M. Vincent Burroni attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les modalités de contrôle dont fait l'objet le service public de l'audiovisuel. Dans une de ses dernières déclarations, le président du CSA a annoncé : « Nous allons intensifier notre dialogue : toutes les deux semaines, un représentant de France télévisions sera entendu par le CSA pour discuter de la politique mise en œuvre au sein du groupe ». Cette déclaration vient alourdir la procédure de contrôle dont fait déjà l'objet le service public de l'audiovisuel. La multiplicité de ces contrôles voire leur redondance ne lasse pas d'interroger à plusieurs titres. D'abord sur la pertinence globale du système d'évaluation et de contrôle : soumise au contrôle général de son conseil d'administration, l'entreprise est par ailleurs contrôlée pour l'affectation et l'utilisation des ressources par le Parlement, le ministère des finances et la Cour des comptes. À ces procédures normales s'ajoutent les auditions régulières de l'équipe de direction de France télévisions par les commissions parlementaires. Enfin, désormais, outre le rapport annuel adressé au CSA et la surveillance quotidienne exercée par celui-ci sur les programmes s'ajoutent ces auditions bimensuelles. Devant cette abondance de procédures, il est légitime de s'interroger sur les objectifs spécifiques attribués à chacune d'entre elles, sur leur complémentarité ou leur redondance. Par ailleurs, sans enlever au CSA les pouvoirs que la loi lui a donnés, on peut légitimement s'interroger sur le sens d'auditions très fréquentes qui risquent de transformer cette institution en « super tutelle » de France télévisions, ce qui revient de fait à dessaisir en partie le conseil d'administration. Enfin, le temps consacré par le management de France télévisions à préparer et à participer à toutes ces procédures risque d'absorber une grande part de son énergie et ainsi de créer les conditions d'une transformation à terme de ce que l'on attend d'une direction d'entreprise qui ne sera plus mobilisée sur les enjeux de développement de son outil mais sur son travail de négociateur avec des institutions multiples qui interviennent beaucoup plus en amont des décisions plutôt qu'en aval, ce qui devrait être leur rôle. Au-delà, au regard des procédures de contrôle mises en œuvre dans les autres grands opérateurs de service public audiovisuel européens, le dispositif français apparaît hyper bureaucratique. Ainsi en Allemagne, c'est principalement le conseil d'administration de ZDF et ARD qui assure ce contrôle sur la base de rapports d'activités, de rapports financiers et d'audits très précis. En Angleterre, le contrôle financier est principalement assuré par le Parlement et pour les programmes par l'Ofcom (Office of communications, office indépendant de régulation). Enfin, plus généralement, il est permis de s'interroger sur l'effet indirect de ces multiples procédures sur l'évolution souhaitable de l'entreprise France télévisions. Si l'on souhaite que cette entreprise majeure de l'audiovisuel français développe une véritable logique d'entreprise de service public à partir de missions clairement établies par la loi, il convient de responsabiliser son management, de la laisser définir a priori ses objectifs, de lui laisser les marges de manœuvre nécessaires à la réussite de la mise en œuvre de ses missions en y développant son savoir-faire professionnel et ses compétences et de mettre en place une évaluation a posteriori exigeante, délibérative mais simplifiée. Cette marge de manœuvre créera les conditions de la responsabilisation de l'entreprise publique tout en garantissant le respect du cahier des charges de l'entreprise et le bon usage de l'argent public. Il lui demande si elle compte préciser prochainement les principes de ce système d'évaluation et de contrôle de l'audiovisuel, si elle entend le simplifier en affirmant les principes de confiance a priori et de contrôle a posteriori et plus généralement créer les conditions favorables à la responsabilisation de cette entreprise publique, dimension indispensable d'une modernisation de l'action publique et de ses formes de contrôle.
Les différentes procédures actuelles de contrôle applicables aux sociétés nationales de programme ont chacune leur légitimité propre. La principale instance de gouvernance de la société France Télévisions est naturellement le conseil d'administration de cette société anonyme. Ainsi qu'en dispose l'article 12 de ses statuts, approuvés par le décret no 2009-1263 du 19 octobre 2009, le conseil d'administration (CA) « détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en œuvre ; se saisit, sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d'actionnaires et dans la limite de l'objet social, de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent ; procède aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns ». Ce conseil est assisté dans ses décisions par des comités spécialisés, dont notamment le comité d'audit, le comité stratégique et le comité des engagements. À titre principal, le contrôle de l'activité de la société est donc exercé par ses administrateurs. À l'instar des autres sociétés nationales de programme, le législateur a souhaité garantir l'indépendance de France Télévisions, à la fois par la nomination de son Président par une instance de régulation indépendante, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) mais également par la présence au sein de son CA de parlementaires, de représentants de l'État, de personnalités indépendantes nommées par le CSA et de représentants des salariés. D'importantes missions de service public ont été assignées aux sociétés nationales par le législateur. Elles sont précisées par leurs cahiers des charges, approuvés par décret. Le contrôle effectué par le CSA consiste à vérifier a posteriori si la société se conforme effectivement aux obligations législatives et réglementaires qui lui sont assignées. France Télévisions est de ce point de vue placée dans une situation identique à celle de l'ensemble des services de radio et de télévision, publics et privés. Dans le respect de ces missions de service public, des contrats d'objectifs et de moyens (COM) sont également conclus entre les sociétés nationales de programme et l'État. Avant sa signature et son approbation en conseil d'administration, le COM de France Télévisions est transmis, à l'instar de ceux de Radio France et France Médias Monde, aux commissions parlementaires compétentes et pour avis au CSA. Un rapport annuel sur l'exécution du COM est également présenté aux commissions parlementaires et transmis au CSA pour avis. Enfin, si un régime particulier de contrôle est également mis en œuvre, notamment par la Cour des comptes, s'agissant de l'utilisation de ses ressources par la société France Télévisions, celui-ci se justifie au regard des modalités particulières de financement de cette société, qui font appel aux deniers publics. Les rôles respectifs de l'État, du Parlement et du CSA sont donc très clairs. Afin de remplir au mieux ses missions, ce dernier peut souhaiter intensifier son dialogue avec France Télévisions. Ce dialogue ne peut toutefois s'inscrire que dans le respect des procédures précédemment rappelées.
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