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Jacques Cresta
Question N° 75888 au Ministère de la justice


Question soumise le 17 mars 2015

M. Jacques Cresta attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la condamnation des délits d'insultes et de diffamations aggravées. Actuellement, la diffamation et l'injure sont encadrées par la loi de 1881 sur la liberté de la presse, et bénéficient d'un délai de prescription de trois mois. Les récents évènements ont amené le Gouvernement à envisager une évolution de ce régime, par une soumission au régime de droit commun permettant de recourir à la comparution immédiate et à un délai de prescription porté à 3 ans. Ce projet de réforme auquel s'adjoint la possibilité d'une fermeture de site Internet par une autorité administrative et non plus uniquement sur décision de justice, sont les réponses aux récents évènements qu'a connus notre pays pour préserver ses valeurs de respect, d'égalité et de laïcité. C'est la raison pour laquelle ces mesures concernent les contenus racistes, antisémites ou homophobes. Simultanément, avec le développement croissant des nouvelles technologies et des supports d'informations et de publications libres, se multiplient et se banalisent presque les injures et propos diffamatoires envers les élus de la République. Or les élus pour représenter leurs concitoyens, ils subissent également des propos de plus en plus violents qui portent atteinte à notre démocratie, et ce sans véritable possibilité de faire cesser ces agissements, compte tenu de la lourdeur et de la complexité des recours existants. Aussi, il lui demande si le Gouvernement envisage d'entamer une réflexion similaire pour lutter contre les injures et diffamations à l'encontre des représentants du peuple, et notamment par l'élargissement des mesures annoncées à ces cas de figure.

Réponse émise le 14 février 2017

La loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et la citoyenneté comporte des dispositions visant à renforcer la lutte contre les délits d'expression à caractère raciste et discriminatoire tout en préservant la liberté d'expression. A cette fin, la loi du 29 juillet 1881 a été modifiée afin d'alléger certaines spécificités procédurales uniquement pour ces délits, notamment en permettant la requalification des faits par le juge. En revanche, cette loi n'a pas prévu d'allonger les règles de prescription de ces délits, de permettre leur jugement en comparution immédiate, ou d'étendre la possibilité de fermeture de sites internet sans décision judiciaire, en raison de la nécessité de concilier de façon équilibrée la liberté d'expression et la répression de ses abus. Pour les mêmes raisons, il n'est pas envisageable d'élargir aux élus la protection pénale spécifique envisagée pour les personnes subissant des délits d'expression à caractère raciste ou discriminatoire. Les diffamations et injures à l'encontre des élus peuvent en effet entrer dans le cadre d'une critique nécessaire à alimenter des débats d'intérêt public dans une démocratie et, si les termes utilisés excèdent cette critique, les articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 permettent une répression satisfaisante. La Cour européenne des droits de l'homme rappelle à ce titre dans son arrêt Vellutini et Michel c/ France du 6 octobre 2011 que « les limites de la critique admissible sont plus larges à l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, que d'un simple particulier » parce qu' « Ã  la différence du second, le premier s'expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens ». En outre prévoir des peines d'emprisonnement pour les délits d'expression commis à l'encontre d'un élu serait manifestement excessif. Ces peines – qui n'étaient en pratique pas appliquées - ont du reste été supprimées par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, le législateur ayant estimé que l'emprisonnement, comme le rappellent régulièrement les instances européennes, serait une peine disproportionnée au regard de la liberté d'expression, à l'exception des infractions racistes ou discriminatoires. La Cour européenne a du reste indiqué, notamment dans son arrêt Cump n et Maz re c/ Roumanie du 17 décembre 2004, que « si la fixation des peines est en principe l'apanage des juridictions nationales, la Cour considère qu'une peine de prison infligée pour une infraction commise dans le domaine de la presse n'est compatible avec la liberté d'expression journalistique garantie par l'article 10 de la Convention que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque d'autres droits fondamentaux ont été gravement atteints, comme dans l'hypothèse, par exemple, de la diffusion d'un discours de haine ou d'incitation à la violence ».

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