M. Fabrice Verdier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'interprétation qui doit être faite de la notion de « crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire », posée à l'article 35-I-1° du code des marchés publics. Ce dernier prévoit qu'une offre est susceptible d'être qualifiée comme étant inacceptable dans l'hypothèse où les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. Or aucun texte juridique ne vient à ce jour clarifier ces dispositions. Aussi, il se demande si les « crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire » doivent être entendus comme le montant estimatif du marché, ou si cette notion doit être appréhendée de manière plus globale et représenter l'ensemble des crédits budgétaires votés et affectés au marché dans son ensemble, c'est-à-dire à l'opération. Si les notions de montant estimatif et de crédits budgétaires alloués au marché demeurent intimement liées, il se demande si, à ce titre, elles doivent être interprétées de manière tout à fait similaire. Il lui semble par ailleurs que si le législateur avait souhaité que soit prise en compte l'estimation faite par l'administration aux fins de détecter les offres inacceptables, les dispositions du code la mentionneraient explicitement et sans ambigüité. Dans l'hypothèse où la seconde interprétation, plus globale, devrait primer, il apparaît que la manière même de considérer les « crédits budgétaires alloués au marché » doit être éclaircie. Considérant en effet que le fléchage des crédits ne joue en principe que par type d'opérations et non par lots, il se demande si ce sont effectivement les crédits budgétaires alloués au marché dans son ensemble, c'est-à-dire à l'opération dans sa globalité, qu'il convient de considérer pour détecter une offre inacceptable. En d'autres termes, une offre doit-elle être qualifiée comme étant inacceptable si et seulement si elle ne peut être financée par l'ensemble des crédits budgétaires alloués à l'opération dans son ensemble ? Si cela devait être le cas, qu'en est-il alors si cette offre porte exclusivement sur un lot, que son prix se révèle déraisonnablement plus élevé que celui estimé par le pouvoir adjudicateur de manière sincère et réaliste, mais qu'elle peut être financée au regard de l'ensemble des crédits alloués à l'opération ? Il lui semble que pareille interprétation serait de nature à mettre en péril deux principes fondamentaux de la commande publique que sont l'estimation sincère et réaliste de ses besoins par le pouvoir adjudicateur, et la bonne gestion des deniers publics. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui préciser la teneur de cette notion et de lui en déterminer les modalités d'appréciation.
Outre le cas de l'offre dont l'exécution méconnaitrait la législation en vigueur, l'offre inacceptable est celle dont « les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire » ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer (article 35-I-1° du code des marchés publics). L'expression de « crédits budgétaires alloués au marché » doit être interprétée strictement. Elle ne renvoie ni à la notion de budget annuel dont disposerait l'administration pour l'ensemble de ses achats publics, ni à une opération globale, prise dans son ensemble et tous lots confondus. Au contraire, il revient au pouvoir adjudicateur, pour chaque achat et chaque lot d'un marché de procéder à une estimation sincère et fiable de la prestation voulue et d'y affecter les crédits correspondants. La réalisation de l'objectif de bonne utilisation des deniers publics dépend notamment de ces phases préalables d'évaluation financière des besoins et d'affectation budgétaire réaliste. De l'estimation faite en amont par l'acheteur public découle le montant des crédits budgétaires qu'il entend engager pour une prestation donnée. La notion d'offre inacceptable est liée à la capacité, pour le pouvoir adjudicateur, de financer ou non les prestations objet du marché. Ainsi, une offre peut être déclarée inacceptable parce qu'elle ne peut être financée par la collectivité, mais elle ne pourra être qualifiée automatiquement d'inacceptable si elle s'avère simplement supérieure au montant estimé du marché. Si les crédits budgétaires alloués à un lot permettent de la financer, il n'est pas possible de déclarer inacceptable l'offre arrivée en tête lors du classement final au seul motif que son prix serait jugé excessif. Une telle pratique est illicite : si cette offre est classée en première position, l'acheteur public est tenu de la choisir (voir en ce sens le point 15.1.2 de la circulaire du 14 février 2012 relative au Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics). A titre d'illustration, une offre supérieure de 25 % à l'estimation des services de l'acheteur n'emporte pas systématiquement la qualification d'offre inacceptable (CE, 24 juin 2011, Office public de l'habitat interdépartemental de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines, n° 346665). Par ailleurs, le coût estimatif ne doit pas être fixé de façon irréaliste par le pouvoir adjudicateur, d'une manière ne permettant pas la réussite de l'appel d'offres (CE, 24 novembre 1997, Préfet de Seine et Marne contre OPAC de Meaux, n° 160686). A cet égard, le caractère irréaliste d'un prix ne peut résulter du seul fait que toutes les offres sont supérieures aux estimations faites : il y faut un écart conséquent, de nature à conduire tout gestionnaire responsable à une remise en cause radicale des estimations initiales (Conclusions C. Bergeal sous CE, 24 novembre 1997, Préfet de Seine et Marne contre OPAC de Meaux, n° 160686, Marchés publics-La revue de l'achat public, 1998, n° 301, p. 18-21).
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