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Denis Baupin
Question N° 27305 au Ministère de l'écologie


Question soumise le 28 mai 2013

M. Denis Baupin attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le projet de site d'enfouissement de déchets radioactifs CIGEO à Bure (Meuse). L'Autorité de sûreté nucléaire a rendu, mercredi 22 mai 2013, un avis sur le projet porté par l’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, et qui doit être soumis au débat public dès le 23 mai 2013. Cet avis pointe notamment un manque flagrant d'informations et de visibilité quant à l'inventaire des déchets radioactifs qui pourraient faire l'objet d'un stockage. À l'heure actuelle, on ne sait ni quelle quantité de déchets, ni leur durée d'activité sont susceptibles d'être stockés dans le site d'enfouissement proposé. Cet avis de l'ASN modifie profondément l'approche du dossier Cigeo et confirme nombre des questions posées par les écologistes sur ce projet depuis plusieurs années. En outre, le projet est très largement dépendant de la politique énergétique de la France. Or le débat national sur la transition énergétique est en cours, la phase de consultation du conseil national du débat et des citoyens devant s'achever à l'été et le projet de loi être élaboré pour l'automne. Le vote d'une loi de programmation de la politique énergétique est donc prévu au début de l'année 2014. Les décisions qui seront prises sur l'avenir du nucléaire dans le mix électrique français, celui du retraitement et de la filière « MOX » qui accroît la dangerosité des matériaux à stocker, ainsi que sur l'opportunité de l'enfouissement en très grande profondeur de déchets radioactifs ayant une vie longue auront un impact certain sur le dimensionnement et l'opportunité même du projet porté par l'ANDRA. C'est pourquoi il n'apparaît pas opportun de mener ce débat public sur un site de stockage de déchets nucléaires sans avoir de réelle vision du dimensionnement nécessaire des installations que l'on soumet au débat, ni de l'orientation future de la politique énergétique de la France. Ces deux aspects conditionnent totalement le projet. Aussi, il l'interroge sur l'opportunité de tenir un débat public dans ces conditions, et souhaite qu'un moratoire d'au moins trois mois permette qu'une réponse à ces deux interrogations soit apportée avant la tenue d'une phase de concertation.

Réponse émise le 10 décembre 2013

Le projet de centre industriel de stockage géologique (CIGEO) doit répondre aux exigences de la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des déchets radioactifs. Par nature, il s'agit d'un projet séculaire : l'exploitation en est prévue pour un siècle. C'est pourquoi, il est indispensable de laisser de la flexibilité pour l'avenir et, dans le même temps, assumer dès maintenant et au mieux toutes responsabilités vis-à-vis des générations futures. C'est dans cette perspective que le Gouvernement demande à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) de concevoir ce projet de telle manière qu'il puisse prendre en compte les déchets produits et à produire par les installations nucléaires existantes, tout en étant capable de s'adapter aux évolutions futures. Cette flexibilité s'inscrit en cohérence avec la réversibilité exigée par la loi. Une partie substantielle des déchets de l'inventaire retenu par l'ANDRA pour le dimensionnement du projet CIGEO sont déjà produits : 60 % des déchets de moyenne activité à vie longue (MAVL) et 30 % des déchets de haute activité (HA). Pour ces déchets, le besoin d'un stockage, solution la plus sûre et la plus durable sur le long terme, existe déjà. Ces déchets déjà existants rempliraient le plan de charge du stockage au-delà de 2070. L'impact d'un changement de politique énergétique n'aurait de conséquences sur la construction et l'exploitation de CIGEO à proprement parler que dans plusieurs décennies. S'il était décidé de stocker des combustibles usés, ceux-ci ne seraient stockés que vers la fin du siècle seulement. Le dimensionnement du projet CIGEO retient les hypothèses suivantes : - une hypothèse large d'exploitation du parc nucléaire pendant 50 ans, cette hypothèse ne préjugeant pas de la décision de l' État d'autoriser ou non cet allongement de la durée d'exploitation des réacteurs ; - la poursuite du traitement-recyclage des combustibles usés, conformément aux dispositions du code de l'environnement qui indique que la gestion des matières et déchets radioactifs doit viser « la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets, notamment la réduction à la source, par le traitement des combustibles usés » et conformément aux conclusions du Conseil de politique nucléaire du 28 septembre 2013 au cours duquel le Président de la République a confirmé le maintien de la filière du traitement-recyclage. Le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) a réalisé, dans le cadre d'un groupe de travail pluraliste, un travail d'analyse et de synthèse sur l'inventaire du projet CIGEO. Le rapport du HCTISN souligne que l'inventaire retenu par l'ANDRA est clairement défini. Ce rapport est disponible sur le site internet du HCTISN. L'inventaire des déchets futurs peut néanmoins évoluer en fonction de la durée d'exploitation du parc nucléaire et de la politique énergétique. Le projet CIGEO est conçu de manière flexible et modulaire, ce qui se traduit notamment par une construction du projet prévue de manière progressive, tranche par tranche. Il peut évoluer également en fonction des choix faits en matière de traitement des combustibles usés. Dans une démarche prudente et responsable vis-à-vis des générations futures, le Gouvernement a demandé à l'ANDRA d'étudier le stockage direct des combustibles usés, pour assurer que la conception de CIGEO soit compatible avec ce choix s'il était fait à l'avenir. L'ANDRA a d'ailleurs remis fin 2012 son dernier rapport sur le stockage direct des combustibles usés réalisé dans le cadre du PNGMDR. Le dossier que l'ANDRA a soumis au débat public présente l'inventaire de CIGEO suivant différents scénarios contrastés : en cas de sortie du nucléaire après 40 ans d'exploitation du parc, avec abandon du traitement et stockage direct des combustibles usés d'une part, en cas de poursuite du traitement des combustibles usés et des durées d'exploitation du parc allant jusqu'à 60 ans d'autre part. Ces options restent compatibles avec la conception de CIGEO. Conformément à la demande de la Commission nationale du débat public (CNDP), le Gouvernement a demandé à l'ANDRA, EDF et Areva de préciser ces conséquences en tenant compte des quatre scénarios discutés au sein du débat sur la transition énergétique. La modularité et la flexibilité du projet CIGEO, ainsi que les échelles de temps du projet qu'il faut toujours garder à l'esprit, garantissent la possibilité d'adapter le projet en fonction des décisions futures de politique énergétique. L'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) publié le 22 mai conforte cette approche : - il indique que « les principes retenus par l'ANDRA pour établir l'inventaire en tant que donnée d'entrée pour les études de conception sont dans l'ensemble satisfaisants » et demande que « les évolutions potentielles de l'inventaire [soient] présentées aux parties prenantes dans des hypothèses majorantes, en fonction des choix possibles en matière de politique énergétique, en particulier sur la question du stockage de combustibles usés » ; - il appelle à la poursuite des études techniques sur le stockage des combustibles usés, bien qu'ils ne soient pas compris dans l'inventaire. Le Gouvernement sera vigilant à la bonne prise en compte par l'ANDRA des demandes précises de l'ASN, qui n'appelle pas à une remise en cause de la tenue du débat public sur CIGEO.

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