M. Frédéric Lefebvre attire l'attention de Mme la ministre du commerce extérieur sur les négociations de l'accord de libre-échange entre les États-unis et l'Union européenne et plus particulièrement sur l'exception culturelle. Dans la nuit du 14 au 15 juin 2013, les ministres des différents États membres de l'Union ont décidé d'exclure des champs des négociations de l'accord la culture et les industries culturelles. Toutefois, l'ambassadeur des États-unis auprès de l'UE, William Kennard, a estimé que l'exclusion de l'audiovisuel du champ des négociations pour un accord de libre-échange transatlantique n'était pas vraiment une "exclusion" mais une "réserve". Il lui demande le lui apporter des précisions concrètes sur le contenu de la position européenne, défendue par la France, et qu'il a salué publiquement, sur la place de l'audiovisuel dans le mandat donné à la Commission européenne.
Le mandat de négociation de la commission européenne, adopté le 17 juin 2013 par le conseil pour la négociation du partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement, est clair : les services audiovisuels ne seront pas couverts par le chapitre de l'accord concernant le commerce des services : en d'autres termes, ils seront exclus du chapitre services de l'accord. Ce chapitre est celui dans lequel, traditionnellement, les parties aux accords commerciaux prennent des engagements en matière de libéralisation des services. Si elle a pris de tels engagements pour d'autres services culturels, avec certaines réserves et exceptions, l'Union européenne n'en a jamais accepté en matière de services audiovisuels, en application du principe d'exception culturelle. Le rôle fondamental de la culture dans la société et l'économie justifie que l'Union européenne protège la diversité culturelle, comme il est mentionné au paragraphe 4 de l'article 167 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par ailleurs, l'UE a signé la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Ceci signifie que l'UE est libre de prendre toute mesure de protection de la diversité culturelle dans ses négociations commerciales. Ainsi, dans l'accord de libre-échange avec le Canada, l'exclusion des services audiovisuels prend la forme d'une exclusion explicite dans le texte de l'accord, et non pas d'une réserve de certains Etats membres en annexe de celui-ci. L'offre faite par l'Union européenne dans le cadre du partenariat transatlantique s'inscrit dans ce modèle. L'enjeu est de ne pas limiter la capacité future de l'Union européenne à réguler le secteur audiovisuel, notamment dans sa dimension numérique, quelle que soit la technologie de diffusion utilisée (principe dit de neutralité technologique). Si les Etats membres avaient libéralisé les services audiovisuels lors de la négociation de l'accord général sur le commerce des services à l'OMC en 1994, en ne préservant que des quotas sous la forme d'une réserve, il n'aurait pas été possible en 2010 d'amender la directive télévision sans frontières pour introduire des dispositifs favorisant la production et la diffusion d'oeuvres européennes pour les services de vidéo à la demande. Il est aujourd'hui essentiel que l'Union européenne garde sa marge de manoeuvre en la matière, afin notamment de pouvoir développer les solutions appropriées pour faire contribuer les grands acteurs numériques au financement de la création. Alors que les Etats-Unis souhaitent que les Etats membres de l'Union européenne prennent des engagements de libéralisation des services audiovisuels, et notamment en matière de vidéo à la demande, la commission européenne a écarté ces demandes en application de son mandat. Si leur communication à ce sujet est offensive, les Etats-Unis ont déjà accepté dans le passé que leurs partenaires ne libéralisent pas les services audiovisuels. Ce fut par exemple le cas dans l'ALENA, conclu avec le Mexique et le Canada. La vigilance de la France sur le respect des principes énoncés ci-dessus est et sera constante tout au long des négociations.
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