M. Xavier Breton attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés posées par l'application de nuances politiques dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants. Les milliers de candidats des 6 765 communes de 1 000 à 3 500 habitants qui ont déposé, pour la première fois, leur liste en préfecture ont découvert avec stupéfaction la liste d'informations partisanes qu'il leur a été demandé de remplir sous couvert de fichage administratif. Relayant l'émotion rencontrée dans tous les territoires, l'Association des maires de France a souligné que « dans bon nombre de petites communes rurales, les candidats s'engagent en faveur de listes d'intérêt local, sans considérations politiques ou partisanes, avec pour seule ambition d'oeuvrer pour le bien commun de leur territoire et de ses habitants ». L'Association des maires ruraux de France a, ni plus ni moins, dénoncé des « méthodes du type de celles des renseignements généraux ». Les préfets ont imposé cette classification des listes et des élus alors que les articles L. 255-4 et L. 265 du code électoral ne prévoient pas celle-ci lors des déclarations de candidatures aux municipales. Ils ont appliqué strictement un décret au lieu de s'en tenir à l'esprit de la loi. En effet, le décret n° 2001-777 du 30 août 2001 prévoit la création d'un « fichier des élus » et, pour ce faire, l'article 5 prévoit notamment que les candidats aux municipales dans les villes de plus de 3 500 habitants attribuent une « étiquette » à leur liste - c'est-à-dire la formation politique à laquelle ils se rattachent - tandis que la préfecture a le devoir de lui affecter, une « nuance » s'ils ne le font pas eux-mêmes, c'est-à-dire le courant de pensée politique auquel ils se rattachent. Or l'article 24 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, a abaissé le seuil de la proportionnelle pour les élections municipales de 3 500 à 1 000 habitants. D'autre part, l'article 25 de la même loi oblige au dépôt de toutes les candidatures en préfecture, quelle que soit la strate des communes. Ces deux dispositions combinées à la rédaction du décret du 30 août 2001 - qui ne concernait, initialement, que les communes de plus de 3 500 habitants - obligent donc les préfets à procéder à un fichage aussi absurde qu'inutile dans ces communes où les notions d'étiquettes et de nuances politiques n'ont aucun sens puisque la très grande majorité des listes est composée de personnes de tous horizons dont la seule ambition est de s'investir au service de leurs concitoyens. Cela est d'autant plus contraire à l'esprit de la loi que les travaux parlementaires, notamment au Sénat, avaient affirmé avec clarté que l'objectif de l'abaissement de la proportionnelle à 1 000 habitants n'était en aucun cas de politiser le scrutin dans les petites communes, mais simplement de donner de la cohérence aux équipes municipales élues. En conséquence, la stricte application de ce décret engendre les dispositions suivantes : le candidat indique son étiquette politique s'il en a reçu une ; le candidat choisit une nuance politique parmi celles proposées dans une grille listant les nuances et les partis politiques se rattachant à chacune d'entre elles ; la préfecture valide ou corrige, purement et simplement, cette nuance en fonction de sa propre appréciation (le candidat pouvant porter une réclamation pour faire corriger la nuance qui lui a été attribuée, sans obligation pour la préfecture d'en tenir compte). Il va de soi que les préfets exercent cette responsabilité avec intégrité et objectivité. Pour autant, quelle que soit leur diligence pour classer avec le plus de précision possible des élus et des listes dans des cases prédéfinies, ils se sont heurtés à l'impossibilité de rendre compte de ces étiquettes et nuances parce qu'elles ne recoupent aucune réalité locale. Cet excès de procédure soulève deux problèmes distincts mais se conjuguant. En premier lieu, ne figure pas sur la grille des nuances la mention « sans étiquette ». En effet, outre les différentes appartenances à des mouvements ou partis politiques, seule une case libellée « liste divers » peut s'y apparenter. Or cette dénomination regroupe un catalogue de mouvements tels que le parti Blanc, le parti Pirate, le Parti d'en rire, en passant par des partis revendiquant une confession religieuse ou le parti Homme-nature-animaux... Cela n'est pas satisfaisant car il y a une différence fondamentale entre la plupart des listes des petites communes qui se définissent « sans étiquette » - et qui associent des femmes et des hommes de toutes sensibilités politiques ou philosophiques animés par la volonté de s'investir au service de leur commune et de leurs administrés - et des listes « divers ». Les premières n'ont pas de sensibilité politique revendiquée. Les