M. Patrick Labaune attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la question de l'équilibre nutritionnel dans les cantines scolaires et sur la menace d'abrogation qui pèse sur deux textes réglementaires en la matière. En effet, le rapport de la mission d'information contre l'inflation normative pointe le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, ainsi que l'arrêté afférant. Les rapporteurs proposent la disparition de ces textes qui mettent en œuvre l'article premier de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010. Cet article dispose notamment que « les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire [...] sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent ». En supprimant cet arrêté et ce décret, la mesure serait vidée de son sens et l'application du principe de l'équilibre nutritionnel laissé à la seule appréciation des gestionnaires. Or l'enquête que vient de mener l'association UFC-Que choisir sur la qualité nutritionnelle des repas servis dans plus de 600 communes et établissements scolaires montre l'impact qu'ont ces textes, puisque les évaluations récoltées par les établissements sont très supérieures à la précédente enquête menée en 2005. Pour autant, 10 % des établissements étudiés n'atteignent pas la moyenne, ce qui démontre la nécessité du maintien de l'obligation réglementaire. Le niveau de détail des textes, critiqué par les rapporteurs, constitue par ailleurs un repère sur l'adaptation des portions à l'âge des enfants. La préconisation du rapport de les remplacer par une brève disposition d'ordre général priverait les collectivités d'un outil de mise en œuvre pratique de la notion d'équilibre nutritionnel, et qui permet également de contrôler les sociétés délégataires dans le cadre de la gestion externalisée. Soucieux du maintien des textes réglementaires relatifs à l'équilibre nutritionnel dans la restauration scolaire, il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les intentions du Gouvernement quant à cette question.
En France, 32,3 % des adultes de 18 ans et plus sont en surpoids et 15 % sont obèses. Ces chiffres importants se retrouvent aussi chez les enfants puisque, selon l'étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007, 14,3 % des enfants sont en surpoids et 3,5 % sont obèses. Six millions d'élèves mangent à la cantine de la maternelle au lycée. Jusqu'en 2010, seule une circulaire interministérielle du 25 juin 2001 édictait des recommandations nutritionnelles pour améliorer la qualité des repas servis en restauration scolaire. Or, en 2007, une enquête de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (devenue ANSES au 1er juillet 2010) portant sur les structures de l'enseignement public du second degré pour les années 2005-2006, a montré que ces recommandations nutritionnelles étaient peu ou mal appliquées. Les déséquilibres nutritionnels des repas servis constatés (apports excessifs en lipides et en glucides simples ajoutés, apports insuffisants en calcium, en oméga 3 et en fer) et l'enjeu de santé publique poursuivi, ont motivé le choix des pouvoirs publics d'établir une norme en la matière. Ainsi, l'article 1er de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche a introduit une disposition législative portant sur la qualité des repas servis en restauration collective, dont en particulier la restauration scolaire. Le décret et l'arrêté précisant ces exigences en restauration scolaire ont été publiés au Journal officiel de la République française le 2 octobre 2011. Ces nouvelles dispositions visent à améliorer la diversité des repas servis aux élèves des écoles, collèges et lycées, tout en garantissant des apports suffisants en fibres, en vitamines, en calcium et en fer, et en limitant les apports en matières grasses et en sucres simples. Ces mesures concourent ainsi aux objectifs de santé publique poursuivis, mais aussi aux objectifs d'éducation à de bonnes habitudes alimentaires et de socialisation des enfants. L'ensemble des acteurs, publics et privés, concernés par les mesures fixées par ces textes (associations d'élus des collectivités, syndicats professionnels de la restauration autogérée et concédée, associations de parents d'élèves, associations de consommateurs, professionnels de santé/nutrition, administrations), a été associé à chaque étape, afin de définir des règles conciliant au plus juste équilibre alimentaire et charges nouvelles pour les opérateurs. De plus, pour faciliter la mise en oeuvre de ces règles par les services de restauration scolaire, le ministère chargé de l'agriculture a mis en place différents outils d'accompagnement : - un dispositif de formation destiné aux petites cantines ; - un dispositif destiné aux services de restauration des établissements du second degré, le programme « Plaisir à la cantine » qui repose sur une formation des cuisiniers ; - une formation expérimentale des personnels de la restauration collective : le certificat de spécialisation « restauration collective », créé en 2011 ; - la prochaine mise à disposition d'outils complémentaires : un logiciel pour aider les collectivités territoriales. Concernant l'application de ces règles, l'examen de grilles de menus de 68 établissements scolaires, mené de manière expérimentale par les inspecteurs chargés du contrôle sanitaire et nutritionnel en 2012, ainsi que l'analyse par des diététiciennes des grilles de menus de 367 établissements servant moins de 120 repas par jour, dans le cadre de la formation « Bien manger dans ma petite cantine » permettent d'avoir une première appréciation de leur mise en oeuvre. Il ressort tout d'abord de ces analyses que les textes rendant obligatoire le respect de règles nutritionnelles ont créé une dynamique sur ce sujet : ainsi, alors que l'étude publiée par l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) en 2007 montrait que la recommandation pré-existante de proposer un laitage à chaque repas n'était pas respectée, l'examen des menus par les inspecteurs des directions départementales chargées de la protection des populations montre que la majorité des établissements respectent désormais ce point. Cependant, des progrès restent à faire, notamment sur le service des crudités, des fruits, de fromages riches en calcium et de plats permettant un apport suffisant en fer. Par ailleurs, l'accompagnement des services de restauration constitue un facteur important de réussite. L'ensemble de ces résultats a d'ailleurs été confirmé par l'étude sur l'équilibre nutritionnel dans les restaurants scolaires de 606 communes et établissements scolaires de France, publiée par UFC-Que Choisir en mars dernier. En synthèse, si la réglementation a d'ores et déjà permis une certaine amélioration de la qualité nutritionnelle des repas servis en restauration scolaire, il existe encore des marges de progrès pour assurer une alimentation équilibrée aux enfants déjeunant à la cantine. Le rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative, remis le 26 mars au Premier ministre par Mrs. Lambert et Boulard dans le cadre du comité interministériel de modernisation de l'action publique (CIMAP), identifie néanmoins ces textes comme devant être abrogés. Conformément aux décisions du CIMAP du 2 avril dernier, une évaluation sera réalisée afin de décider de l'opportunité de la suppression ou de l'allègement de l'ensemble des normes identifiées dans ce rapport. Par ailleurs, le Président de la République a, pendant sa campagne électorale, fixé l'objectif pour la restauration collective publique d'un approvisionnement à hauteur de 40 % en produits locaux issus de toutes les agricultures. Cet objectif nécessite de rapprocher les producteurs locaux de gestionnaires de la restauration collective publique et donc de la restauration scolaire. Des outils ont d'ores et déjà été développés par des collectivités dans ce sens. Le ministre de l'agriculture accompagnera les collectivités pour diffuser ces outils et enclencher une dynamique nationale forte permettant de renforcer les liens de proximité entre la production agricole et les consommateurs au sein des territoires.
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