M. Alain Tourret appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le manque de moyens et de professionnels, notamment de magistrats et de greffiers, dont la justice de notre pays souffre cruellement. Pour pallier rapidement le manque de magistrats et de juristes de qualité, pourquoi ne pas permettre aux professeurs de droit l'accès au corps des magistrats en s'inspirant de la réforme initiée avec succès par le professeur Robert Debré dans les centres hospitaliers régionaux universitaires ? En reprenant l'esprit de cette réforme, les professeurs de droit deviendraient de plein droit, s'ils le souhaitent, des bi-appartenants professeurs et magistrats. Ils pourraient ainsi renforcer, tant à la cour qu'au conseil, les magistrats de profession et ce dans les meilleurs délais. Il la remercie de bien vouloir lui faire savoir quelle suite elle pense pouvoir donner à cette proposition permettant de répondre de façon concrète, rapide et peu coûteuse à l'une des plaies dont souffre notre système judiciaire.
La garde des sceaux, ministre de la justice, est sensible à cette suggestion qui va dans le sens d'une diversification des voies d'accès à la magistrature, et donc des profils et parcours des magistrats, qui constitue une source d'enrichissement pour le fonctionnement de la justice. Cet objectif semble atteint, pour l'essentiel, par l'organisation actuelle de l'accès à la profession de magistrat. L'École nationale de la magistrature (ENM) constitue la voie principale de recrutement des magistrats ; les auditeurs de justice sont recrutés par voie de concours dans les conditions fixées notamment par l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée. Il est prévu cependant une ouverture du corps de la magistrature à des personnes ayant une expérience professionnelle antérieure, celle-ci étant de nature à enrichir le corps des magistrats. Cette ouverture est réalisée par : - l'intégration de personnes par voie de concours (concours d'accès à l'ENM et concours complémentaires) ou de recrutement latéral (articles 18-1, 22 et 23 de l'ordonnance statutaire précitée) ; - l'exercice des fonctions de magistrat pendant une durée limitée. Le souhait exprimé semble être celui d'une concomitance d'exercice de la profession de professeur des universités et des fonctions de magistrat. L'intégration dans le corps de la magistrature est dès lors exclue. Deux dispositifs permettent toutefois à un professeur d'université d'exercer des fonctions juridictionnelles tout en conservant son activité professionnelle principale (I) et deux dispositifs lui permettent d'exercer pendant plusieurs années les fonctions de magistrat et de réintégrer ensuite son corps d'origine (II). I- Dispositifs permettant à un professeur d'université d'exercer des fonctions juridictionnelles tout en conservant son activité professionnelle principale. a- nomination en qualité de magistrat exerçant à titre temporaire dans les conditions prévues aux articles 41-10 et suivants de l'ordonnance statutaire : aux termes de l'article 41-10, peuvent être nommés magistrat exerçant à titre temporaire, à condition d'être âgés de moins de 65 ans révolus (cette condition s'appréciant au moment de la nomination), notamment les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat que ce diplôme soit national, reconnu par l'État ou délivré par un État membre de la Communauté européenne et considéré comme équivalent par le ministre de la justice après avis d'une commission dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État, ou d'un diplôme délivré par un institut d'études politiques ou encore, avoir obtenu le certificat attestant la qualité d'ancien élève d'une école normale supérieure et justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires. La candidature à ces fonctions est instruite par les chefs de la cour d'appel dans laquelle réside le candidat. Le dossier de candidature est soumis à l'appréciation de la commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance statutaire, composée de 20 membres. Elle peut, si elle l'estime nécessaire au vu du dossier du candidat, procéder à son audition ou désigner à cette fin un ou plusieurs de ses membres (article 31-1 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993). Les nominations, effectuées dans les formes prévues pour les magistrats du siège (avis du Conseil supérieur de la magistrature, décret), interviennent pour une durée de sept ans non renouvelable. Lorsque la commission émet un avis favorable à la nomination du candidat en qualité de magistrat exerçant à titre temporaire, elle fixe la durée de la formation préalable à l'installation dans les fonctions. L'activité de professeur ou de maître de conférences des universités est compatible avec l'exercice des fonctions de magistrat à titre temporaire (article 41-14 de l'ordonnance statutaire). Les magistrats nommés à titre temporaire exercent les fonctions de juge d'instance ou d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance. Il est attribué aux magistrats exerçant à titre temporaire pour l'accomplissement des fonctions judiciaires qui leur sont dévolues, une indemnité de vacation forfaitaire, dont le taux unitaire est égal à vingt-cinq dix millièmes du traitement brut