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Danielle Auroi
Question N° 36824 au Ministère de l'enseignement supérieur


Question soumise le 10 septembre 2013

Mme Danielle Auroi attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'intérêt de renforcer la pratique de l'allemand dans l'enseignement supérieur. Première langue maternelle en Europe, langue de notre premier partenaire économique et commercial, l'allemand disparaît peu à peu des programmes d'enseignement dès le secondaire et, inévitablement, dans l'enseignement supérieur. Alors que nous fêtons cette année le cinquantième anniversaire du traité de l'Elysée et que le couple franco-allemand est célébré à l'envi de part et d'autre du Rhin, la pratique de la langue allemande décroît, non seulement en tant que première langue étrangère, où elle est extrêmement minoritaire par rapport à la langue anglaise, mais désormais également en tant que seconde langue étrangère, surpassée par l'enseignement de l'espagnol. Malgré l'accroissement des échanges d'étudiants dans le cadre du programme européen Erasmus et malgré de véritables réussites, telles que la création de l'université franco-allemande (UFA) ou la mise en place de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), l'allemand est relégué au second plan, loin derrière l'anglais. À cet égard, l'absence de dispositions renforçant la pratique de la langue allemande dans le récent projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, la suppression de l'allemand des concours d'entrée aux grandes écoles agronomiques et vétérinaires ainsi qu'à l'École de Saint-Cyr, ou encore le fait que 20 % des postes de professeur d'allemand au CAPES n'aient pas été pourvus en 2012 constituent autant de signaux inquiétants d'un recul inexorable de l'allemand au profit de l'anglais et des autres langues étrangères. Elle lui demande dès lors de lui exposer ses propositions pour endiguer le recul de la pratique de l'allemand dans l'enseignement supérieur.