secondes en ont une, même si elle est marginale, voire originale pour certaines d'entre elles. Il convient donc de permettre aux candidats de présenter des listes « sans étiquette » par distinction avec la nuance fourre-tout des « listes divers ». En second lieu, l'obligation faite aux préfets de corriger les nuances présentées par les candidats en fonction de leur propre appréciation se heurte aux réalités locales puisqu'il est généralement absolument impossible d'identifier clairement ces nuances pour une grande majorité de ces élus. Il est donc nécessaire de supprimer l'obligation faite aux préfets d'attribuer des nuances aux listes, aux maires et aux conseillers intercommunaux élus dans les communes de moins de 3 500 habitants, dès lors que les candidats ne revendiquent pas eux-mêmes une telle nuance. Dans cette strate de communes, les candidats doivent être assurés que leur nuance « sans étiquette » sera respectée. Étant donné que l'obligation de présenter, le cas échéant, une étiquette et, en toutes circonstances, une nuance pour les candidats ne résulte pas de la loi mais du règlement, il aurait suffi d'une modification du décret du 30 août 2001 pour que la raison l'emporte. Mais tel n'a pas été l'état d'esprit du ministre de l'intérieur de l'époque qui, dans une réponse du 28 février 2014 à la lettre du président de l'Association des maires de France, a clairement balayé d'un revers de la main les inquiétudes et observations légitimes des maires des petites communes en affirmant que la grille des nuances utilisée par l'administration « intègre une nuance "divers" qui a vocation à rassembler toutes les listes et tous les candidats qui ne manifestent pas d'engagement politique ». C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir lui indiquer sa position sur ces deux points : permettre aux candidats de présenter des listes « sans étiquette » distinctes des « listes divers », supprimer l'obligation faite aux préfets d'attribuer des nuances dans les communes de moins de 3 500 habitants, dès lors que les candidats ne revendiquent pas eux-mêmes une telle nuance.
Une étiquette politique correspond à la sensibilité politique d'un candidat ou d'une liste de candidats et est totalement laissée à la discrétion du candidat. Il n'existe d'ailleurs aucune liste des étiquettes. Ainsi peut-elle faire référence à un parti politique, à une commune ou encore au nom du candidat. Un candidat peut enfin se déclarer « sans étiquette ». L'étiquette est ainsi à distinguer de la nuance politique attribuée par les services de l'Etat notamment à des fins d'études en application de la délibération n° 2013-406 du 19 décembre 2013 de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés. Cette attribution est faite sur la base des listes des nuances politiques qui sont transmises aux candidats lors du dépôt de leur candidature, et qui comprennent notamment la nuance « divers ». L'attribution des nuances se fait dans un cadre juridique très strict défini par la délibération précitée qui a complété le décret du 30 août 2001. La commission a ainsi considéré que « les données traitées sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ». Les services du ministère de l'intérieur recueillent lors du dépôt de candidature les déclarations des candidats ou des listes de candidats qui constituent l'un des éléments à prendre en compte lors de l'attribution d'une nuance. En outre, conformément à la délibération du 19 décembre 2013 précitée, les candidats disposent d'un droit d'accès et de rectification de la nuance qui leur est attribuée. Aux élections municipales les nuances ne sont attribuées qu'aux candidats dans les communes dont les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à la proportionnelle. La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ayant abaissé le seuil du scrutin de liste pour le rendre applicable dans les communes de 1 000 habitants et plus, c'est la première fois, lors des élections municipales de 2014, que les candidats dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants se sont vus attribuer une nuance politique. Dans 59 % de ces communes, au moins deux listes de candidats se sont présentées lors des dernières élections municipales attestant d'un véritable débat politique qui justifie une analyse de l'évolution des tendances politiques. Aussi, le gouvernement ne souhaite-t-il pas remettre en cause l'attribution de nuances dans les communes où s'applique le scrutin proportionnel. Lors de l'examen le 17 juin par le Sénat de la proposition de loi dont le premier signataire était M. Jean-Claude Carle, le gouvernement avait en revanche fait des propositions visant à éviter que l'attribution d'une nuance n'interfère avec le débat préélectoral.
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