M. Richard Ferrand attire l'attention de Mme la ministre du commerce extérieur sur les conséquences des termes de paiement induits par la loi de modernisation de l'économie. Cette loi définit les délais de paiement maximums entre clients et fournisseurs à 45 jours fin de mois ou 60 jours nets. L'utilité de telles obligations est claire lorsqu'elles s'appliquent à des échanges entre entreprises françaises. Néanmoins, la loi ne prévoit pas d'aménagements relatifs aux opérations de commerce international, qui, par définition, peuvent supposer des délais d'acheminement très longs. Les termes de la LME ne sont évidemment pas applicables aux clients étrangers qui se voient proposer des délais de règlement très supérieurs par nos concurrents internationaux. Ceci peut avoir des conséquences majeures pour les entreprises françaises : le risque fiscal, si la DGCCERF considère que les termes de paiements s'appliquent pleinement aux opérations de commerce international par des sociétés françaises dès lors que le transfert de propriété a lieu en France ; la fragilisation de la trésorerie, les sociétés exportatrices étant obligées de financer systématiquement des écarts de plus de 60 jours, ce qui freine leur activité et leur capacité d'investissements ; la remise en cause de l'assurance export en cas de défaillance de l'acheteur si l'assureur-crédit objecte que le sinistre n'entre pas dans le champ du contrat d'assurance à cause de l'imprécision de la loi. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend faire préciser que ces dispositions ne s'appliquent pas aux exportations directes ou indirectes, ce qui conserverait l'esprit de la loi et la contrainte sur le sol français.
Pour déterminer les cas dans lesquels la loi de modernisation de l'économie (LME) s'applique aux opérations internationales, il est nécessaire d'examiner les cas particuliers et l'examen des termes du contrat de vente liant une société de négoce française et un fournisseur ou un client étranger. Le négoce international de marchandises est encadré juridiquement par la convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) du 11 avril 1980. Cette convention s'applique aux contrats de vente de marchandises conclus par des parties ayant leur établissement dans des États différents signataires de cette convention. Sauf exclusion par les parties, les dispositions de cette convention s'appliquent par défaut aux contrats internationaux et se substituent aux règles du droit interne national. Or l'article 59 de cette convention, relatif aux délais de paiement, renvoie à l'application des dispositions contractuelles et ne fixe aucun délai maximum de paiement. Les parties peuvent toutefois expressément exclure l'application de cette convention et décider d'appliquer le droit interne national de l'une ou l'autre des parties quelle soit française ou étrangère. Lorsque les parties soumettent leur contrat au droit français, seule la désignation du droit interne, par exemple à la suite d'un renvoi explicite aux dispositions du code civil ou du code de commerce, permet d'exclure l'application de la CVIM. La difficulté à laquelle se heurtent les entreprises exportatrices françaises lorsqu'elles placent leurs contrats de vente internationaux sous l'empire du droit français, réside dans l'obligation qui leur est faite d'exiger de leurs clients des délais de paiement contraignants, alors que leurs concurrentes étrangères, dont le droit national est plus libéral, peuvent consentir des délais longs à leurs clients. Si les parties ont désigné une loi étrangère comme loi applicable à leur contrat, les dispositions du code de commerce relatives aux délais de paiement, en tant que règle impérative ou de police, peuvent néanmoins s'appliquer dans certains cas, notamment en cas d'abus manifeste ayant été à l'origine d'un préjudice en France. L'application par défaut des règles de la CVIM ou des droits internes étrangers moins contraignants que le droit français permet donc, d'ores et déjà, aux négociants français d'octroyer à leurs clients étrangers des délais de paiement similaires à ceux proposés par leurs concurrents internationaux. L'exemption proposée, excluant du champ d'application de la loi les opérations de commerce international tant directes qu'indirectes pour toutes les entreprises installées sur le sol français, porterait sur tout type de contrat de vente dès lors que la finalité de l'opération serait l'exportation des marchandises par l'acheteur. Le champ de cette dérogation serait donc potentiellement très étendu. Une telle réforme favorable aux entreprises exportatrices se ferait au détriment des fournisseurs français dont les délais de paiement clients s'allongeraient. Cette exemption engendrerait donc un décalage de trésorerie au détriment des fournisseurs industriels français (eux-mêmes potentiellement soumis à des délais fournisseurs plafonnés), dont la santé financière est déjà fragilisée par le contexte économique actuel. L'avantage concurrentiel dont bénéficient certaines entreprises européennes par rapport aux entreprises françaises est atténué depuis le 16 mars dernier. En effet, la directive n° 2011/7/UE du 16 février 2011 relative à la lutte contre les retards de paiement dans les relations commerciales devant être intégralement transposée à cette date, limite en principe les délais de paiement à 60 jours civils en Europe. Or 68,7 % des exportations françaises ont pour destination un pays européen (source INSEE, « exportations et importations de biens de la France dans le monde en 2011 »). Un nouveau dispositif d'exemption sectorielle mettrait en cause les principes de la réforme instaurée par la LME, dont les objectifs de lutte contre les retards de paiement demeurent d'actualité. En effet, la troisième décision du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi est d'établir un plan d'action pour lutter contre l'allongement des délais de paiement. L'observatoire des délais de paiement, dans son rapport 2012, préconise d'exclure toute mesure supplémentaire visant à assouplir (prolongation ou multiplication d'accords dérogatoires) ou à restreindre les principes généraux établis par l'article L. 441-6 du code de commerce. Enfin, une dérogation telle que celle proposée engendrerait une complexité contractuelle importante et une possible réorientation de l'activité vers les professionnels non bénéficiaires de dérogations. En effet, les TPE/PME exportatrices ou qui ont une activité de négoce international pourraient stipuler dans leurs contrats avec leurs fournisseurs français un délai de paiement supérieur au plafond légal, dès lors qu'elles ont une activité de négoce international. Afin de prendre en compte les particularités de la situation de ces entreprises, M. Jean-Hervé Lorenzi, président de l'observatoire des délais de paiement, a été chargé par le ministre de l'économie et des finances et la ministre du commerce extérieur d'une mission en vue d'évaluer l'impact sur les opérations d'exportation et d'importation des entreprises françaises de la mise en oeuvre effective de la contrainte générale sur les délais de paiement que prévoit le projet de loi consommation (présenté à l'Assemblée nationale en juin 2013) à travers un renforcement des contrôles et l'effectivité des sanctions. L'objectif est de proposer des mesures à mettre en oeuvre pour ne pas freiner mais dynamiser le développement international de nos entreprises tout en évitant un affaiblissement de l'objectif général de réduction des délais de paiement. Le rapport de l'observatoire des délais de paiement sur « la situation des entreprises exportatrices face aux dispositions de la loi LME sur les délais de paiement », publié en juillet 2013, précise que les décalages de paiement clients-fournisseurs supportés par les exportateurs étant d'importance variable entre entreprises (selon les pays de destination) et la présence de décalages n'ayant pas de conséquences uniformes sur la structure de financement de ces entreprises, il est difficile de recommander une action par la loi - ou la mise en place de dérogations à la loi - visant les entreprises exportatrices. L'observatoire estime que des outils de financement et de soutien (affacturage, aide publique...) permettraient de soulager les secteurs et les entreprises spécifiquement pénalisés par les décalages de paiement clients-fournisseurs à l'exportation.
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