M. Franck Reynier alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur les difficultés que traversent aujourd'hui les entreprises françaises de la filière transport, notamment en matière de concurrence déloyale. En effet, alors même qu'entrent en application de nouvelles mesures impactant le coût du transport routier de marchandises : écotaxe poids lourds, normes Euro 6, certains transporteurs étrangers détournent les règlements européens et ne respectent pas la loi encadrant la pratique du cabotage sur le sol français. Cette activité est précisément encadrée par le décret n° 2010-389 d'avril 2010. Ce dernier autorise les transporteurs étrangers à effectuer trois opérations de cabotage maximum sur le territoire français, dans un délai des sept jours, avec le même camion, et uniquement s'ils ont effectué auparavant un transport international. Aujourd'hui, de nombreux transporteurs non-résidents ne respectent pas la réglementation et s'établissent en France parfois bien au-delà de la durée des sept jours autorisés. Outre un renforcement indispensable des contrôles opérés par les forces de l'ordre, nous possédons aujourd'hui les moyens technologiques permettant de contrôler et faire respecter la loi régissant le cabotage. En effet, la mise en place de l'écotaxe s'accompagne d'équipement des poids lourds d'un système de traceurs GPS, appelé boîtier SHT. Ce dispositif qui s'applique à l'ensemble des poids lourds nationaux ou étrangers circulants en France pourrait également servir de système de contrôle de la réglementation européenne. Cette technologie autorise l'étude la géolocalisation des véhicules et ainsi la conformité de leurs temps de présence sur un territoire national. De plus, il tient à réaffirmer les profondes et légitimes inquiétudes de nos entreprises face au projet de la Commission européenne qui envisage de libéraliser le cabotage, au 1er janvier 2014. La libéralisation du cabotage routier ne peut être envisagée sans préalablement avoir obtenu une harmonisation des minimas sociaux au sein de l'Union européenne. La survie de très nombreuses entreprises et emplois de notre territoire en dépendent. Aussi compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il souhaite savoir quelles sont les mesures étudiées par le Gouvernement pour mettre fin à ces abus et faire respecter les règles fiscales et sociales applicables aux entreprises européennes de transport établies en France.
La question de la concurrence déloyale dont sont victimes les entreprises du transport routier de marchandises est l'objet de toutes les attentions du Gouvernement. La concurrence déloyale est un effet du « dumping social » à l'oeuvre dans le transport routier, notamment de marchandises, en Europe. Dans une économie au niveau de développement social comparable à celui de la France, le coût du salaire - charges sociales incluses du conducteur est le premier poste de coût du transport routier de marchandises. C'est la pression à la baisse de ce poste de coût qui permet les plus gros gains de marge bénéficiaire et de baisse du prix du transport. L'un des moyens de pression à la baisse sur ce coût consiste à substituer un conducteur soumis au droit social de l'un des États membres de l'UE à faible niveau de salaires et de charges sociales à un conducteur relevant d'un droit social plus protecteur tel que celui applicable en France. L'activité même du transport, par nature itinérante, permet d'organiser à l'échelle de l'Europe des montages plus ou moins complexes permettant de disposer de conducteurs exclus des systèmes de droit social les plus coûteux. Mis en oeuvre lors de l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans la Communauté économique européenne, ces montages frauduleux n'ont cessé de croître au fur et à mesure de l'entrée de nouveaux États membres dans l'UE qui accroissaient ces différences de coût salarial. Qu'ils soient établis en France ou dans un autre État membre à haut niveau de protection sociale, des grands groupes de transport routier ont ainsi créé des filiales dans des pays de la péninsule ibérique, puis ensuite d'Europe centrale, non pas tant pour organiser des flux de transport international à partir de ces pays que pour recruter des conducteurs routiers aux conditions du droit social local pour ensuite les acheminer en France où ils travaillent par cycles de plusieurs semaines continues, leur travail étant alors organisé depuis la France. Ces conducteurs n'ont alors comme lieu de vie, pendant leur cycle d'activité hors de leur pays de résidence, que la cabine de leur camion. Si l'arsenal législatif et jurisprudentiel en place en France permet de saisir la justice pénale de tels montages frauduleux sur le fondement du travail illégal, c'est au prix de très longues enquêtes qui nécessitent la coordination de tous les services compétents sur l'ensemble du territoire avec parfois la collaboration de services d'autres États membres. Ces fraudes se traduisent par la perte de l'emploi des