Mme Isabelle Bruneau alerte M. le ministre de l'intérieur sur les atteintes aux droits fondamentaux des migrants, notamment lors des opérations de contrôles réalisées par l'Union européenne ou par un État membre. Plusieurs associations font état de graves atteintes aux libertés fondamentales telles que l'abandon d'embarcations de migrants en détresse ou l'absence d'examen individualisé de leur situation. Il apparaît également que des accords de contrôles migratoires conclus avec des pays ne respectant pas, en pratique, les droits des migrants et des demandeurs d'asile aient été conclus. En l'absence de compte-rendu ou de données publiques, aucun contrôle parlementaire n'est possible. Or des mesures telles que le dépôt annuel d'un rapport sur l'état des lieux précis des opérations de contrôles aux frontières européennes menées par la France ou par un État membre, ou l'organisation d'une audition annuelle, ouverte aux parlementaires, du secrétaire général à l'immigration et à l'intégration, pourraient permettre de renforcer ce contrôle démocratique. Aussi, elle souhaiterait connaître la position du ministre sur ces propositions et, plus largement, savoir comment le ministre envisage de renforcer le contrôle parlementaire sur ces questions.
Le respect des droits fondamentaux est une composante très importante des dispositifs de surveillance et de contrôle aux frontières extérieures, ce qu'a traduit notamment le règlement (UE) n° 1168/2011 du 25 octobre 2011, modifiant le règlement Frontex n° 2007/2004. Ce règlement modificatif a mis en place une stratégie en matière de droits fondamentaux, instituant un mécanisme efficace pour contrôler le respect des droits fondamentaux dans toutes les activités de Frontex, et a créé un Forum consultatif et un Officier des droits fondamentaux. Ce dernier est indépendant (désigné selon ses qualifications et son expérience dans le domaine des droits fondamentaux) et rend directement compte au conseil d'administration (C. A. ) de Frontex et au Forum consultatif des droits fondamentaux. Fin 2012, Mme Inmaculada Arnaez Fernandez a été désignée par le conseil d'administration de Frontex comme officier des droits fondamentaux. Le Forum consultatif assiste le directeur exécutif de l'agence et le C. A. dans les matières concernant les droits fondamentaux, et son rapport d'activités est rendu public tous les ans. Participent au Forum consultatif, le bureau européen d'appui en matière d'asile, l'agence des droits fondamentaux, le haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés et d'autres organisations concernées par les droits fondamentaux. Par ailleurs, chaque opération engagée par Frontex doit respecter des règles clairement établies dans un manuel (un par secteur : aérien, terrestre ou maritime) comprenant un code de bonne conduite. Il s'agit d'un code de déontologie qui vise à promouvoir les valeurs professionnelles fondées sur le principe de la primauté du droit et le respect des droits fondamentaux, et à établir les normes de comportement éthique qui guident toutes les personnes participant à des activités de Frontex. Les États membres et les institutions européennes, dont les agences comme Frontex, ont mis en oeuvre divers moyens pour éviter que ne se reproduisent des tragédies comme celle du 3 octobre 2013, qui a vu le naufrage d'une embarcation comptant plus de 500 migrants à son bord, au large de l'île italienne de Lampedusa, entraînant la mort de près de 400 personnes. Les ministres des États membres de l'Union européenne compétents dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI) ont décidé lors du Conseil JAI du 8 octobre 2013 de créer une « Task Force pour la Méditerranée », dont la présidence et la coordination ont été confiées à la Commission européenne. A l'issue des réunions de la « Task Force », la Commission européenne a publié le 4 décembre 2013 une communication adressée au Parlement européen et au Conseil de l'Union européenne, présentant les actions pouvant être menées pour empêcher de nouveaux drames, telles que la lutte contre le trafic de migrants, contre la traite des êtres humains et la lutte contre la criminalité organisée. Le renforcement de la surveillance des frontières, qui contribue à améliorer le tableau de situation maritime et ainsi à protéger les migrants et leur sauver la vie en Méditerranée, fait également partie des propositions. En outre, la « Task force » a soutenu le principe de l'assistance aux États membres qui font face à de fortes pressions migratoires et la solidarité avec ceux-ci. Les États membres, lors du Conseil JAI du 5 décembre 2013, se sont félicités des actions proposées par la « Task Force ». Lors du Conseil JAI de juin 2014, la Commission devra présenter un bilan permettant de tirer les premières conclusions du plan « Task Force ». Au-delà de ces actions, des moyens juridiques nouveaux sont également en voie d'adoption, un règlement établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l'agence Frontex va être prochainement publié. Ce règlement rappelle le principe de non-refoulement, conformément au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et à la Charte des droits fondamentaux de l'Union. Le sauvetage de la vie des migrants est en outre un domaine régi par des conventions internationales que la France applique pleinement. Concernant les accords de gestion des migrations conclus par la France, il peut être rappelé qu'en tant qu'Etat partie à la Convention européenne des droits de l'Homme, la France respecte de façon pleine et entière les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, et notamment son arrêt Hirsi Jamaa et autres contre Italie du 23 février 2012. En effet, dans cette décision, la Cour a précisé que l'existence de textes internes et la ratification de traités internationaux garantissant le respect des droits fondamentaux ne suffisent pas, à elles seules, à assurer une protection adéquate contre le risque de mauvais traitements lorsque, comme en l'espèce, des sources fiables font état de pratiques des autorités - ou tolérées par celles-ci - manifestement contraires aux principes de la Convention ; les États membres demeurent responsables de veiller à ce que les personnes ne se trouvent pas exposées à un risque réel de subir des traitements contraires à l'article 3 de la Convention en cas de rapatriement, même lorsque, postérieurement à l'entrée en vigueur de la Convention et de ses Protocoles à leur égard, ils ont assumé des engagements découlant de traités. Par ailleurs, le règlement (UE) n° 1052/2013 du 22 octobre 2013 a créé un système européen de surveillance des frontières opérationnel (Eurosur), mis en oeuvre depuis le 2 décembre 2013, qui permet d'améliorer la connaissance de la situation et augmenter la capacité de réaction, pour lutter contre l'immigration illégale et contre la criminalité transfrontalière. Il contribue à assurer la protection de la vie des migrants et à leur sauver la vie. Afin d'informer le Parlement français des actions menées aux frontières extérieures, le rapport annuel au Parlement relatif aux données disponibles concernant les étrangers en France, établi et publié en application de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte une partie sur le contrôle des flux migratoires, notamment le contrôle aux frontières et une sous-partie sur les actions aux frontières extérieures, qui donne notamment des indications sur les opérations Frontex auxquelles la France a participé. En outre, l'agence Frontex publie tous les ans un rapport général, en application de l'article 20-2 a) du règlement Frontex. L'article 25 du même règlement prévoit que le Parlement européen ou le Conseil de l'Union européenne peut inviter le directeur exécutif de l'agence à faire un rapport sur l'exécution de ses tâches, en particulier sur la mise en oeuvre et le suivi de la stratégie en matière de droits fondamentaux. Frontex a également publié un manuel de formation aux droits fondamentaux à l'attention des garde-frontières, accessible sur le site internet de Frontex. Le directeur général des étrangers en France est bien entendu disponible pour se rendre à toute demande d'audition parlementaire, dans la continuité des auditions déjà organisées.
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