Mme Marie-Lou Marcel attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'inquiétude des propriétaires de moulin et de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins au regard du projet de classement des cours d'eau et d'effacement des seuils prévus dans la transcription de la directive-cadre européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000. Les associations estiment que ce projet ne fait porter l'effort d'amélioration de la qualité de l'eau que sur les propriétaires en leur demandant la suppression d'un maximum de seuils et de chaussées de moulins sans prendre en compte l'ensemble des causes de la dégradation de la qualité de l'eau (remembrements, drainages, rejets d'assainissements publics et privés...). Elles craignent, en outre, que ces mesures de suppression systématique des seuils de moulins ne bouleversent l'équilibre écologique établi depuis de nombreuses années, au détriment notamment de la faune halieutique. La fédération fait valoir que la directive-cadre européenne ne demande pas la suppression des seuils. Elle pose enfin la question du potentiel énergétique de ces moulins puisque la pico-électricité représente en France plus de 200 000 sites pouvant produire de 1 à 10 KWH. C'est la raison pour laquelle, elle lui demande de bien vouloir la renseigner sur ses intentions à ce sujet.
En application de la directive cadre sur l'eau, la France s'est engagée à atteindre le bon état écologique pour 66 % des masses d'eau de surface (cours d'eau, plans d'eau, eaux littorales) en 2015 alors que l'évaluation réalisée en 2009 a permis d'identifier 41 % de ces masses d'eau en bon état écologique. Les deux principales pressions anthropiques qui expliquent que le bon état des cours d'eau ne soit pas atteint sont les pollutions diffuses et les modifications hydromorphologiques des cours d'eau générées par les barrages et les endiguements. Tout obstacle présent dans le lit mineur d'un cours d'eau participe à la discontinuité de celui-ci. Or, le dernier inventaire réalisé par l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) fait état, en France métropolitaine, de 80 000 ouvrages en lit mineur dont la grande majorité est abandonnée et sans usage identifié. Plus spécifiquement, la coexistence entre les moulins et l'abondance des poissons dans les cours d'eau fait débat. L'étude (Van Looy et al, 2014), menée conjointement par l'ONEMA et l'institut national de recherche en sciences et technologies de l'environnement (IRSTEA) a précisé l'influence négative notable des ouvrages, quels qu'ils soient, sur les populations de poissons, en militant bien pour la baisse de leur densité. Pour atteindre le bon état préconisé par la directive européenne, il est nécessaire de prendre des mesures réalisables, afin de réduire les pressions exercées sur les cours d'eau sur lesquelles il est encore possible d'agir (réduction des prélèvements par économie d'eau, réduction des pollutions diffuses, réduction des prélèvements agricoles, reméandrage de certains secteurs de cours d'eau, réduction des impacts des ouvrages fragmentant les cours d'eau). C'est notamment l'objectif des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et de leurs programmes de mesures. L'atteinte du bon état écologique impose de réduire les impacts des ouvrages sur la circulation des espèces et le transport sédimentaire, c'est à dire sur les fonctionnalités naturelles des cours d'eau. C'est pourquoi un plan de restauration de la continuité écologique des cours d'eau (PARCE) visant le traitement de 1 200 ouvrages d'ici 2012, a été lancé fin 2009 et a été prolongé par la mise en œuvre des obligations liées aux nouveaux classements des cours d'eau en liste 2 au titre de l'article L. 214-17 du code de l'environnement. Ce plan repose sur des mesures d'aménagement ou de suppression, établies au cas par cas et de manière proportionnée, même si une vision des impacts cumulés des ouvrages et des effets des interventions à l'échelle du cours d'eau est indispensable à leur efficacité. La mise en œuvre de cette politique ne concerne pas en priorité les moulins, mais tous les ouvrages implantés dans le lit mineur des cours d'eau et faisant obstacle à la circulation des poissons migrateurs ou au transport sédimentaire. Différentes solutions existent, allant de la suppression de l'ouvrage à l'ouverture régulière de vannes en passant par l'aménagement de passes à poissons, la réduction partielle de la hauteur de l'ouvrage, ou l'implantation de brèches. Toutes ces solutions sont susceptibles de s'appliquer aux ouvrages hydrauliques sur la base d'études de scénarios et d'examen des avantages et inconvénients de chacun, tenant compte, entre autres, de la dimension patrimoniale des ouvrages. Concernant les actions sur les moulins, tous les moulins de France