M. Guy Delcourt attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquiétude de l'Association nationale des visiteurs de prison (ANVP) sur la problématique et le statut du travail en prison. En effet les visiteurs de prison sont les témoins multiples et quotidiens des conditions de la vie carcérale : cette expérience leur confère une certaine expertise quant à la problématique du travail en prison. Ils sont directement concernés par cette question, s'agissant pour eux de l'application de l'article 1er des statuts de leur association qui a pour but d'aider moralement et matériellement les personnes incarcérées..., pendant la période de détention. Face à la situation des travailleurs détenus exclus du champ de la plupart des dispositions du droit du travail, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour veiller à l'application effective des droits des personnes détenues en particulier le droit du travail.
De façon générale, le développement des activités professionnelles rémunérées en détention constitue une priorité pour la Garde des sceaux. En effet, celles-ci contribuent au maintien des liens avec la société civile, favorisent l'acquisition de qualification professionnelle et garantissent l'indemnisation des victimes. En ce sens, elles participent de la réinsertion sociale des personnes détenues, gage de prévention de la récidive. Toutefois, le travail en détention demeure une question complexe en raison de la nécessité de garantir, dans le même temps, les droits des personnes détenues et la prise en compte des contraintes spécifiques au travail en établissement pénitentiaire (sécurité, qualification parfois très faible des travailleurs, etc.). Ainsi, si des règles exorbitantes du droit commun trouvent à s'appliquer en raison des réalités concrètes du travail au sein d'un établissement pénitentiaire, il n'en demeure pas moins que la Garde des sceaux entend témoigner d'une vigilance particulière quant au respect des droits des personnes détenues en ce domaine. A cet égard, la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, qui a sensiblement modifié les conditions du déroulement de l'activité rémunérée, a constitué une avancée significative. Elle pose des règles connues de chacun, formalise la relation de travail par l'intermédiaire d'un acte d'engagement, et prévoit un système de rémunération horaire. En effet, bien que l'activité rémunérée en établissement pénitentiaire ne fasse pas l'objet d'un contrat de travail, la relation de travail entre la personne détenue et l'administration pénitentiaire bénéficie de règles protectrices, encadrée par un cadre juridique, de sorte que les droits élémentaires de la personne détenue se trouvent préservés et ce, quelle que soit la forme de travail retenue (service général, service de l'emploi pénitentiaire ou concession). Tout d'abord, un acte d'engagement, générateur de droits, est obligatoirement signé au préalable entre les parties. Il précise notamment la durée de l'embauche, la description du poste, la rémunération, la période d'essai, ainsi que les conditions de suspension et de rupture de l'engagement. Cet acte lie tant la personne détenue que l'établissement pénitentiaire. S'agissant du classement à un poste de travail, celui-ci obéit également à des règles strictes visant à garantir les droits de la personne détenue par un examen des candidatures au sein d'une commission pluridisciplinaire unique. De même, la procédure de déclassement répond à des dispositions précises. Ainsi, seules deux hypothèses distinctes de déclassement sont prévues : le déclassement pour motif disciplinaire dès lors qu'une faute est commise lors ou à l'occasion de l'activité ; le déclassement administratif pour incompétence. Dans les deux cas, une procédure contradictoire est mise en oeuvre, la décision portant déclassement, susceptible de recours, devant répondre à l'exigence de motivation. Par ailleurs, l'ensemble des règles d'hygiène et de sécurité définies par le code du travail est applicable au travail pénitentiaire. Le chef d'établissement peut également solliciter les services de l'inspection du travail, pour s'assurer du respect de ces règles. De même, toutes les personnes incarcérées sont obligatoirement affiliées aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale. Les personnes détenues qui travaillent sont également affiliées à la branche vieillesse du régime général de la sécurité sociale, de même qu'à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles du régime général. Enfin, il convient de souligner que l'ensemble de ce dispositif a été récemment validé par le Conseil Constitutionnel saisi à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par décision n° 2013-320/321 du 14 juin 2013, la haute juridiction a déclaré la relation de travail en détention conforme aux normes constitutionnelles. Dans ces conditions, le cadre législatif et règlementaire désormais applicable encadre strictement le travail en détention, tout en préservant un nécessaire équilibre entre la garantie des droits de la personne détenue et la prise en considération des spécificités du cadre carcéral, justifiant des règles exorbitantes du droit du travail. Au-delà des normes juridiques existantes relatives à la relation de travail, la Garde des sceaux a pour ambition d'engager la personne détenue dans un véritable « parcours professionnalisant » pendant sa détention en associant enseignement, lutte contre l'illettrisme, formation professionnelle et travail, afin de lui permettre, à la sortie, d'accéder au marché du travail dans les meilleures conditions. Cette démarche est menée conjointement avec le ministre du travail, le ministre de l'éducation nationale et la ministre déléguée à la réussite éducative pour faire du temps de détention un temps utile, prévenir la récidive et assurer la sécurité de nos concitoyens. Enfin, les services du ministère de la justice en lien avec le ministère du travail, poursuivent leurs travaux afin de parvenir dès que possible à la mise en oeuvre de l'article 33 alinéa 2 de la loi pénitentiaire qui prévoit l'intervention des structures d'insertion par l'activité économique en détention, dont le principe a été rappelé par le Premier ministre dans le plan interministériel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.
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