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Jean-Louis Gagnaire
Question N° 57400 au Ministère de l'économie


Question soumise le 17 juin 2014

M. Jean-Louis Gagnaire attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sur la question du statut des dirigeants de SCOP. En effet, si l'article 17 de la loi du 19 juillet 1978 portant statut des SCOP assimile les gérants, les directeurs généraux, les présidents du conseil d'administration et les membres du directoire à des salariés lorsqu'ils perçoivent une rémunération de la société au titre de leurs fonctions, il permet cette assimilation sous la condition qu'ils ne sont pas déjà rémunérés à un autre titre. Cette situation d'assimilation recouvre ainsi deux cas de figure principalement : une personne vient d'intégrer une SCOP à la seule fin d'y exercer un mandat social de dirigeant et a été désignée par l'assemblée générale (SCOP ARL) ou le conseil d'administration (SCOP SA) ; une personne vient d'être désignée en qualité de dirigeant et le contrat de travail dont elle était titulaire précédemment a fait l'objet d'une suspension expresse (les effets du contrat de travail sont suspendus et ne reprendront que lorsque la personne aura cessé d'exercer ses fonctions de mandataire social) ou d'une novation (le contrat de travail est « absorbé » par le mandat social qui est le seul lien qui subsiste entre la SCOP et la personne concernée). Or, en pratique, ces deux situations sont exceptionnelles. Il est en effet très rare que dans une SCOP, la fonction de mandataire social soit exercée à temps complet. Ainsi, dans la majorité des cas, les dispositions de l'article 17 de la loi du 19 juillet 1978 ne s'appliquent pas aux dirigeants de SCOP. Ce sont donc les dispositions du droit commun applicable à toutes les sociétés, quelle que soit leur forme, et notamment aux SCIC, qui vont s'appliquer aux dirigeants de SCOP. Ils ne bénéficieront donc pas, de plein droit, dans le cadre de leur mandat de dirigeant, de la législation du travail et de l'assurance chômage. Dans ces cas-là, par contre, la réalité du cumul devra être prouvée dans des conditions strictes définies par la jurisprudence. Le cumul n'est ainsi admis que si le contrat de travail porte sur un emploi effectif, c'est-à-dire l'exercice de fonctions techniques distinctes de celles exercées dans le cadre du mandat social et donnant lieu à une rémunération distincte, et surtout sur l'existence d'un lien de subordination vis-à-vis de la société. Cet état de subordination implique que le dirigeant ne jouit pas, en sa qualité de mandataire social, des pouvoirs les plus étendus pour déterminer les conditions et les modalités d'exercice de sa fonction technique de salarié. Il doit donc dépendre d'un tiers ou d'une instance. Le lien de subordination doit être organisé entre le dirigeant et la société. L'existence de ce lien peut découler, par exemple, de la consultation, par le dirigeant, du conseil d'administration dans le cadre de ses fonctions techniques ou bien d'instructions, de lettres de service, etc. Aussi, si le contrat de travail existe réellement, la situation du gérant, en tant que salarié, est celle de tout salarié tant sur le plan de l'application de la convention collective que pour l'application du droit du travail et de la sécurité sociale. Par contre, si le contrat de travail ne remplit pas les conditions qui ont été exposées, il est nul et la personne qui en était titulaire ne peut pas bénéficier de la protection sociale, ni de l'assurance chômage qui y est attaché. Ainsi, dans cette situation, il faudra alors se poser la question se posera de savoir si, en présence d'un contrat de travail nul, il est possible de rechercher une protection sur le fondement de l'article 17 de la loi du 19 juillet 1978. Si tel est le cas, lorsque le mandat social n'est pas rémunéré, la protection sera illusoire et, lorsque le mandat est rémunéré, la protection ne pourra intervenir, notamment pour l'assurance chômage, qu'à hauteur de la seule rémunération afférente au mandat. En conséquence, il lui demande quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour permettre aux dirigeants de SCOP de bénéficier du statut de salariés quelle que soit leur situation au sein de la SCOP et ainsi de bénéficier de plein droit de la législation du travail et de l'assurance chômage.