Réponse émise le 3 décembre 2013

La relation franco-allemande s'inscrit dans une histoire riche dont la signature du traité de l'Elysée le 22 janvier 1963 par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer constitue un évènement fondateur. La célébration cette année du 50e anniversaire du traité de l'Elysée, marquée notamment par la réunion d'un conseil des ministres franco-allemand le 22 janvier 2013, souligne l'actualité de cette relation pour la France et l'Allemagne. Dans ce cadre, les gouvernements ont affirmé l'importance majeure de l'apprentissage de la langue du partenaire. Ils ont apporté leur soutien au travail de qualité réalisé par l'office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et l'université franco-allemande (UFA), outil du développement des partenariats entre établissements d'enseignement supérieur des deux pays. L'augmentation du budget de l'UFA ces dernières années illustre la place accordée au renforcement des filières binationales de formation et au développement de la mobilité entre la France et l'Allemagne. L'UFA et l'OFAJ sont par ailleurs impliquées dans le programme « ALL »ES (action pour l'allemand dans l'enseignement supérieur) avec le « deutscher akademischer austauschdienst » [DAAD] et des associations spécialisées pour l'allemand (association des germanistes de l'enseignement supérieur [AGES], association de développement de l'enseignement de l'allemand en France [ADEAF], union des professeurs de langues des grandes écoles [UPLEGESS]). Cette initiative vise notamment à augmenter à court et moyen terme le nombre d'étudiants germanistes dans les universités françaises, à présenter à de futurs étudiants les possibilités d'intégrer l'allemand dans leurs études en soulignant les atouts d'une carrière professionnelle avec l'allemand et promouvoir les échanges entre les deux pays. L'analyse de la mobilité étudiante dans le cadre du programme Erasmus montre l'importance des échanges dans ce domaine : avec plus de 14 000 mobilités en 2011-2012, l'Allemagne est la 3e destination privilégiée par les étudiants français derrière l'Espagne et le Royaume-Uni, tandis que plus de 20 000 étudiants allemands choisissent majoritairement la France, après l'Espagne, pour effectuer une mobilité Erasmus. Les deux projets évoqués relatifs à l'éventuelle suppression de l'allemand aux concours d'entrée dans certaines grandes écoles appellent certaines précisions. 1 - L'organisation des concours d'entrée aux grandes écoles agronomiques et vétérinaires relèvent du ministère de l'agriculture, qui a piloté le chantier de rénovation des épreuves des concours (1re session en 2015). Ce projet consacrait effectivement l'anglais comme unique langue vivante étrangère dans les épreuves des concours A, A TB, B, C et C2, et impliquait la suppression de l'oral facultatif de langue vivante étrangère (LVE) 2, au détriment de l'allemand en particulier. Cette proposition s'expliquait par la demande des écoles, qui jugent l'anglais indispensable, puisque la commission des titres d'ingénieur (CTI) exige que l'obtention du titre d'ingénieur soit conditionnée à l'attestation d'un niveau B2 en langue anglaise et par une volonté d'ouverture sociale, la conférence des grandes écoles ayant conclu, après enquête, au caractère discriminatoire de l'évaluation des langues dans les concours. Cependant les instances consultatives ayant émis un avis défavorable au projet d'arrêté, le ministère de l'agriculture a fait le choix de réintroduire une épreuve de langue facultative à l'écrit, hors anglais. 2 - En ce qui concerne le projet relatif au concours d'entrée à l'école militaire de Saint-Cyr (1re session en 2014), le ministère de la défense a confirmé le projet de suppression de l'allemand aux épreuves écrites du concours mais non aux épreuves orales. La suppression à l'écrit s'explique par la migration, prévue en 2014, du concours de la BCE (banque commune d'épreuves) vers la BEL (banque d'épreuves littéraires). Outre l'alignement sur les épreuves de la BEL, le fait que l'anglais soit la langue officielle de l'OTAN (organisation du traité de l'Atlantique nord) et de l'ONU (organisation des nations unies) a également joué pour l'imposer comme unique langue vivante 1 à l'écrit du concours. L'importance que la France accorde à la langue allemande peut être analysée à l'aune de la place qui lui est réservée dans les établissements d'enseignement supérieur. C'est pourquoi, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) veille particulièrement à ce que la diversité linguistique soit préservée, non seulement dans l'offre de formation des établissements, mais aussi dans les épreuves orales et écrites des examens et concours qui relèvent de son périmètre. Un nombre croissant de postes a été mis au concours de recrutement d'enseignants d'allemand depuis la session de 2009. Le nombre de postes offerts a quasiment triplé en 4 ans. En outre, depuis plusieurs années, de nombreuses universités ont consenti des efforts importants pour accroître le niveau de leurs étudiants en langues étrangères, notamment en allemand. Ainsi, l'introduction du certificat de compétence en langue de l'enseignement supérieur (CLES), pensé par l'enseignement supérieur français lui-même et non par des organismes étrangers, a eu des effets très positifs. Plus de 60 universités et grandes écoles habilitées CLES ont organisé 380 sessions en 2012-2013 pour plus de 28 000 étudiants, et les « exigences CLES » ont globalement poussé vers le haut les enseignements de langues proposés par les universités. En 2012-2013, la langue allemande est 3e au nombre d'inscrits aux sessions CLES (1330 inscrits), derrière l'anglais et l'espagnol mais loin devant l'italien (586 inscrits). Par ailleurs, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche vise dans son article 2 la création de formations dispensées partiellement en langue étrangère. Par conséquent, des formations en langue allemande pourront être proposées dans le cadre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale, ou dans le cadre d'un programme européen. Ces formations seront destinées aux étudiants étrangers comme aux étudiants français. Cette modalité d'internationalisation des formations permettra aux étudiants français qui le souhaitent d'améliorer leurs compétences en langue étrangère au côté de nombreux jeunes non francophones. Enfin, l'augmentation prévisionnelle de l'ordre de 30 % de l'enveloppe budgétaire consacrée aux programmes européens dans le cadre d'Erasmus + permettra la multiplication par deux du nombre de bourses allouées aux fins de mobilités à l'étranger, et contribueront à renforcer la solidité des échanges franco-allemands.

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