répondre directement à toutes leurs questions et de les accompagner dans le traitement de leur dossier. Près de 37 000 appels et courriels ont été enregistrés à ce jour. Ils ont donné lieu à l'ouverture de plusieurs milliers de dossiers au profit des administrés. Ce numéro vert permet également de donner l'alerte en temps réel sur les incidents de paye pouvant encore survenir ; - la création d'un « groupe utilisateurs » rassemblant les acteurs de la solde du ministère, les représentants des militaires et de leurs familles, et auquel est associé le conseil supérieur de la fonction militaire ; - l'instauration d'un contrôle mensuel de la fonction solde permettant une double remontée des incidents, à la fois par la chaîne de commandement et par la chaîne solde ; - l'établissement d'un dispositif spécifiquement dédié au suivi du versement des soldes et des primes du personnel de retour d'opérations extérieures (OPEX), s'inscrivant dans le devoir de reconnaissance de la Nation envers celles et ceux que leur engagement expose à de difficiles et périlleuses missions. Pour accompagner ces actions, le ministre a décidé la création d'une mission d'appui avec le déploiement d'équipes de spécialistes dans toutes les bases de défense afin que l'ensemble des dysfonctionnements puisse être clairement identifié, pris en compte et résolu dans les plus brefs délais. Par ailleurs, le 30 octobre dernier, le ministre a annoncé la mise en place d'une procédure exceptionnelle d'urgence pour que tous les militaires vis-à-vis desquels l'État a une dette soient payés immédiatement par le centre interarmées d'administration de la solde sur fonds d'avance, lorsqu'ils en font la demande. Près de 30 millions d'euros ont été versés depuis l'instauration de ce dispositif, qui se poursuit au titre de l'année 2013. En outre, les conseillers sociaux et juridiques du ministère ont été pleinement mobilisés afin d'assister techniquement les militaires et leurs familles qui sollicitent leur concours. Dans le même temps, le ministre de la défense s'est efforcé de sensibiliser les opérateurs bancaires aux difficultés auxquelles la communauté militaire est temporairement susceptible d'être confrontée. Il s'est de plus rapproché, dès le mois de décembre dernier, de son homologue chargé du budget pour que soient étudiées les solutions de nature à garantir une juste appréciation de la situation des militaires au regard du calcul et des modalités de recouvrement de leur impôt sur le revenu. Enfin, un plan d'action décliné en douze chantiers couvrant l'intégralité du spectre de la fonction solde a été lancé début 2013. A cet égard, une attention particulière est portée aux domaines suivants : gouvernance de l'ensemble des composantes du dispositif, pilotage fonctionnel de la chaîne, suivi comptable et réglementaire, pilotage des systèmes d'information et gestion du référentiel métier. Le ministre de la défense veille personnellement à l'application de l'ensemble de ces mesures. Le logiciel Chorus constitue pour sa part le système d'information budgétaire et comptable de l'État dans lequel est géré et exécuté le budget de la totalité des ministères et à partir duquel sont établis les comptes de l'État. Il est placé sous la maîtrise d'oeuvre fonctionnelle et technique de l'Agence pour l'informatique financière de l'État. Le déploiement de Chorus, effectif au ministère de la défense depuis le 4 janvier 2010, a nécessité d'importants efforts tant en termes de formation et d'appropriation de ce nouvel outil par le personnel, que de reprise des données issues des anciennes applications de gestion. Après un démarrage au ralenti en raison de difficultés techniques initiales, le rythme de consommation des crédits de paiement sur la mission budgétaire « Défense » s'est considérablement accru sur tous ses programmes, pour atteindre un niveau normal à la fin de l'année 2010. Pour rattraper les retards, d'importantes mesures ont été mises en place tendant à renforcer les services au moyen d'un support expert de haut niveau. Des procédures de paiement en urgence ont également été adoptées afin de traiter dans les meilleurs délais le cas des entreprises pouvant se trouver en situation critique. Les établissements confrontés à des difficultés de trésorerie signalées, notamment les petites et moyennes entreprises, ont en conséquence été rapidement payés. Par ailleurs, le plan d'actions arrêté au mois de juillet 2010 par le ministère de la défense, en concertation avec le ministère chargé du budget, a comporté des mesures exceptionnelles de simplification des procédures d'exécution de la dépense, pour les ordonnateurs comme pour les comptables, ainsi que la mise en place d'un pilotage conjoint, entre les services ordonnateurs et les comptables, du suivi de l'exécution budgétaire et des priorités de paiement. La mise en oeuvre de ce plan a permis de fluidifier les circuits de paiement et de respecter la norme de paiement 2010. Aujourd'hui, Chorus a atteint son régime de fonctionnement normal. Par ailleurs, le ministère de la défense s'est acquitté des intérêts moratoires dus à certains de ses fournisseurs, contribuant de la sorte à compenser les préjudices subis par ces derniers. Dans ce contexte, les services spécialisés du ministère ont régularisé 770 dossiers de retards de paiement liés à Chorus en 2010 et 173 en 2011. Ils n'ont toutefois eu connaissance d'aucune fermeture d'entreprise consécutive à la mise en oeuvre de ce progiciel.
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