M. Jacques Kossowski attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le coût croissant des OPEX pour les finances publiques. Il semble qu'en 2013, le coût total de ces opérations s'est élevé à plus de 1,2 milliard d'euros alors que la loi de programmation militaire prévoyait une dotation budgétaire de 450 millions. Il est pour le moins anormal que la France soit obligée de financer des opérations militaires de maintien de la paix dans lesquelles elle engage parallèlement ses propres forces sur le terrain. Nos armées risquent d'en subir les conséquences négatives notamment en termes de crédits d'équipements. Le coût de ce type de missions devrait être pris en charge par la communauté internationale. En effet, une solidarité financière s'impose. Il faut que certains pays contribuent pour ceux qui fournissent des hommes et du matériel. La France ne pourrait-elle pas demander la création d'un fonds de financement des OPEX sous mandat soit au sein de l'ONU, soit au sein de l'Union européenne ? Il souhaite savoir s'il compte prendre des initiatives en ce sens.
Les opérations menées sous mandat de l'Organisation des Nations unies (ONU) ou de l'Union européenne (UE) doivent répondre à certaines conditions afin de bénéficier d'une prise en charge financière internationale. S'agissant des opérations de l'ONU, il en existe deux catégories : celles autorisées par le Conseil de sécurité (telles que les opérations « Licorne », « Sangaris », ou la guerre du Golfe de 1990-1991) et celles, identifiées comme opérations de maintien de la paix, qui sont pour leur part mandatées par l'ONU et conduites par les forces mises à sa disposition. Seules ces dernières sont prises en charge sur le budget des Nations unies. En effet, la résolution 1874 (S-IV) de l'ONU du 27 juin 1963 dispose que « tous les Etats membres sont collectivement responsables du financement de ces opérations » (contrairement aux dispositifs budgétaires de l'OTAN ou de l'UE dans lesquels les opérations de maintien de la paix sont financées uniquement par les États participants aux opérations). Cette contribution obligatoire des Etats au budget des opérations de maintien de la paix de l'ONU est fixée selon le même système de quotes-parts que celui adopté lors de l'élaboration du budget ordinaire des Nations unies, avec cependant une contribution complémentaire de 2 % pour les États membres permanents du Conseil de sécurité, au titre de leurs responsabilités particulières en matière de maintien de la paix et de sécurité internationale. En outre, l'ONU a mis en place un système de remboursement aux Etats contributeurs sur la base d'un barème préétabli. Ainsi, la mise à disposition de militaires auprès de l'ONU par un État membre ouvre droit à une compensation appelée « troop cost », reversée a posteriori aux budgets des Etats et calculée sur la base d'un forfait de 1101 dollars par homme et par mois. En revanche, la mise à disposition de policiers et d'observateurs militaires donne lieu, pour sa part, à une indemnisation mensuelle dénommée « Mission Subsistence Allowance », directement versée aux hommes et aux femmes que les Nations unies emploient. Son montant varie en fonction des pays où ces catégories de personnel sont déployées. Ne disposant pas d'équipements militaires en propre, l'ONU loue du matériel militaire à ses Etats membres. Le dispositif de remboursement des matériels mis à sa disposition par les pays contributeurs respecte un mécanisme régi par le « Contingent Owned Equipment », selon lequel plus un matériel est lourd, rare et cher (véhicules blindés, chars de combat, balayeuse de piste d'aviation, génie, radars sophistiqués...), plus son taux de remboursement est élevé, incitant ainsi les Etats à fournir leurs capacités critiques. Enfin, dans le cadre strict d'une opération de maintien de la paix existante, des « trust funds » (fonds fiduciaires alimentés par des dons récoltés en conférences internationales de donateurs) peuvent être créés pour acheter des équipements d'intervention ou élever le niveau capacitaire de certaines armées. A ce jour, la seule exception autorisée à ce dispositif concerne la Mission de soutien à la paix de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) qui, bien que n'étant pas une opération de maintien de la paix au sens strict, bénéficie d'un déploiement logistique pris en charge sur le budget des opérations de maintien de la paix de l'ONU. En revanche, aucun consensus n'a été trouvé au sein des Nations unies sur l'opportunité d'un financement par contributions obligatoires, même temporaire, du déploiement des missions de l'Union africaine au Mali (MISMA) et en Centrafrique (MISCA). Dans ces conditions, il demeure peu probable qu'une proposition de financement ad hoc d'une force parallèle déployée par un État, a fortiori par un État membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations-Unies comme la France, puisse être adoptée au sein de l'ONU. S'agissant de l'Union européenne (UE), toutes les actions conduites à ce jour sous son mandat l'ont été dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), régie par les dispositions de l'article 42 du traité sur l'UE (TUE). Dans le cadre des opérations et missions menées au titre de la PSDC, il convient de distinguer les actions civiles des actions militaires. En ce qui concerne les actions civiles, celles-ci sont intégralement financées par le budget communautaire de politique étrangère et de sécurité commune (PESC), géré par la Commission, voté par le Parlement, et dont l'utilisation est décidée par le Conseil. Seules les dépenses liées à la solde ou au traitement des agents nationaux détachés restent à la charge des Etats membres. S'agissant des actions militaires, le mécanisme budgétaire européen « Athéna » permet de couvrir les coûts communs engagés par les Etats membres selon une clé de répartition établie en fonction de leurs produits intérieurs bruts respectifs. Ce dispositif ne couvre cependant qu'une partie du coût total d'une opération militaire (environ 10%), le reste demeurant à la charge exclusive des Etats participants. Dans le cadre de ce mécanisme, la quote-part de la France varie entre 16 à 17 % selon les années. La décision n° 2004/197/PESC du 23 février 2004 définit le périmètre du financement des opérations : l'annexe I énumère les coûts communs pris en charge par le mécanisme « Athéna », quel que soit le moment où ceux-ci sont encourus (certains frais de mission, frais liés au stockage de matériels...) ; l'annexe II traite des coûts communs pris en charge au titre de la phase préparatoire de l'opération ; enfin, l'annexe III détaille les coûts communs pouvant être pris en charge au titre de la phase active de l'opération (établissement des quartiers généraux, coûts des transports, salaires du personnel engagé sur place...). En outre, un « fonds de lancement » destiné à couvrir les dépenses liées à la préparation d'une opération de la PSDC, notamment lorsque celles-ci ne sont pas prises en compte par un dispositif instauré par la Commission européenne, avait été prévu par le Traité de Lisbonne (article 41 du TUE). Toutefois, sa mise en oeuvre n'a pas, à ce jour, encore donné lieu à un consensus entre Etats membres. En revanche, les articles 25 et 26 de la décision du 23 février 2004 incluent une procédure de préfinancement d'urgence, appelée « early financing », destinée à faire face aux dépenses liées à une intervention rapide de l'UE. Des révisions périodiques du mécanisme « Athéna » permettent aux Etats membres de redéfinir régulièrement les coûts qui peuvent être pris en charge par ce dispositif. La prochaine révision est prévue pour le second semestre 2014 et sera menée sous présidence italienne. Par ailleurs, conformément aux conclusions du Conseil européen du 19 et 20 décembre 2013, le Service européen d'action extérieure (SEAE) a publié un rapport présentant plusieurs options visant à améliorer le financement des missions et opérations menées dans le cadre de la PSDC, parmi lesquelles, un élargissement du champ des coûts communs et une prise en charge collective des missions de formation. L'enjeu du financement des opérations militaires menées par l'UE réside donc dans l'amélioration des mécanismes actuels. Dans cette perspective, la France continuera de plaider pour que la solidarité financière entre l'ensemble des Etats membres soit maintenue comme principe moteur des actions conduites dans le cadre de la PSDC, et pour une prise en charge accrue des dépenses communes.
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