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Fanélie Carrey-Conte
Question N° 5648 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 2 octobre 2012

Mme Fanélie Carrey-Conte attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les rassemblements d'intégristes catholiques devant les centres IVG. Dans le vingtième arrondissement de Paris, l'association « SOS Tout-petits » appelle chaque mois à des manifestations devant l'hôpital Tenon pour demander la fermeture du centre IVG. Si la liberté de manifester est un droit garanti par la Constitution, ces rassemblements créent un trouble manifeste à l'ordre public. En effet, non seulement ces manifestations constituent une entrave à l'IVG, ce qui est un délit depuis la loi Neiertz du 27 janvier 1993 mais elles perturbent la vie du quartier en suscitant des tensions croissantes entre les intégristes et les défenseurs du droit des femmes à disposer de leur corps. En conséquence, elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour mettre fin à ces rassemblements.

Réponse émise le 18 décembre 2012

Dans sa décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle à la liberté de manifestation, en se référant au « droit d'expression collective des idées et des opinions ». De même, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protège les libertés d'expression et de réunion, aux termes de ses articles 10 et 11. La Cour européenne des droits de l'homme distingue entre, d'une part, la consécration de la liberté d'expression « au sein du paragraphe premier de l'article 10 » comme « l'un des fondements essentiels de la société démocratique et l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun » et, d'autre part, les restrictions de cette liberté prévues au paragraphe second de l'article 10. Et, selon elle, ces restrictions « appell[ent] une interprétation étroite », en particulier « dans le domaine du discours politique ou de questions d'intérêt général » (Cour EDH, 3e Sect. 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, Req. n° 2034/07 ; Cour EDH, 2e Sect. 11 janvier 2011, Barata Monteiro Da Costa Nogueira et PatCarxedcio Pereira c. Portugal, Req. n° 4035/08). La Cour énonce également des exigences de stricte proportionnalité au sujet de la liberté de manifestation, « la protection des opinions et de la liberté de les exprimer constitu[ant] l'un des objectifs de la liberté de réunion et d'association consacrée par l'article 11 », fidèle au principe de « libre expression par la parole, le geste ou même le silence, des opinions de personnes réunies dans la rue ou en d'autres lieux publics. Toutefois, si les symboles, discours ou "termes choquant et offensants" ou "inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population" bénéficient d'une protection au nom de la liberté d'expression (Cour EDH, 2e Sect. 3 février 2009, Women On Waves et autres c. Portugal, Req. n° 31276/05, § 42), il n'en va pas de même des "comportements représentant un danger pour la société" et qui, à ce titre, "ne méritent pas d'être tolérés dans une société démocratique". L'encadrement de ces libertés, doit donc être strictement proportionné aux nécessités de l'ordre public. C'est dans le respect de ces principes que le code de la sécurité intérieure dispose que, si toute manifestation est libre, elle doit néanmoins faire l'objet d'une déclaration préalable (articles L. 211-1 et L. 211-2) et ne pas troubler l'ordre public, sous peine d'être interdite (article L. 211-4). En outre, l'article 431-9 du code pénal punit de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros le fait d'avoir organisé une manifestation sur la voie publique sans avoir effectué de déclaration préalable ou en dépit d'une interdiction. Lorsque cela était nécessaire, les manifestations organisées par l'association "SOS les tout-petits" ont déjà été interdites par le passé, sous le contrôle du juge (CE, 25 juin 2003, req. n° 223444). En effet, comme vous l'énoncez, il en va ainsi lorsqu'elles troublent la tranquillité publique et constituent des entraves à la possibilité pour "la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse [qu'elle puisse] demander à un médecin l'interruption de sa grossesse" (article L. 2212-1 du code de la santé publique). Or toute tentative d'empêcher des interruptions volontaires de grossesses, notamment en perturbant l'accès d'un centre hospitalier ou en exerçant des actes d'intimidation, est passible d'une sanction pénale de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, aux termes de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique. Les services du ministère de l'intérieur sont donc attentifs à prévenir toute atteinte grave à l'ordre public afin qu'il ne soit pas fait un usage abusif des libertés d'expression et de manifestation.

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