M. Patrick Vignal interroge M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la mise en œuvre du programme national "Extension raisonnée du plateau continental" (Extraplac). En effet, ce programme porte sur une demande d'extension du plateau continental de la France et des territoires d'outre-mer. Aujourd'hui, la France occupe le deuxième espace maritime du monde avec 11 millions de km² répartis sur tous les océans grâce aux outre-mer, ce qui représente une puissance géostratégique. L'extension de son plateau continental permettrait d'étendre ses droits souverains sur les ressources naturelles du sol et du sous-sol marins sur près de 2 millions de km² supplémentaires. De plus, l'article 76 de la convention de Montego Bay régissant le droit international de la mer permet aux états côtiers d'étendre leur plateau continental au-delà des 200 milles marins, initialement prévus par ladite convention. La France pourrait ainsi se consacrer à l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles de ces espaces nouveaux ce qui lui permettrait d'accéder à des richesses potentielles telles que des hydrocarbures, des sulfures hydrothermaux, des terres rares, des hydrogènes naturels ou encore des ressources biologiques au bénéfice des collectivités ultramarines et des populations. Enfin, cela permettrait la mise en place d'une véritable politique maritime correspondante intégrant les dispositions relatives aux objectifs de protection de la biodiversité comme l'énonce l'article 192 de la convention de Montego Bay ce qui pourrait contribuer à l'avènement d'un nouveau modèle de développement durable, en particulier dans les territoires ultramarins. C'est pourquoi il souhaite savoir si le Gouvernement prévoit de faire usage de cette disposition.
La position du ministère des outre-mer, de manière constante, est de défendre les intérêts des territoires et de permettre la valorisation et la préservation la plus complète possible des droits souverains de la France. C'est en effet grâce à ses outre-mer que la France peut se prévaloir d'une dimension mondiale exceptionnelle en termes d'espaces maritimes. L'intérêt de la démarche d'extension du plateau continental, prévue par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, repose sur la préservation des droits souverains de la France sur les ressources naturelles du sol et du sous-sol marin. Le programme Extraplac, créé en avril 2002 et visant à étudier la faisabilité des demandes françaises et de constituer les dossiers à déposer auprès de la Commission des limites du plateau continental (CLPC), commission spécialisée créée par la Convention de Montego Bay a bénéficié des moyens budgétaires qui ont permis de conduire au mieux des intérêts nationaux, en particulier ceux des outre-mer, sans qu'aucun retard n'ait été enregistré. 1. La CLPC a déjà émis ses recommandations et validé une extension pour les territoires suivants : - extension au large de la Guyane de l'ordre de 76 000 km2, - extension au Sud-ouest de la Nouvelle-Calédonie de l'ordre de76 300 km2, - extension au large des Antilles françaises de 7 408 km2, - extension au large des îles Kerguelen de 425 000 km2. 2. La France est par ailleurs en attente des recommandations de la CLPC quant aux dossiers déposés : - le 6 mai 2009 conjointement avec l'Afrique du Sud concernant l'archipel de Crozet et les Îles du Prince Edouard (archipel Prince-Edouard) ; - le 8 mai 2009 pour l'île de La Réunion et les îles Saint-Paul et Amsterdam ; - le 7 décembre 2012 pour Wallis et Futuna. Le dossier, qui était auparavant une lettre d'information préliminaire, a été converti en demande d'extension et présenté conjointement avec la Nouvelle-Zélande (Tokelau) et Tuvalu. La zone du plateau continental qui constitue la base de la présente demande ne fait l'objet d'aucun différend entre les trois États côtiers. La demande instruite par le CLPC aboutira à la délimitation extérieure commune du plateau continental, à charge ensuite pour la France, la Nouvelle-Zélande et le Tuvalu de fixer la frontière entre eux. Ces trois dossiers ont été présentés à la session plénière de la CLPC à la fin août 2013. L'instruction par la CLPC