Mme Geneviève Gosselin-Fleury appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur le chalutage en eau profonde. Cette technique de pêche est apparue dans les années 1990, elle permet d'exploiter les fonds situés entre 400 et 1 000 mètres de profondeur voire 1 200 mètres. Les principaux poissons recherchés sont les grenadiers, les lingues bleues et les sabres noirs, mais à chaque prise, les chalutiers raclent les fonds marins, détruisant de fait des écosystèmes qui ont parfois mis des milliers d'années à se former (récifs coralliens, éponges, monts sous-marins) et entraînant le déclin des faunes marines. De plus, entre 20 % et 40 % des prises sont des espèces non revendues. Cette pratique quoique minoritaire en Europe est pratiquée principalement par trois pays : l'Espagne, le Portugal et la France. En France, neuf navires sont impliqués dans ce type de pêche, six appartenant aux entreprises Intermarché. Début décembre 2013, le Parlement européen doit examiner un projet de réglementation adopté par sa commission pêche dont l'objectif est de limiter ce type de chalutage en eau profonde. Ce projet prévoit également une évaluation scientifique de la situation des espèces et des fonds marins au bout de quatre ans, ainsi qu'une possible révision de la réglementation en cas de dégradation de l'écosystème. Aussi elle lui demande de préciser la position de la France au sujet de la régulation du chalutage en eau profonde.
Il existe depuis 2002 un régime d'encadrement de la pêche des espèces d'eau profonde adopté par l'Union européenne (UE). Ce régime d'encadrement de cette activité a mis en place des quotas de pêche, des limitations de l'effort de pêche, un renforcement des contrôles et un effort de collecte de données pour améliorer la connaissance des stocks halieutiques concernés. Cet encadrement a porté ses fruits s'agissant de la santé des stocks halieutiques. Les stocks de poissons de l'Atlantique nord-est sont évalués, selon un processus strict et rigoureux, par le Conseil international pour l'exploitation de la mer (CIEM), qui est l'organisme scientifique indépendant et compétent pour l'Atlantique nord-est. Il regroupe plus de 4 000 scientifiques provenant d'environ 300 instituts, avec environ 1 600 scientifiques participant annuellement aux travaux. Parmi plus d'une centaine de stocks évalués régulièrement, cet organisme dispose d'une compétence reconnue sur les espèces en eaux profondes. Les derniers avis du CIEM sur ces espèces datent de juin 2012 et ceux-ci sont encourageants, notamment pour le sabre noir (proposition du CIEM d'augmenter les captures de + 114 %), la lingue bleue (+ 107 %) et le grenadier de roche (+ 77 %) qui sont les trois principales espèces exploitées par les pêcheries françaises. Plus généralement, la Commission européenne indiquait le 30 mai dernier au Conseil des ministres de la pêche de l'UE que : « l'état des stocks de poissons dans les eaux atlantiques européennes et les eaux adjacentes continue de s'améliorer. Davantage de stocks sont exploités dans les limites du rendement maximum durable ». Ainsi, 6 % des stocks étaient pêchés durablement en 2005, 28 % en 2010 et 61 % en 2013. Le CIEM vient également de confirmer, le 11 décembre dernier, que le taux d'exploitation (la mortalité par pêche) pour l'ensemble des stocks de poissons a significativement baissé depuis dix ans dans les eaux de l'Atlantique nord-est. L'adoption en 2013 d'une nouvelle politique commune de la pêche permettra de conforter ces progrès afin de parvenir ou de rester à l'objectif de restauration des stocks permettant leur exploitation maximale durable, à savoir l'atteinte du rendement maximum durable (RMD). L'élimination progressive des rejets de poissons fait également partie des objectifs de cette nouvelle politique commune des pêches. Afin d'améliorer encore la gestion des pêcheries des stocks d'eau profonde, un renforcement de l'encadrement règlementaire est en cours de discussion, sur la base d'une proposition présentée par la Commission européenne en juillet 2012. Cette proposition comprend de nombreuses dispositions visant à renforcer l'encadrement de ces pêcheries, dont l'interdiction du chalut et des filets maillants profonds, et à améliorer la connaissance des stocks d'eau profonde. Le Parlement européen, qui est co-législateur avec le Conseil sur ce texte, a effectué un examen très approfondi de la proposition de la Commission européenne et a procédé à de nombreuses auditions. Par l'adoption du rapport de sa Commission pour la pêche le 4 novembre, à l'unanimité moins 4 abstentions, puis par son vote en séance plénière le 10 décembre, le Parlement européen a confirmé le principe de nombreuses propositions de la Commission, affirmant ainsi le besoin de renforcer la protection des écosystèmes marins vulnérables et d'augmenter les connaissances scientifiques. Mais il n'a pas souhaité retenir l'interdiction a priori du chalut profond et du filet maillant profond. Il a souhaité qu'une évaluation du règlement qui serait adopté soit effectuée 4 ans après son entrée en vigueur, sur la base de laquelle une nouvelle proposition pourrait si nécessaire être effectuée en intégrant des dispositions sur les engins. À l'instar du Parlement européen, le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche considère qu'il faut renforcer l'encadrement de la pêche profonde, dans le cadre d'une approche éco-systémique, pour mieux protéger les écosystèmes marins vulnérables, tout en prenant en compte l'impact socio-économique de ces mesures. En effet, cette pêcherie est importante pour la Bretagne (ports de Lorient, Concarneau, Le Guilvinec) et le Nord-Pas-de-Calais (port de Boulogne-sur-Mer). Les navires qui seraient affectés par le règlement proposé, selon les termes de la profondeur et des captures, sont en nombre très important. Ainsi, selon les critères de captures proposés par la Commission européenne appliqués aux données de 2012, qui élargissent le champ d'application du règlement de 2002, en France 641 navires ciblent les espèces profondes et 63 autres navires artisans en capturent de manière accessoire. Selon les critères de capture retenus par le Parlement européen appliqués aux données de 2012, en France 87 navires ciblent les espèces profondes et 44 autres navires artisans en capturent de manière accessoire. Selon le critère de profondeur retenu par le Parlement européen appliqué aux données de 2012, en France 47 navires ciblent les espèces profondes. Par ailleurs, les apports de ces espèces constituent une part non négligeable du chiffre d'affaires des halles à marées concernées (24 % de la valeur des ventes totales à Lorient par exemple). De ce point de vue, accepter une mesure qui viserait à interdire purement et simplement l'utilisation de certains engins et notamment le chalut de fond serait problématique. En outre, une telle mesure n'est recommandée ni par les organisations internationales, ni par les conclusions du projet scientifique européen Deepfishman financé par la Commission européenne à hauteur de 3,7 millions d'euros, et qui a réuni 13 organismes scientifiques. Dans le droit fil de ces conclusions, le Gouvernement plaide pour un gel de l'empreinte écologique en limitant la pêche profonde aux zones actuellement pêchées et pour la mise en place, le cas échéant, de mesures de gestion spatio-temporelles (mesures d'évitement) pour protéger les éventuels écosystèmes marins vulnérables présents dans les zones de pêche. Le vote au Parlement européen est une étape importante. Les discussions vont désormais se dérouler au sein du Conseil des ministres de l'UE. Le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche y participera activement et défendra une approche équilibrée et ambitieuse permettant de mieux connaitre et de mieux encadrer la pêche des stocks d'eau profonde.
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