Réponse émise le 14 juin 2016

L'article 17 de la loi no 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives et participatives (SCOP) dispose que « Les gérants, les directeurs généraux, les présidents du conseil d'administration et les membres du directoire, lorsqu'ils perçoivent une rémunération de la société au titre de leurs fonctions, sont, au regard de la législation du travail, considérés comme employés de l'entreprise au sens de l'article 5, alinéa 3, s'ils ne le sont déjà à un autre titre ». Ainsi, alors que la qualité de mandataire social n'autorise pas, en principe, l'application des règles du droit du travail en matière de licenciement, les dirigeants de SCOP peuvent bénéficier, « en cas de révocation, sauf faute grave, et de non-renouvellement du mandat, ou en cas de cessation de l'entreprise, du délai du congé et de l'indemnité […] prévus par la convention collective applicable à l'activité principale exercée par la société et à défaut par le code du travail », comme un salarié ordinaire. La mise en œuvre de ce dispositif demeure exceptionnelle : les dirigeants doivent être rémunérés et ne pas déjà bénéficier d'un contrat de travail avec la société. Les situations dans lesquelles ces conditions sont remplies sont marginales au sein d'une SCOP. C'est en effet parmi les associés que sont normalement désignés les dirigeants. Or les associés d'une SCOP sont en principe également salariés de l'entreprise. L'article 1er de la loi du 19 juillet 1978 précise, en effet, que « les SCOP sont formées par des travailleurs […] associés pour exercer en commun leurs profession dans une entreprise qu'ils gèrent directement ou par l'intermédiaire de mandataires désignés par eux et en leur sein ». L'article 15 de cette loi limite, en outre, à un « tiers » la part des mandats sociaux susceptibles d'être dévolus à « des associés qui ne sont pas employés dans l'entreprise ». La loi du 19 juillet 1978 facilite en outre le cumul d'une fonction de direction avec un contrat de travail au sein de la société. Son article 15 pose le principe selon lequel « tout associé peut être nommé en qualité de gérant, directeur général, membre du conseil d'administration, du directoire ou du conseil de surveillance » « sans perdre, le cas échéant, le bénéfice de son contrat de travail ». Par ailleurs, comme le rappelle l'article 18 de la loi, « la démission, le non-renouvellement ou la révocation de ces fonctions de direction n'ont pas pour effet de porter atteinte au contrat de travail éventuellement conclu par les intéressés avec la société ». Ces garanties favorisent l'accès des associés salariés aux fonctions dirigeantes. Enfin, il faut rappeler que la doctrine coopérative demeure attachée à la gratuité de l'exercice des mandats sociaux, raison pour laquelle la rémunération de ces fonctions et plus particulièrement celle des dirigeants, n'est pas obligatoire. La protection prévue par l'article 17 de la loi du 19 juillet 1978 n'a dès lors qu'une vocation supplétive. Le législateur a entendu assurer une égale protection des dirigeants de SCOP en palliant l'absence éventuelle, mais exceptionnelle, dans une SCOP, d'un contrat de travail et des garanties afférentes à celui-ci. Ce régime dérogatoire se justifie par la spécificité du statut des SCOP fondé sur le principe de la double qualité d'associé-salarié et, par extension, de dirigeant-salarié, ainsi que par un champ d'application de la mesure strictement proportionné à l'objectif égalitaire poursuivi, dans la mesure où il ne concerne que les dirigeants non-salariés rémunérés. C'est cet équilibre fragile qui garantit, d'un point de vue juridique, la pérennité d'un dispositif original, utile et protecteur, qui contribue, à sa manière, à l'attractivité et à la vitalité du statut des SCOP.

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