de ces demandes devrait prendre quelques années en raison de la charge de travail de la Commission ; - La France a déposé le 16 avril 2014 sa demande formelle d'extension du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon alors que le Canada avait déposé son dossier formel le 6 décembre 2013. Ce dossier comporte une forte dimension diplomatique dans la mesure où le secteur susceptible de donner lieu à une extension est aussi revendiqué par le Canada. La zone économique exclusive (ZEE) de Saint-Pierre-et-Miquelon étant enclavée dans la ZEE canadienne, le Canada ne reconnaît pas le droit à l'extension du plateau continental français qui contrecarre ses propres revendications sur une même zone. Le dépôt des dossiers des deux parties, française et canadienne, fait donc apparaître un chevauchement des deux zones d'extension et suscitera des objections de part et d'autres. Elles conduiront vraisemblablement à un blocage de la procédure, la CLPC refusant de se prononcer en cas de différend, renvoyant aux États la recherche de la solution ; celle-ci peut prendre la forme d'un accord entre eux pour que l'examen par la CLPC se poursuive sans préjudice de la solution ou la forme d'un abandon par l'un des deux États de sa demande. 3. La France doit encore faire les démarches nécessaires s'agissant de la Polynésie française : Concernant la Polynésie française, à la demande du ministère des outre-mer, il a été procédé au dépôt en 2009 d'une lettre d'intention annonçant un dépôt ultérieur. Une campagne Polyplac s'est déroulée en septembre 2012 dans la zone Est des Iles Marquises. Cette mission scientifique, menée par l'Institut français de recherche pour l'exploration de la mer (Ifremer), à partir du navire Atalante avait pour objectif de collecter des données scientifiques et d'apporter des preuves de la morphologie du plateau au-delà des 200 miles actuels. Le dossier relatif à la Polynésie française doit encore être étayé à l'aide d'une nouvelle campagne scientifique avant d'être déposé aux Nations Unies. 4. Il existe des territoires pour lesquels aucune extension ne peut être envisagée, soit en raison de la contiguïté de leurs ZEE avec celles d'États voisins ou soit en raison de l'absence des critères scientifiques et techniques permettant de justifier l'extension. Ainsi, aucune extension n'est envisageable pour Saint-Martin, Saint-Barthélemy, et certaines îles Eparses (Glorieuses, Juan de Nova et de Bassas da India) en raison de la contiguïté de leur ZEE avec celles d'États frontaliers. S'agissant de Tromelin, aucun dossier n'a été déposé compte tenu notamment des intérêts écologiques et environnementaux à préserver. Pour Clipperton, aucun dossier n'a été déposé, en raison de l'absence avérée de potentiel d'extension. Par conséquent, la décision fut politique avant tout. Parallèlement d'importants travaux sont menés actuellement par un consortium de scientifiques sur l'exploration/exploitation des grands fonds marins. Cette expertise scientifique constituera la première réalisation du programme national de recherche et d'accès aux ressources minérales des grands fonds marins annoncé par le Premier ministre suite au comité interministériel de la mer du 2 décembre 2013. L'expertise porte sur les grands fonds sous juridiction française ainsi que sur les zones situées au-delà des juridictions françaises et s'articule autour de quatre actions : - Des campagnes d'acquisition des connaissances (ressources minérales, biodiversité) sur le plateau continental français, dans la zone de Wallis et Futuna, ainsi que de Clarion-Clipperton et en zone Atlantique Nord ; - Une expertise scientifique des conséquences environnementales de l'exploration et de l'exploitation des ressources minérales profondes ; - Le développement des technologies d'exploitation et de valorisation des ressources minières respectueuses de la biodiversité, grâce à la mobilisation des financements prévus au titre du volet « programme de soutien à l'innovation majeure » du programme des investissements d'avenir (PIA) ; - Le montage de partenariats public-privés pour la réalisation des campagnes.
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