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Nicolas Bays
Question N° 63846 au Secrétariat d'état aux anciens combattants


Question soumise le 16 septembre 2014

M. Nicolas Bays appelle l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire, sur la catégorisation des pupilles de la Nation issues de la guerre de 1939-1945. Alors qu'aucune catégorie n'a jamais été établie pour les pupilles issus d'autres conflits, dans le cas des pupilles de la Nation issues de la guerre de 1939-1945, il en existe actuellement pas moins de treize. Enfants de père mort au cours de la campagne de France de mai-juin 1940, de père mort au maquis, au cours d'opérations, sans avoir été fusillé, de père mort dans le cadre des forces françaises libres, de père (ou mère) mort par hasard, en croisant la route de combats, de père (ou mère) mort au cours de bombardements (alliés ou ennemis), de père rentré invalide de captivité (et/ou décédé des suites de cette captivité), de père enrôlé de force dans l'armée allemande, de père mort en Allemagne en tant que prisonnier de guerre, de père mort au cours de l'attaque surprise japonaise de mars 1945 en Indochine, de père mort de façon non définie ou enfin de victime de guerre (et d'attentats). Un décret datant du 13 juillet 2000 distingue les pupilles de la Nation issues de familles de déportés juifs. Un autre du 27 juillet 2004, distingue les pupilles issues de familles de déportés non juifs, à la suite d'actes de résistance et victimes du nazisme. Une telle catégorisation est-elle réellement nécessaire ? Est-elle humainement acceptable ? Pour quelle raison établir une telle discrimination entre personnes partageant finalement une même douleur, celle de porter le deuil d'êtres chers ? Aussi, étant intimement convaincu du fait que la souffrance n'est pas "catégorisable", il lui demande s'il envisage de revenir sur les distinctions établies entre les pupilles de la Nation issues des combats de 1939-1945.

Réponse émise le 25 novembre 2014

Le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire tient à préciser à l'honorable parlementaire que les orphelins de guerre, pupilles de la Nation, dont le statut est défini aux articles L. 461 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), bénéficient tous des mêmes droits, quel que soit le conflit au cours ou des suites duquel leur père, leur mère ou leurs parents sont décédés. Ainsi, en matière d'indemnisation, il convient de rappeler que tout orphelin de guerre perçoit, ou a perçu, jusqu'à son 21e anniversaire, une pension spécifique qui s'ajoute, ou s'est ajoutée, à la pension de veuve versée à sa mère, conformément aux dispositions du CPMIVG. Ce droit à réparation est ouvert à tous les enfants de militaires et de civils victimes de faits de guerre, sans qu'aucune distinction quant au conflit en cause ou aux circonstances du décès ne soit opérée. Cependant, s'agissant de la Seconde Guerre mondiale, deux dispositifs d'indemnisation spécifiques ont été mis en place par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. L'indemnisation ainsi mise en place est plus particulièrement destinée aux victimes de l'extrême barbarie nazie, qui renvoie à une douleur tout à fait spécifique, celle d'avoir perdu un père ou une mère, ou parfois les deux, dans un camp d'extermination. En effet, c'est fondamentalement le caractère particulièrement insoutenable d'extrême barbarie nazie propre à ces disparitions spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, le traumatisme dépassant le strict cadre d'un conflit entre États, qui est à l'origine de ce dispositif réservé aux enfants dont les parents, résistants ou ayant fait l'objet de persécutions antisémites ou raciales, sont décédés en déportation ou ont été exécutés dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du CPMIVG. Dans sa délibération n° 2005-48 du 17 novembre 2005, l'ancienne Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a considéré que l'indemnisation des orphelins de déportés ou de personnes, civiles ou résistantes, arrêtées puis exécutées sommairement ou fusillées, pouvait être regardée comme reposant sur un critère objectif et raisonnable, les circonstances du décès de leur(s) parent(s) les plaçant dans une situation particulière, et ce, indépendamment de leur qualité de pupille de la Nation. Dans le même sens, dans un arrêt du 26 novembre 2007, le Conseil d'État a considéré que le décret du 27 juillet 2004 n'était pas entaché d'une discrimination illégale. Par ailleurs, très attaché au devoir de mémoire, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire accorde une attention toute particulière à la demande d'extension de ces dispositifs, car il comprend la détresse et la souffrance de celles et ceux que la guerre a privés de leurs parents. Pour autant, ce dispositif doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de maintenir cette spécificité pour ne pas porter atteinte à la cohérence des deux décrets. Au-delà de cette analyse, il convient de préciser que selon les hypothèses retenues, le coût d'une extension de l'indemnisation à tous les orphelins de la Seconde Guerre mondiale s'élèverait, la première année, entre 0,5 et 1,3 milliard d'euros, sous la forme de rentes viagères et d'indemnités en capital, puis entre 60 et 150 millions d'euros les années suivantes, sous la forme de rentes viagères. L'extension de l'indemnisation à l'ensemble des orphelins de guerre et pupilles de la Nation, tous conflits confondus, atteindrait un montant total de 2,5 milliards d'euros. Toute mesure d'extension du périmètre des décrets en cause générerait donc un coût incompatible avec la recherche d'un retour aux équilibres budgétaires. Néanmoins, l'examen de plusieurs dossiers ayant laissé apparaître la difficulté d'appliquer des critères stricts à des situations extrêmement diverses, le Gouvernement s'est engagé à veiller à une mise en oeuvre éclairée de ces critères, afin de donner aux deux décrets leur pleine portée, dans le respect de leur ambition initiale d'indemniser la souffrance des orphelins dont les parents ont été frappés par cette barbarie.

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