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Marie-Noëlle Battistel
Question N° 53842 au Ministère des affaires sociales


Question soumise le 15 avril 2014

Mme Marie-Noëlle Battistel attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la situation de la filière sang en France. Elle est aujourd'hui confrontée à trois principaux problèmes. L'Établissement français du sang (EFS) a le monopole de la collecte de sang, de plasma et de plaquette et de la commercialisation des produits sanguins labiles (PSL) en France, tandis que le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), quant à lui, est soumis à la concurrence européenne et internationale dans la commercialisation des médicaments dérivés du sang (MDS). Aujourd'hui, le LFB perd régulièrement des parts de marché face à ces concurrents européens, ce qui fragilise, de fait, l'EFS qui est son premier fournisseur de plasma. Le manque de stratégie ambitieuse au niveau international a déjà été souligné par le rapport relatif à la filière sang rédigé par M. Olivier Veran. Il proposait alors un meilleur pilotage pour réorienter cette industrie vers plus d'efficacité tout en conservant la sécurité du donneur jusqu'au receveur. Il indiquait également que l'EFS pourrait éventuellement vendre à d'autres laboratoires pour éviter d'être fragilisé par la mauvaise situation du LFB. De plus, un récent arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 13 mars 2014, suite à un renvoi préjudiciel du Conseil d'État le 26 octobre 2013, risque à son tour de fragiliser un peu plus l'EFS. Cette affaire opposait Octapharma France à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et au ministère des affaires sociales et de la santé à propos de la requalification du plasma frais congelé traité par solvant-détergent (PFC-SD) en MDS. La Cour en donnant raison à Octapharma a mis fin au monopole de l'EFS dans la commercialisation du plasma frais congelé. Pourtant celui-ci n'est pas véritablement un MDS vu qu'il n'a pas suivi un processus de transformation industrielle. Cette décision ouvre, cependant, la possibilité d'une action de l'État étant donné qu'il est précisé que la directive n° 2002-98 « permet le maintien ou l'introduction de dispositions nationales soumettant le plasma dans la production duquel intervient un processus industriel à un régime plus rigoureux que celui auquel sont soumis les médicaments uniquement en ce qui concerne sa collecte et son contrôle ». En plus, des problèmes économiques, la filière est aujourd'hui confrontée à un problème éthique. La concurrence internationale oppose deux modèles du don, celui de l'indemnisation et celui de la gratuité. En France, ce sont 1,7 million de donneurs qui font vivre cette filière chaque année. Le législateur en consacrant le principe de non-commercialisation du corps humain dans la loi a affirmé que le don du sang est un geste volontaire et non rémunéré. Néanmoins, aujourd'hui certains produits sanguins provenant d'autres pays sont issus de dons rémunérés. Cela pose problème car une partie du plasma utilisé en France ne respecte pas l'éthique imposée par le législateur aux donneurs du territoire français. Elle souhaiterait savoir les mesures envisagées par le Gouvernement pour renforcer la filière sang en France dans le cadre concurrentiel et réglementaire européen, tout en conservant les principes éthiques fondateurs de ce secteur.

Réponse émise le 10 mars 2015

L'article 71 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2015 a pour objectif de mettre en conformité le droit français à la suite des arrêts de la Cour de Justice de l'Union européenne et du Conseil d'État qui ont requalifié le plasma sécurisé par solvant-détergent (dit plasma SD), considéré jusqu'à ce jour comme un produit sanguin labile, en médicament. L'arrêt du Conseil d'État ne laissant que jusqu'au 31 janvier 2015 pour permettre les adaptations nécessaires à cette requalification, le Gouvernement a proposé un dispositif permettant d'assurer dès cette date un haut niveau de sécurité pour les patients transfusés. Il est en effet impératif de garantir un système intégrant en toute sécurité des produits transfusionnels de statuts juridiques différents qui, sans modification de la législation, emprunteraient des circuits distincts de distribution et de délivrance jusqu'au lit du patient. Sans cette mesure, le plasma SD serait arrivé directement dans les pharmacies à usage intérieur des hôpitaux qui ne disposent pas encore des équipements nécessaires à la conservation et à la délivrance de ce produit et dont les personnels n'ont pas encore été formés à ce type de produit. Le danger que nous devons parer aujourd'hui est de désorganiser, du jour au lendemain, la délivrance des produits transfusionnels, désorganisation qui pourrait conduire à des retards de transfusion voire à des accidents plus graves. Par ailleurs, sans ces dispositions, il n'aurait pas été pas possible d'assurer un double suivi de ce plasma en pharmacovigilance et en hémovigilance, ce qui pourrait être préjudiciable à la sécurité de la chaîne transfusionnelle et à celle des patients. La mesure présentée par le gouvernement n'est absolument pas le signe d'un changement de conviction sur les grands principes qui régissent la transfusion sanguine en France. La France reste plus que jamais attachée aux grands principes d'organisation de la filière de la transfusion sanguine que sont la sécurité sanitaire, l'autosuffisance, le don éthique, bénévole, anonyme et non rémunéré, et la séparation entre le collecteur et le fractionneur. Par ailleurs, le monopole de l'établissement français du sang (EFS) sur la collecte des produits sanguins labiles en France n'est absolument pas remis en cause par cette mesure. L'EFS continuera ainsi à produire, distribuer et délivrer des plasmas transfusionnels et tous les autres produits sanguins labiles ; seul le plasma SD pourra être commercialisé par des laboratoires pharmaceutiques, sous réserve d'obtenir les autorisations prescrites par la loi. Enfin, il convient de souligner que des règles existent en France régissant les médicaments dérivés du sang afin de soutenir la promotion de médicaments d'origine éthique. Déjà aujourd'hui, nos règles nationales d'autorisation de mise sur le marché imposent le principe de l'origine éthique du plasma ; demain, le label éthique viendra encore renforcer la promotion de ces médicaments éthiques. Le plasma SD ne dérogera pas à ces règles.

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