Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Serge Grouard
Question N° 62387 au Ministère de la justice


Question soumise le 5 août 2014

M. Serge Grouard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le régime juridique attaché à la présomption de légitime défense. Si le législateur ne peut régler la question de la conscience individuelle ou collective, il lui appartient toutefois de faire évoluer la législation en matière de protection juridique des personnes portant secours aux victimes d'agression. Certes, la question de la non-assistance à personne en danger figure au code pénal (art 223-6 alinéa 2) mais les dispositions de l'article 122-6 du même code excluent de l'application de la présomption de légitime défense et du renversement de la charge de la preuve les personnes intervenant pour porter secours aux personnes victimes d'une atteinte physique. Le projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales adopté les 16 et 17 juillet 2014 n'abordant pas cette question, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions afin que puisse évoluer le régime juridique de la légitime défense, au profit de celles et ceux qui interviennent pour porter secours à la victime d'une agression physique.

Réponse émise le 11 août 2015

La loi favorise et protège toute tentative d'un tiers de porter secours à une personne injustement agressée. L'incitation législative est illustrée par l'existence du délit de non-assistance à personne en danger ou omission de porter secours prévue par l'article 223-6 du code pénal qui sanctionne d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75000 euros quiconque qui, sans risque pour lui ou pour les tiers, s'abstiendrait volontairement d'empêcher un délit contre l'intégrité corporelle d'une personne. La protection de tout individu qui, mu par le civisme, tenterait d'empêcher une agression dont il serait témoin, est en outre assurée par le régime de la légitime défense. Cette cause d'irresponsabilité pénale assure en effet l''impunité de celui qui, pour repousser une agression actuelle et injuste le menaçant ou menaçant autrui, est amené à commettre une infraction lésant l'auteur du péril. Comme pour toutes les causes d'irresponsabilité pénale, il incombe en principe à la personne poursuivie de démontrer qu'elle a agi en état de légitime défense. Le ministère public qui a pour tâche de démontrer, le cas échéant, l'existence des éléments matériels et intellectuels indispensables à la caractérisation de toute infraction devra, dans pareille hypothèse, répondre à l'argumentation de la défense qui arguerait de la légitime défense pour justifier le comportement poursuivi. Ce n'est que de manière exceptionnelle et pour épouser des situations qui correspondent a priori à des atteintes injustifiées dont il est légitime de se défendre que le législateur a édicté une présomption de légitime défense à l'article 122-6 du code pénal. Ne cédant que face à la preuve contraire, celle-ci vise deux hypothèses spécifiques : pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité et pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Cette présomption se justifie aisément par le fait que les circonstances mêmes des faits notamment le lieu où ils sont commis (domicile de la personne arguant de la légitime défense) sont de nature à limiter grandement toute contestation éventuelle sur la réalité de la légitime défense. Ce raisonnement ne saurait cependant prévaloir pour les autres types d'agressions, lesquels demeurent soumis au régime général prévu à l'article 122-5 du code pénal. Cette distinction légalement définie fut le fruit de débats doctrinaux et d'une longue évolution jurisprudentielle finalement consacrée par le code pénal en 1994.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion