M. Pascal Cherki attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sur la proposition législative de la Commission européenne visant à mettre fin à des pratiques qui permettent aux grands groupes internationaux d'échapper à l'impôt via des montages subtils autour de filiales. Les PME paient en France un taux d'imposition moyen de 30 %, très proche du taux théorique de 33 %, quand les entreprises du CAC 40 paient un taux moyen de 8 %, et les plus grandes ne paient rien. C'est particulièrement vrai des multinationales américaines comme Apple, Google, Starbuck, Amazon qui ne paient d'impôt sur les sociétés ni en France, ni en Allemagne, ni d'ailleurs aux États-unis. Or ces entreprises ne fraudent pas, elles utilisent toutes les failles du système international. En Europe, ces deux failles sont l'Irlande et les Pays-Bas, qui accueillent la plupart des holdings des sociétés multinationales, dont les entreprises du numérique. Car elles ne taxent pas les revenus qui partent vers les paradis fiscaux, sous forme de redevances de marque ou autre, c'est ce que l'on appelle de l'optimisation fiscale. Ainsi, la Commission européenne a proposé lundi 25 novembre de modifier certaines règles en matière de fiscalité des sociétés afin de réduire sensiblement l'optimisation fiscale en Europe. Le commissaire chargé de la fiscalité entend combler les lacunes de la loi européenne dite « mères-filiales », utilisée par certaines entreprises pour échapper à l'imposition. Il entend renforcer la disposition anti-abus figurant dans la directive « mères-filiales », c'est-à-dire la mesure de protection contre les pratiques fiscales abusives. Il souhaite aussi revoir la directive de manière à ce que certains montages fiscaux spécifiques (dispositifs de prêts hybrides) ne puissent plus bénéficier d'exonérations fiscales. Cette proposition du commissaire doit être soumise aux États membres qui décideront in fine s'ils décident ou non de l'adopter. Aussi, lui demande-t-il si la France entend soutenir cette proposition.
Le gouvernement partage pleinement la préoccupation de l'auteur de la question. En effet, l'évolution de l'économie, marquée notamment par l'internationalisation croissante des activités et le renforcement de l'importance stratégique des actifs immatériels, a fait apparaître des lacunes voire l'inadaptation de certaines règles actuelles de la fiscalité internationale. Les États subissent d'importantes pertes de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés sous l'effet de schémas d'optimisation fiscale qui reposent sur l'exploitation des incohérences entre différentes normes juridiques ou le transfert des bénéfices vers des pays où ils sont plus faiblement taxés. Les distorsions induites nuisent à une concurrence loyale au détriment des petites et moyennes entreprises. La question de l'érosion de l'assiette de l'impôt sur les sociétés est ainsi devenue une priorité politique pour de nombreux pays. Dans ce cadre, en France, les pouvoirs publics ont pris une importante série de mesures au cours des derniers mois. À titre d'illustration, la loi de finances pour 2014 a prévu un dispositif législatif dont l'objectif est de lutter contre les schémas visant à créer artificiellement de l'endettement et à bénéficier d'une double non-imposition. La déduction d'une charge d'intérêt est refusée à l'entreprise débitrice dès lors que le produit correspondant ne se trouve pas ou peu taxé chez l'entreprise créancière. Cette mesure impose une symétrie dans le traitement de la charge et du produit permettant de lutter contre l'optimisation fiscale via des produits hybrides. Au plan international, de même, la France est fortement engagée dans la lutte contre la planification fiscale agressive. D'une part, la France fait partie des États à l'initiative des travaux conduits par l'OCDE pour lutter contre l'érosion des bases d'imposition et les transferts de bénéfices (« base erosion and profits shifting » BEPS). Ces travaux sont fondés sur un plan d'action large et ambitieux comportant 15 axes de travail qui a été endossé par les chefs d'États et de gouvernement du G20 les 5 et 6 septembre 2013 lors du Sommet de Saint-Pétersbourg et doit conduire à des propositions tangibles afin de lutter, en matière de fiscalité des entreprises, contre les schémas abusifs de planification fiscale et les régimes dommageables. D'autre part, au sein de l'Union européenne, la France joue également un rôle moteur afin d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur, en comblant les lacunes fiscales découlant de l'exploitation des différences entre systèmes fiscaux nationaux. À ce titre, elle suscite et encourage les travaux visant à éliminer les cas de double exonération résultant notamment d'entités ou d'instruments hybrides et à renforcer les mesures anti-abus générales et particulières. C'est dans ce contexte que la France soutient dans son principe la proposition de modification de la directive « mères-filiales » qui vise à lutter contre l'érosion des bases fiscales en traitant les cas de double non-imposition consécutives à l'utilisation de prêts hybrides et en insérant une règle anti-abus générale permettant de lutter plus efficacement contre les pratiques de planification fiscale agressive. Elle veillera pendant les travaux techniques, auxquels elle participe activement, à ce que cet objectif soit pleinement pris en compte et proposera le cas échéant des amendements adaptés en ce sens.
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