annuel moyen d'un magistrat du deuxième grade, soit 74,46 euros par vacation. Le nombre de vacations allouées à chaque magistrat ne peut excéder 20 par mois et 120 par an (article 35-6 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993). b- nomination en qualité de juge de proximité : la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité définit les différentes catégories de candidats susceptibles d'être recrutés en qualité de juges de proximité. Ces catégories de candidats sont désormais énumérées dans l'article 41-17 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, à savoir : les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, les personnes âgées de 35 ans au moins, titulaires d'un diplôme Bac + 4 (ou équivalence) et justifiant d'au moins 4 ans d'exercice professionnel dans le domaine juridique, les membres âgés de 35 ans au moins, ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires réglementées, les personnes qui justifient d'au moins 25 ans d'activité dans des fonctions de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique, les anciens fonctionnaires des catégories A et B du ministère de la justice que leur expérience qualifie pour l'exercice de fonctions judiciaires, les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins 5 ans. L'activité de professeur ou de maître de conférences des universités est compatible avec l'exercice des fonctions de juge de proximité (art. 41-22 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958). Les nominations, effectuées dans les formes prévues pour les magistrats du siège (avis du Conseil supérieur de la magistrature, décret) interviennent pour une durée de sept ans non renouvelable. Le contentieux actuel confié aux juges de proximité comprend notamment, en matière civile les actions personnelles et mobilières jusqu'à 4 000 euros, en matière pénale le contentieux des contraventions des quatre premières classes et la faculté d'être assesseur en audience correctionnelle. La rémunération des juges de proximité en activité est attribuée sous la forme de vacations ; le taux d'une vacation est égal à vingt-cinq dix millièmes du traitement brut annuel moyen d'un magistrat du second grade, soit 74,46 euros bruts par vacation. Le nombre de vacations allouées à chaque juge de proximité ne peut excéder 200 par an (arrêté du 4 janvier 2007). II- Dispositifs permettant à un professeur d'université d'exercer pendant plusieurs années les fonctions de magistrat et de réintégrer ensuite son corps d'origine : a- le détachement judiciaire : aux termes des articles 41 et suivants de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, peuvent faire l'objet d'un détachement judiciaire pour exercer les fonctions des premier et second grades notamment les professeurs et les maîtres de conférences des universités. Peuvent faire l'objet d'un détachement judiciaire : - pour exercer les fonctions du second grade, les personnes justifiant d'au moins 4 ans de service en l'une ou plusieurs des qualités mentionnées à l'article 41 (article 41-1 alinéa 1) ; - pour exercer les fonctions du premier grade, les personnes justifiant d'au moins 7 ans de service en l'une ou plusieurs des qualités mentionnées à l'article 41 (article 41-1 alinéa 2). Le dossier de candidature est soumis à l'appréciation de la commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance statutaire, composée de 20 membres. Préalablement à l'exercice de fonctions judiciaires, les personnes faisant l'objet d'un détachement judiciaire accomplissent un stage d'une durée de 6 mois, dont la nature est déterminée par la commission. Il s'agit d'un stage de formation qui ne revêt pas un caractère probatoire. La commission détermine les fonctions auxquelles peut être nommée la personne détachée. Aux termes de l'article 41-5 de l'ordonnance statutaire, le détachement judiciaire est d'une durée de 5 ans non renouvelable. Les personnes détachées pendant trois ans peuvent être nommées au premier et au second grade de la hiérarchie judiciaire. b- la nomination en qualité de conseiller ou avocat général en service extraordinaire à la Cour de cassation : il résulte de l'article 40-1 du statut de la magistrature que les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité professionnelle que leur compétence et leur activité qualifient particulièrement pour l'exercice de fonctions judiciaires à la Cour de cassation peuvent être nommées en cette qualité. Les dossiers de candidature sont instruits par la cour d'appel du lieu de résidence et sont adressés après instruction : - pour les conseillers, au Conseil supérieur de la magistrature ; - pour les avocats généraux, au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Les conseillers et avocats généraux en service extraordinaire sont nommés pour une durée de huit ans non renouvelable, dans les formes respectivement prévues pour la nomination des magistrats du siège de la Cour de cassation et pour la nomination des magistrats du parquet de la dite cour. Des modifications complémentaires pourraient être envisagées dans le cadre de la discussion de modification de la loi organique statutaire nécessaire après la réforme constitutionnelle du CSM.
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