Mme Anne-Lise Dufour-Tonini interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme essentielle et attendue du droit des obligations en France. Alors que les avant-projets de réforme se succèdent, cette réforme n'a toujours pas vu le jour. Plus que jamais, une réforme du droit des obligations est nécessaire. Le code civil a déjà plus de deux siècles et a influencé le droit commun de plusieurs pays. Cependant, ce code a depuis 1804 été très peu modifié. Le droit des obligations n'a jamais connu de grandes évolutions législatives depuis 1804. D'ailleurs, le sens des articles est de plus en plus interprété, et deviennent incompréhensibles sans la jurisprudence. Le droit civil est désormais pour partie uniquement jurisprudentiel. Or la jurisprudence évolue parfois de manière brutale. Les procès civils sont donc confrontés à une grande instabilité juridique. Pourtant, des projets de réforme il y en a eu : le plus connu est celui du professeur Pierre Catala proposé par l'Académie des sciences morales et politiques sous la direction du professeur François Terré. De la même manière, les gouvernements successifs ont proposé à deux reprises des projet de réforme en 2008 et en 2013. C'est pourquoi elle l'interroge sur le calendrier attribué à cette nécessaire réforme ainsi que sur la nécessité et la pertinence d'harmoniser le droit civil des obligations avec le droit civil européen.
Alors que le droit de la famille, le droit des sûretés et la prescription ont été réformés récemment, le droit commun des obligations, qui est le fondement même des échanges économiques sur le territoire national, est pour l'essentiel issu du Code Napoléon de 1804. Depuis deux siècles, la matière a été essentiellement complétée par une jurisprudence abondante et parfois fluctuante. En particulier, le droit de la responsabilité civile repose essentiellement sur cinq articles, sur lesquels la Cour de cassation a édifié, depuis deux siècles, une impressionnante construction jurisprudentielle pour les adapter aux bouleversements sociaux, économiques, scientifiques et technologiques. Il est donc apparu essentiel de poursuivre la modernisation de notre droit civil en réformant le droit des contrats, du régime et de la preuve des obligations ainsi que le droit de la responsabilité civile. Deux rapports, rédigés, l'un sous l'égide du professeur Catala en 2005 et l'autre, sous l'égide du professeur Terré entre 2008 et 2013, ainsi que de multiples travaux et réflexions, associant les acteurs économiques et sociaux, ont été menés depuis pour parvenir à la mise en œuvre de cette réforme attendue qui apparaît primordiale non seulement pour satisfaire à l'objectif constitutionnel d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi mais encore pour convaincre le monde économique de l'attractivité de notre droit. Le législateur doit également protéger les intérêts des victimes, et en particulier des victimes de dommages corporels, tout en préservant la sécurité juridique que les acteurs économiques concernés sont en droit d'attendre. C'est pourquoi le Gouvernement a sollicité, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, une habilitation afin de prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires pour modifier la structure et le contenu du livre III du code civil afin de moderniser, de simplifier, d'améliorer la lisibilité, de renforcer l'accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, et de garantir la sécurité juridique et l'efficacité de la norme. Cette habilitation lui a été accordée par l'article 8 de la loi no 2015-177 du 16 février 2015, relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Dans ce cadre, la direction des affaires civiles et du sceau a rédigé un avant-projet d'ordonnance, ayant pour objectif de rendre le droit plus lisible, tant pour le particulier que pour le professionnel ou plus généralement le praticien, dans un souci de prévisibilité et de sécurité juridique, et de contribuer ainsi au renforcement de la compétitivité et de l'attractivité de notre droit en Europe. Dans ce but, elle a notamment pris en considération les différentes tentatives d'harmonisation élaborées en Europe, sans pour autant renier les spécificités qui font du droit français une source d'influence incontestable au plan international. Cet avant-projet a été soumis à une large consultation publique au cours des mois de mars et avril 2015 et a ensuite été amélioré grâce aux nombreuses et riches contributions reçues dans ce cadre. L'ordonnance no 2016-131, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a été adoptée le 10 février 2016 et publiée le 11 février. Par ailleurs, un projet de refonte du droit de la responsabilité civile a été soumis à la consultation publique à la fin du mois d'avril 2016, afin de permettre notamment la rénovation du droit du dommage corporel et d'assurer la prévisibilité indispensable en la matière. Cette réforme globale du droit des obligations figure parmi les 15 actions pour la justice du quotidien annoncées à l'issue des réflexions sur la justice du 21ème siècle, car la sécurisation de la vie économique passe aussi par la stabilisation des règles de droit qui structurent les relations entre les citoyens.
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