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Guy Chambefort
Question N° 36452 au Secrétariat d'état aux sports


Question soumise le 27 août 2013

M. Guy Chambefort attire l'attention de Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative sur l'insécurité juridique créée par les inégalités de traitement des sportifs existant dans l'application des différents régimes de responsabilité civile (RC) aux litiges à caractère sportif. Un sportif involontairement blessé peut obtenir réparation auprès d'un autre sportif sans avoir à prouver la faute de ce dernier lors d'une compétition de squash (CA Colmar 21 octobre 2011), alors qu'un sportif blessé dans le cadre d'une partie de tenir ne pourra obtenir réparation (Civ. 2e, 20 novembre 1968). De même, un sportif de combat blessant un adversaire d'un coup de pied verra sa responsabilité engagée de plein droit s'il porte un chausson de protection ou verra sa responsabilité engagée seulement s'il viole les règles du jeu s'il ne porte pas de chausson de protection. Ces distinctions complexifient la détermination du risque sportif. Cette situation, amplifiée par la judiciarisation de la société, entraîne une hausse massive des primes d'assurances. Au regard de ces éléments, il est demandé quelles sont les actions que le Gouvernement compte prendre afin, d'une part, de mettre fin à l'insécurité juridique et, d'autre part, de faire perdurer les disciplines à matériel, qui sont particulièrement menacées par ces évolutions du droit prétorien entraînant les augmentations de primes d'assurances les plus brusques.

Réponse émise le 24 mars 2015

Si toute activité humaine entraîne des risques, l'activité sportive implique des risques accrus et inhérents à la pratique du sport. Dans le domaine de la responsabilité, cette singularité sportive était traditionnellement prise en compte par la jurisprudence via « la théorie de l'acceptation des risques ». Selon celle-ci, les pratiquants ont connaissance des risques normaux et prévisibles qu'ils encourent en pratiquant leur sport et les ont acceptés. Dès lors ils ne peuvent engager la responsabilité d'un tiers que si ce dernier a commis une faute manifeste consistant en une violation caractérisée d'une règle du sport considéré. Dans un contexte général où la protection des victimes d'accidents corporels est de plus en plus systématiquement recherchée, plusieurs décisions sont venues remettre en cause cette théorie au cours des années 2000, en dépit d'une décision du 29 juin 2007 de la chambre plénière de la cour de cassation la réaffirmant et écartant la responsabilité sans faute des sportifs et de leurs associations. Par un arrêt en date du 4 novembre 2010, la cour de cassation opérait de fait un revirement et réduisait le champ d'application de la théorie des risques acceptés en reconnaissant une responsabilité sans faute du fait des choses, à l'occasion d'un accident impliquant une moto. Les effets de cette décision se sont rapidement fait sentir avec une forte augmentation des primes d'assurance de certaines fédérations (notamment motocyclisme et automobile). Les débats parlementaires intervenus lors de la discussion de la proposition de loi « visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive » ont montré la nécessité d'analyser de manière plus globale cette problématique. C'est dans ce cadre que le rapport prévu par l'article 2 de la loi du 12 mars 2012 a pu être élaboré après que le comité national olympique et sportif français (CNOSF) a exprimé son analyse et ses propositions, elles-mêmes concertées avec les représentants de différentes parties intéressées. Il fait ressortir que l'enjeu peut se décliner en deux volets : - d'une part, il convient de veiller à ce que les pratiquants sportifs, victimes d'accidents à l'occasion de leur pratique, puissent bénéficier, le cas échéant, d'une juste indemnisation leur permettant d'apporter une réponse aux conséquences, parfois dramatiques, engendrées par un accident sportif dans leur vie professionnelle et quotidienne ; - d'autre part, il convient de sécuriser juridiquement et économiquement la situation des fédérations et des organisateurs sportifs. En effet, plus la responsabilité civile d'un sportif ou de son club sera engagée facilement, plus le montant des assurances responsabilités civiles qui doivent obligatoirement être souscrits sera élevé. Dans l'hypothèse où la responsabilité civile d'un pratiquant à l'origine d'un dommage peut être engagée en toutes circonstances, même en l'absence de faute, le coût de l'assurance responsabilité civile augmentera de manière si importante, qu'il y a un risque réel pour qu'il soit trop important pour la fédération ou que celle-ci ne trouve plus aucun assureur acceptant de couvrir les risques de responsabilité civile du sport considéré. Avant finalisation du rapport, les pistes d'évolutions ont récemment été présentées au CNOSF et à des présidents de fédérations et ont reçu leur entier soutien. De même que l'enjeu est double, elles concernent deux axes indissociables : - en premier lieu, afin de sécuriser la situation des fédérations sportives et éviter l'explosion de leurs primes d'assurances responsabilité civile, il serait proposé de consacrer dans la loi la théorie de l'acceptation des risques et d'unifier à partir de cette dernière, l'ensemble des régimes de responsabilité civile délictuelle invocable en matière sportive. - en second lieu et pour que tous les pratiquants soient couverts convenablement en cas d'accident, il serait cohérent de prévoir que tout licencié à une fédération puisse justifier d'une assurance individuelle accident. Ce projet de rapport doit maintenant pouvoir être déposé au Parlement très prochainement. Ses préconisations équilibrées faciliteraient concrètement la poursuite du développement de la pratique sportive dans un cadre sécurisé pour les organisateurs comme pour les pratiquants.

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