conducteurs français, par une évasion massive de cotisations sociales au détriment des organismes français de protection sociale, par une perte de recettes fiscales et par l'éviction du marché du transport des entreprises respectueuses du droit social qui ne peuvent proposer à leurs clients des prix de transport aussi bas. Par les effectifs qu'il concerne, l'emploi de conducteur routier est l'un des principaux emplois ouvriers en France. La responsabilité de l'État régulateur est d'assurer la protection contre la concurrence déloyale de plus de 36 000 entreprises de transport routier de marchandises qui contribuent à la formation de près de 4 % du produit intérieur brut (PIB) national. Depuis un an, le Gouvernement est intervenu sur les questions sociales dans le transport routier de marchandises d'une part, au niveau du Conseil des ministres des transports et de la Commission européenne et, d'autre part, au niveau national, de manière coordonnée et interministérielle. Face aux projets de libéralisation du cabotage dans le transport routier de marchandises de la Commission européenne, le Gouvernement français a mis en garde l'exécutif européen de manière très ferme contre les phénomènes inacceptables de concurrence déloyale liés, d'une part, à une application hétérogène de la réglementation européenne existante de la part des États membres et, d'autre part, aux fortes disparités constatées au sein de l'UE en matière sociale et fiscale. Dès le 5 novembre 2012, la position ferme du Gouvernement français a été transmise officiellement à la Commission. A l'occasion du Conseil des ministres des transports du 11 mars 2013, la France, l'Italie, l'Autriche, la Belgique et le Danemark ont présenté, sur initiative française, une position commune suivant laquelle ils ne partageaient pas le dessein de la Commission européenne et considéraient prématuré d'envisager une évolution législative si son objectif devait conduire à ouvrir davantage le marché du transport routier de marchandises, aujourd'hui affecté par de graves dysfonctionnements. Le Gouvernement se réjouit que la position française ait été entendue : la Commission européenne vient d'annoncer qu'elle renonçait à proposer une nouvelle étape de libéralisation du cabotage routier. A droit constant, il faut que la pratique du cabotage garantisse un meilleur niveau de conditions de travail et de conditions de vie aux conducteurs routiers européens. Le règlement 1072/2009 sur les conditions d'exercice de l'activité du transport routier de marchandises prévoit que la directive sur le détachement des travailleurs s'applique aux conducteurs routiers qui font du transport de cabotage. Il en résulte que ces conducteurs doivent se voir appliquer les mêmes conditions de rémunération que les conducteurs de l'État membre dans lequel ils cabotent, dès lors, bien entendu, que ces conditions sont plus favorables que celles de leur pays d'origine. La France veut que soient appliquées les directives européennes qui prévoient concrètement que deux travailleurs qui font le même travail dans le même État membre soient traités également, sans discrimination fondée sur la nationalité. Pour lutter contre ces pratiques frauduleuses qui ont cours depuis de nombreuses années, le Gouvernement a, pour la première fois, inscrit le transport routier de marchandises parmi les secteurs d'activités prioritaires du Plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015. Comme l'a demandé le Premier ministre, et sous la responsabilité de tous les ministres compétents, tous les corps de contrôle vont rassembler leurs expertises, leurs informations et leurs moyens pour lutter ensemble contre les fraudeurs. Les services compétents, et notamment ceux du contrôle des transports terrestres relevant des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), enquêtent sur les systèmes organisés de fraude mis en place en France pour recourir aux services de transporteurs utilisant des véhicules de moins de 3,5 tonnes de poids total autorisé en charge (PTAC) installés hors de nos frontières. Le travail ainsi initié est un travail de longue haleine pour lequel il faut mobiliser toute la chaîne pénale pour que soient rendues des décisions de justice à la hauteur du préjudice subi par la collectivité par ces pratiques de fraude sociale et de concurrence déloyale. Enfin, le dispositif mis en oeuvre pour la collecte et le contrôle de l'écotaxe a pour seuls buts la collecte et le contrôle de cette taxe. Ainsi, la commission nationale informatique et liberté (CNIL) a rappelé dans son avis qu'il ne devait pas être utilisé à d'autres fins. Par ailleurs, les seules données enregistrées dans le système sont les données fiscales, à savoir les franchissements des points de tarification. Ni l'origine ni la destination du trajet ne peuvent être connues. Il serait donc impossible d'utiliser ces données pour le contrôle du respect de l'encadrement communautaire du cabotage.
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