ne disposant pas d'un statut homogène, il est important de distinguer le type d'aménagement qui pourra y être effectué. En effet, certains moulins représentent un intérêt patrimonial, qu'il sera important de prendre en compte, certains sont producteurs d'hydroélectricité, et certains sont abandonnés, délabrés et dangereux quand ils ne sont plus gérés, surveillés, entretenus, voire même maintenus en permanence vannages fermés. Si ces derniers ne peuvent être repris en main et aménagés par le propriétaire, la question de la suppression de l'obstacle se pose alors légitimement. L'action sur les moulins doit donc être ciblée et proportionnée. Une convention d'engagements pour le développement d'une hydroélectricité durable a été signée le 23 juin 2010, pour établir un équilibre entre la restauration des milieux aquatiques, et la production d'hydroélectricité. Elle vise à trouver des compromis entre la suppression de vieux ouvrages, l'aménagement de certains ouvrages existants et la mise en place de nouveaux. De nombreuses remises en exploitation de moulins sont en cours un peu partout sur le territoire. Le ministère chargé de l'environnement vient de prendre plusieurs mesures pour renforcer la conciliation sur cette question : un appel d'offre pour le développement de la petite hydroélectricité, vient d'être lancé, qui comprend la remise en exploitation de moulins dans le respect des enjeux environnementaux. Il fait suite à l'arrêté fixant les nouveaux objectifs de développement des énergies renouvelables qui a été publié au Journal officiel le 26 avril 2016 ; des pages pédagogiques sur le fonctionnement des cours d'eau et la continuité écologique ont été mises en ligne sur l'internet et qui sont disponibles à l'adresse suivante http://www.developpement-durable.gouv.fr/Un-cours-d-eau-comment-ca-marche.html ; une charte est prête à être signée entre le ministère, l'ONEMA, la fédération nationale pour la pêche en France, France nature environnement et une des fédérations de représentants des propriétaires de moulins ; sa signature est en attente des dernières décisions législatives en la matière ; un article du projet de loi sur la biodiversité, par exemple, prévoit d'ores et déjà de donner un délai de 5 ans supplémentaires pour finaliser les travaux de mise en conformité des ouvrages, dès lors qu'un dossier d'aménagement aura été déposé dans le délai initial ; le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a été missionné pour faire un état des lieux précis des moulins et une analyse des situations qui posent des difficultés et préconiser des solutions ; un groupe de travail a été lancé à l'initiative du ministère de la culture, avec les services du ministère de l'environnement et les représentants des propriétaires de moulins, sur la question de la dimension patrimoniale des moulins. Tous ces éléments sont de nature à apaiser les tensions que cette question des moulins a pu générer, mais aussi à mettre en place une démarche appropriée, qui implique au cas par cas les parties concernées, pour concilier la restauration du bon état écologique de nos cours d'eau et la préservation de notre patrimoine des moulins. La politique du Gouvernement est donc bien celle du compromis en matière de restauration de la continuité écologique visant l'atteinte du bon état et le développement de l'hydroélectricité en tant qu'énergie renouvelable.
1 commentaire :
Le 30/07/2015 à 20:41, KW12 a dit :
Bonjour,
Je suis réellement surpris que Madame la ministre de l'écologie ne donne aucune réponse pourtant on l'entend chaque jour parler de transition énergétique.
Et pendant ce temps on continu à détruire les seuils de moulins et décourager l'utilisation de l'énergie hydroélectriques.
Tout cela sous couvert d'une loi concernant la continuité écologique loi qui devrait être revue sur certains articles!
Il faudrait quand même rappeler haut et fort que les seuils de moulins ne sont absolument pas coupable de la détérioration de la qualité de nos cours d'eau.
Ces nombreux moulins que l'on veut détruire et décourager leur restauration représentent un potentiel de production équivalent à plusieurs centrales nucléaires.
Sans compter l'utilité de préserver un patrimoine millénaire et susceptible d'apporter un réel plus pour notre économie.
Ou est la transition énergétique? Pourquoi cette écologie punitive?
En croyant bien faire en détruisant les réserves d'eau que représentent les seuils de moulins on provoquera au contraire une catastrophe écologique sans précédent (rupture d'un équilibre écologique établi depuis des centaines d'années)
En espérant que Madame la ministre de l'écologie donnera des explications? d'autant plus que d'autres députées ont posé des questions allant dans le même sens.
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